Caractéristiques
- Titre : La Faille
- Auteur : Franck Thilliez
- Editeur : Fleuve Editions
- Collection : Fleuve Noir
- Date de sortie en librairies : 4 mai 2023
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 504
- Prix : 22,90 euros
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- Note : 8/10 par 1 critique
Un nouveau thriller mené tambour battant
Désormais auteur d’une vingtaine de romans et numéro un du rayon polar en France selon l’institut GFK avec ses neuf millions d’exemplaires vendus (données 2022), Franck Thilliez revient en ce mois de mai avec la treizième aventure de son duo emblématique : Franck Sharko et Lucie Hennebelle. Dans ce nouvel opus, La Faille, publié chez Fleuve éditions, une interpellation tourne mal dans le groupe d’officiers et l’un d’eux se retrouve en urgence absolue à l’hôpital. Alors que le compte à rebours commence pour sa survie, l’équipe se retrouve confrontée à une bien étrange affaire dont l’enjeu principal est la frontière ténue entre la vie et la mort…
Comme à son habitude, Franck Thilliez maîtrise habilement le sens du rythme et de la péripétie. Son écriture est efficace, addictive, et l’auteur nous plonge immédiatement dans le vif du sujet, dès le premier chapitre, avec une intensité constamment renouvelée. Malgré le grand nombre de pages et l’aspect très codifié du roman policier, il parvient à entretenir le suspense et la tension, avec de multiples rebondissements – parfois à la limite du vraisemblable, mais on lui pardonne tant la lecture est agréable – des dialogues nerveux et des cliffhangers de fin de chapitres haletants. Sa capacité à ne jamais perdre le lecteur malgré un nombre incalculable de péripéties et de personnages, et à construire à chaque fois une trame habile et tortueuse est tout bonnement impressionnante.
Enfin, l’intrigue choisie par l’auteur est de nouveau captivante et stimulante : il traîte avec La Faille des thématiques difficiles de la fin de vie et de l’euthanasie, de la possibilité de concilier sciences et éthique. Quel est le lien entre le corps et l’esprit ? La conscience meurt-elle avec l’enveloppe charnelle ? Autant de questions auxquelles il se propose de répondre à travers une fiction grandement inspirée de la réalité.
Rigueur et réalisme
Les romans de la saga Sharko/Hennebelle ont tous en commun d’allier rigueur et divertissement. Franck Thilliez met un point d’honneur à se renseigner très précisément sur le sujet qu’il va traiter dans chaque opus, auprès de scientifiques professionnels ou de policiers. Il vulgarise ensuite habilement ces connaissances pointues pour les rendre accessibles au lecteur, tout en n’hésitant pas, malgré tout, à employer quelques termes savants et à citer ses sources littéraires et scientifiques. Ici, on en apprend plus sur les « dioramas », scènes miniatures appartenant à l’art macabre, les « Christs anatomiques » et les « transis », et l’auteur fait de nombreuses références à L’Enfer de Dante et au Frankenstein de Mary Shelley.
La plume se veut très réaliste, immersive, et décrit avec précision un environnement typiquement parisien : Thilliez évoque tour à tour le Quai de la Rapée, où se trouve l’Institut médico-légal, le Bastion – nouvelle adresse de l’ancien 36 Quai des Orfèvres – ou encore les Catacombes, dépeintes pour l’occasion de manière particulièrement sordide. Ce réalisme se retrouve également dans la volonté de sonder la société contemporaine et d’en traquer les travers. Dans ce roman, l’auteur cible particulièrement les réseaux sociaux, où tout un chacun donne son avis sur tout, condamne et adule aussi vite qu’il respire.
La Faille est un tome particulièrement ancré dans son époque, et on le remarque grâce à la présence discrète mais insidieuse du Covid 19 en arrière-plan du récit. Les personnages respectent les gestes barrières, portent le masque, et l’auteur fait régulièrement allusion aux traumatismes causés par le virus, au deuil et au sentiment d’impuissance auquel est confronté le personnel médical.
Un polar sombre et poignant
Le cerveau a toujours été une source de fascination pour Franck Thilliez. Déjà dans Le Syndrôme E et Gattaca, il s’intéressait à la possibilité de manipuler les esprits, et dans Rêver ou Puzzle, il s’amusait à brouiller les pistes entre le réel et l’imagination. Ici, c’est la conscience, l’âme d’une personne, qui est au centre du roman. Combien de temps l’esprit continue-t-il de percevoir après l’arrêt des fonctions vitales ? Est-il possible de greffer un cerveau humain ? L’auteur étudie à travers son roman les expériences de mort imminente (EMI) et les expérimentations plus ou moins légales dans le domaine de la réanimation. Ce faisant, il se confronte avec justesse à de nombreux questionnements moraux et sociétaux.
Ainsi, l’un des membres de l’équipe Sharko étant entre la vie et la mort, Franck Thilliez aborde le sujet sensible de l’acharnement thérapeutique et du coma irréversible. En alternant les scènes d’enquête et d’attente fébrile à l’hôpital, l’auteur mêle intelligemment suspense et drame – avec par instants peut-être un peu trop de pathos – et signe probablement l’un de ses romans les plus émouvants. Nous conseillons d’ailleurs aux lecteurs de connaître quelques-uns des tomes précédents de la saga Sharko/Hennebelle, car l’affect pour les agents du 36 jouera un rôle déterminant dans l’émotion ressentie pour ce personnage en sursis.
La Faille est donc un roman empreint de noirceur et de tristesse, mais Franck Thilliez est également passé maître dans l’art de créer des ambiances pesantes et malsaines. Il parvient à installer un climat poisseux et angoissant, à la limite de la science-fiction, et régale le lecteur de quelques scènes particulièrement horrifiques. La perversité humaine est encore une fois dévoilée dans sa noirceur la plus absolue et l’on retrouve l’un des thèmes de prédilection de l’auteur : l’asile psychiatrique. Frissons garantis !
La Faille est donc un nouveau tome très réussi de la saga Sharko/Hennebelle. En mêlant habilement suspense et émotion, divertissement et rigueur scientifique, Franck Thilliez parvient à se renouveler, et entre avec passion dans un débat crucial et sensible : la possibilité de concilier sciences et éthique. Il cite à ce propos le fameux questionnement de Mary Shelley dans Frankenstein : « L’homme était-il donc à la fois si puissant, si vertueux et magnifique, et d’autre part si vicieux et si bas ? » La lecture de cette passionnante aventure vous permettra peut-être de le découvrir !
