Caractéristiques
- Titre : L'Île
- Auteur : Jérôme Loubry
- Editeur : Calmann-Lévy
- Collection : Noir
- Date de sortie en librairies : 28 août 2024
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 400
- Prix : 21,90 euros
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- Note : 8/10 par 1 critique
Peut-on mourir deux fois ? C’est la question que pose Jérôme Loubry avec son nouveau roman L’Île, publié en cette fin d’été aux éditions Calmann-Lévy. Désormais reconnu dans le monde du thriller avec des titres tels que Les Chiens de Détroit, Prix Plume libre d’Argent 2018, ou Les Refuges, prix Cognac 2019, l’écrivain français nous entraîne cette fois sur l’île de Porquerolles, où un crime mystérieux vient de se produire. Quelques années plus tôt, une jeune femme, Diane, y a mis fin à ses jours, plongeant son frère Paul et ses amis Sabrina, Lucas et Cassandre dans le désespoir. Comment expliquer alors que la nouvelle victime ressemble trait pour trait à Diane ?
Amitié insulaire
L’Île est un roman qui sait prendre son temps. Le temps de dépeindre une atmosphère insulaire, le repli sur soi, les habitudes, mais également le temps de suivre un groupe de jeunes gens, au rythme de leurs longues soirées d’été. Les quatre amis parisiens se retrouvent chaque année dans un manoir de famille, à Porquerolles, pour une parenthèse enchantée faite de soirées arrosées, de longues discussions au bord de l’eau. Ils ont des rêves pleins les yeux, tous envisageant une grande carrière dans le cinéma. A travers deux temporalités et un habile jeu passé-présent, Jérôme Loubry dépeint le quotidien de ces personnages bohème, entre 2019 et 2024. et construit un puzzle d’indices vers un dénouement plutôt convaincant.
C’est une véritable carte postale de Porquerolles que l’auteur nous adresse, faisant de l’île un personnage à part entière de son histoire. Capricieuse, changeante, cette terre isolée vit à son propre rythme, et ses habitants la vénèrent autant qu’ils en craignent les colères. Ils vivent au gré de ses humeurs, faisant tout pour préserver leur trésor. Jérôme Loubry ne lésine pas sur les descriptions détaillées et offre à son lecteur une escapade touristique doublée d’un récit mystérieux. Son écriture est travaillée, souvent poétique, jamais ennuyeuse.
Une plume élégante et mystérieuse
Avec L’île, Jérôme Loubry démontre encore une fois la qualité de sa plume. La construction du roman est travaillée, avec une bonne maîtrise des allers et retours temporels, et les descriptions immersives succèdent habilement aux dialogues incisifs, qui relancent l’action et fluidifient la lecture. L’auteur fait le choix d’un rythme assez lent, posé, pour densifier son atmosphère, sans pour autant négliger le suspense nécessaire au récit.
Le roman débute en effet de manière très intrigante, et propose par la suite un mystère séduisant, à la lisière du fantastique. En lorgnant par instants vers la littérature gothique et horrifique, Jérôme Loubry crée une ambiance énigmatique, et joue avec la personnification du manoir et de Porquerolles. Le récit s’attarde longuement sur les personnages et leur introspection, avec une finesse psychologique assez convaincante.
Entre musique et cinéma
Dans ce nouveau roman, la musique tient une place de premier plan. Les personnages, et en particulier Diane et Cassandre, en sont tous grands amateurs, et achètent régulièrement chez leur ami disquaire des vinyles qu’ils écoutent sur les enceintes puissantes du manoir. Chaque en-tête de chapitre est introduit par le symbole « retour-arrière » ou « pause » des lecteurs audios, habile référence aux retours dans le temps de l’histoire et à la passion des protagonistes. Cependant, ces éléments ne sont pas une simple lubie de l’auteur, mais constituent un point d’intrigue déterminant. Jérôme Loubry propose également une liste de chansons à écouter à la fin du roman, qui constituera une excellente suggestion pour les lecteurs aimant lire en musique.
Enfin, une autre forme d’art tient une place déterminante dans le récit, et il s’agit du cinéma. Paul, Sabrina, Lucas et Cassandre souhaitent faire carrière en tant que réalisateur ou acteur, et on les voit se filmer, écrire des scénarios et parler d’avenir. Certains passages, en italique dans le roman, sont d’ailleurs des extraits de scénario et se superposent habilement à la réalité. La plume de l’auteur, immersive et sensorielle, revêt alors, elle aussi, un aspect cinématographique, et plonge le lecteur dans un univers palpable et visuel, notamment lorsqu’il décrit la violence d’un orage ou les états d’âmes de ses personnages tourmentés.
L’Île est donc un roman intrigant et séduisant, proposant une atmosphère travaillée et des personnages énigmatiques. S’il ne repose pas sur un suspense redoutable, sa construction intelligente et sa plume poétique et élégante en feront une lecture très agréable, doublée d’une invitation au voyage sur la mystérieuse île de Porquerolles.