Caractéristiques

- Titre : Docteur, je vois des choses que les autres ne voient pas – Volume 1 : L’Entremonde
- Auteur : Marc Bati
- Illustrateur(s) : Marc Bati
- Editeur : Florent Massot Editions
- Date de sortie en librairies : 6 novembre 2025
- Format numérique disponible : non
- Nombre de pages : 64
- Prix : 17,90 €
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- Note : 6/10 par 1 critique
Actif dès les années 1980, Marc Bati s’est d’abord illustré dans Métal Hurlant et Pilote, avant de collaborer avec Jean Giraud, alias Moebius, avec lequel il co-signe huit albums, dont Le Cristal Majeur, point de départ de la série heroic-fantasy SF Altor. Avec Docteur, je vois des choses que les autres ne voient pas, publié le 6 novembre 2025 aux éditions Massot, l’auteur revient à un univers foisonnant, au scénario ainsi qu’aux illustrations, avec le renfort de Nadeige Imbert pour la mise en couleurs. Premier volet d’une trilogie annoncée, L’Entremonde mêle dystopie politique, engagement antifasciste et escapades fantastiques.
Narration alternée et évasion fantastique
Trentenaire parisien, Thomas peine à maintenir un rapport stable au monde qui l’entoure. Ses pertes de conscience répétées le projettent dans un univers parallèle, véritable contrepoint fantastique à son quotidien. Dans l’Entremonde, Thomas est appelé Grodji, et erre au cœur d’un paysage minéral et rocailleux peuplé de créatures étranges, dont les Panshees, spectres tentaculaires et inquiétants. Les planches consacrées à ce monde parallèle offrent une explosion de couleurs vives, contrastant fortement avec les teintes plus ternes du quotidien parisien. Se met ainsi en place une alternance très maîtrisée entre deux univers : l’un réaliste et sombre, l’autre flamboyant et fantastique.
Si l’Entremonde apparaît comme étrange, le monde réel n’en est pas moins déroutant. Marc Bati l’ancre dans une France où l’extrême droite est au pouvoir, et où la contestation sociale s’exprime dans des manifestations réprimées avec violence. Ces scènes, très réalistes, contrastent avec la luxuriance du monde fantastique et renforcent l’idée que l’imaginaire peut devenir un refuge vital. La vie professionnelle des proches de Thomas n’est guère plus apaisée, à l’image de son amie Chloé, qui vient d’être remplacée dans son emploi par une intelligence artificielle. L’auteur dresse ainsi le portrait d’une époque incertaine, où l’instabilité sociale et politique fait écho à la fragilité psychique de ses personnages. L’évasion dans l’Entremonde ne se présente pas seulement comme un dérèglement, mais comme une tentative – consciente ou non – d’échapper à un quotidien oppressant.
Un tome plein de promesses et de mystères à explorer
En soixante-quatre pages seulement, Marc Bati parvient à installer une atmosphère singulière et un rythme soutenu. Les dialogues restent volontairement brefs, les cases laissant la place à un récit très visuel où chaque planche joue un rôle narratif. Le graphisme constitue l’autre force majeure de l’album. Les nuances éclatantes du monde fantastique et les détails minutieux des créatures et des décors témoignent d’un soin particulier apporté à chaque page. Cette richesse visuelle contribue pleinement à l’immersion, donnant vie à un univers dense et foisonnant malgré un format relativement court.
En refermant ce premier tome, le lecteur se retrouve avec une multitude de pistes encore inexplorées. Le récit esquisse les prémices d’une quête au cœur de l’Entremonde, mais laisse volontairement en suspens de nombreuses questions : Thomas est-il simplement en train de rêver ? Cet univers parallèle possède-t-il une existence propre ? Les interrogations s’accumulent, entretenues par la structure même du récit, qui multiplie les allers-retours entre les deux mondes. L’album se clôt ainsi sur une impression d’inachevé, laissant au lecteur l’envie irrépressible de poursuivre l’aventure pour comprendre la nature de l’Entremonde et le rôle exact de Thomas dans cette réalité fragmentée.
En mêlant ancrage politique, introspection et imaginaire foisonnant, Docteur, je vois des choses que les autres ne voient pas offre une lecture aussi déroutante que captivante. Sans répondre aux nombreuses questions qu’il soulève, ce premier tome parvient à installer un univers dense et une tension narrative qui ne demandent qu’à être approfondis. Une ouverture maîtrisée, qui pose les bases d’une trilogie prometteuse.



