[Critique] Une histoire de cinémas – Mélanie Toubeau

Caractéristiques

  • Titre : Une histoire de cinémas - Le livre illustré des 130 ans du septième art
  • Auteur : Mélanie Toubeau
  • Illustrateur(s) : Simon Delart
  • Editeur : Webedia Books
  • Date de sortie en librairies : 20 novembre 2025
  • Format numérique disponible : non
  • Nombre de pages : 224
  • Prix : 35 €
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 8/10

Mélanie Toubeau, créatrice de la chaîne YouTube La Manie du cinéma et suivie par plus de 48 000 abonnés, partage depuis 2016 sa passion pour le septième art à travers anecdotes, décryptages et analyses des coulisses. Avec Une histoire de cinémas – Le livre illustré des 130 ans du septième art, publié par Webedia Books et illustré par Simon Delart, elle propose une traversée personnelle de l’histoire du cinéma. Pensé comme un ouvrage de transmission et de vulgarisation, ce beau livre revient sur les films, artistes, inventions et événements qui ont durablement façonné le septième art depuis ses origines.

Quand une cinéphile raconte « son » cinéma

Publié dans le contexte symbolique des 130 ans du Cinématographe, dont la première projection publique eut lieu le 28 décembre 1895 à l’initiative des frères Lumière, Une histoire de cinémas s’inscrit pleinement dans une logique commémorative. En 224 pages richement illustrées, l’ouvrage retrace quarante-cinq portraits de personnalités, de lieux, d’événements ou d’inventions ayant marqué l’histoire du cinéma, de ses balbutiements à ses formes les plus contemporaines. Dès l’avant-propos, Mélanie Toubeau évoque sa relation intime au cinéma et sa fascination précoce pour Georges Méliès. Loin de toute posture académique, elle affirme son désir de partager son regard personnel et passionné. Le livre est structuré en plusieurs chapitres thématiques – inventions, événements, personnalités et lieux – permettant d’embrasser un vaste panorama, allant des premières expériences de captation du mouvement aux technologies immersives actuelles, en passant par des figures aussi diverses qu’Agnès Varda, Alfred Hitchcock, Walt Disney ou Jordan Peele, sans oublier Hollywood ou le Festival de Cannes.

Avec Une histoire de cinémas, Mélanie Toubeau revendique un positionnement clair : celui d’une passionnée plutôt que d’une historienne. Elle ne cherche ni l’exhaustivité encyclopédique, ni la simplification excessive, mais une voie médiane, plus incarnée, fondée sur des choix, des affinités et une sensibilité personnelle. Cette subjectivité assumée constitue l’un des moteurs du livre, tout en s’inscrivant dans une chronologie rigoureuse qui permet au lecteur de suivre l’évolution du septième art sans se perdre. L’autrice émaille son récit d’anecdotes souvent connues des cinéphiles, mais plus rarement du grand public, à l’image de cette décision d’Alfred Hitchcock, lors de la sortie de Psychose en 1960, d’interdire l’entrée en salle après le début de la projection, bouleversant durablement les habitudes des spectateurs. Autant de détails qui participent à rendre cette histoire vivante, concrète et résolument tournée vers le plaisir de transmission.

Une traversée vivante de 130 ans de cinéma

Une histoire de cinémas adopte une organisation qui peut, de prime abord, désarçonner, tant le lecteur passe d’un progrès technique à une figure majeure ou à un moment charnière de l’histoire du septième art. Ce parti pris s’avère toutefois payant, car il reflète la richesse et la complexité du cinéma, art protéiforme par excellence. Mélanie Toubeau accorde une place importante aux figures longtemps restées en marge, mettant notamment en lumière des femmes dont l’apport a été déterminant. Alice Guy, première réalisatrice de l’histoire, Lois Weber ou Dorothy Arzner, mais aussi Mary Pickford, actrice et productrice à l’origine du star system, trouvent ici une reconnaissance bienvenue. L’autrice revient également sur les artisans du langage cinématographique moderne, tels D. W. Griffith, dont les innovations formelles – champ-contrechamp, gros plan ou montage parallèle – sont analysées sans occulter la dimension profondément problématique de Naissance d’une nation, par exemple.  À cela s’ajoutent, en fin de chapitres, des recommandations de films, invitant le lecteur à prolonger la découverte par le visionnage.

Si la structure thématique domine, la chronologie n’en demeure pas moins rigoureusement respectée, permettant de suivre les grandes étapes qui ont jalonné l’histoire du cinéma. L’ouvrage s’ouvre ainsi sur les expériences fondatrices de la chronophotographie, lorsque Eadweard Muybridge cherche à saisir le mouvement d’un cheval au galop, donnant naissance à la célèbre série The Horse in Motion. S’ensuivent les inventions décisives d’Émile Reynaud et de ses pantomimes lumineuses, du kinétoscope de Thomas Edison, ou encore les illusions et trucages de Georges Méliès. La rivalité entre Charles Pathé et Léon Gaumont, l’industrialisation du cinéma, mais aussi des événements tragiques comme l’incendie du Bazar de la Charité – qui entraînera une amélioration des normes de sécurité dans les salles – le passage du muet au parlant, la naissance et l’âge d’or d’Hollywood, l’instauration du Code Hays, le maccarthysme, l’émergence des blockbusters, les innovations techniques contemporaines, et tant d’autres événements jalonnent cette progression. L’encart « Aujourd’hui », présent dans chaque chapitre, joue alors un rôle clé, reliant systématiquement ces mutations passées aux pratiques et aux enjeux du cinéma moderne.

Un beau livre pensé pour transmettre

Dès la prise en main, Une histoire de cinémas s’impose comme un bel objet-livre. La couverture embossée, le papier épais et la qualité des images témoignent d’un soin évident, faisant de l’ouvrage un objet que l’on a plaisir à offrir ou à s’offrir. Les illustrations de Simon Delart occupent une place centrale : souvent déployées en pleine page, colorées et dominées par des teintes pastel, elles prennent majoritairement la forme de portraits au trait précis, accompagnés parfois de photographies de films. La mise en page, alternant colonnes de texte et citations mises en exergue, cherche constamment à relancer l’attention du lecteur et à faire émerger l’essentiel. Si ce dispositif graphique, avec des paragraphes disposés de part et d’autre de la page, ne séduira pas nécessairement tous les lecteurs, il a le mérite de structurer efficacement la lecture et de valoriser les propos les plus marquants. Au-delà de son apparence soignée, l’ouvrage se distingue par une réelle volonté de transmission. Le lexique employé se révèle accessible, la vulgarisation pleinement assumée, sans jamais verser dans la simplification outrancière. Les chapitres, volontairement concis, vont à l’essentiel et permettent une mémorisation plus efficace que de longs essais théoriques, tout en donnant envie d’approfondir.

Cette dimension pédagogique est renforcée par de nombreux renvois internes, les listes de films proposées tout au long de l’ouvrage, ainsi que par les annexes finales regroupant œuvres incontournables, bibliographie et table des illustrations. Mélanie Toubeau adopte un regard nuancé, refusant toute approche hagiographique. Les figures majeures du cinéma sont ainsi présentées dans toute leur complexité, sans occulter les zones d’ombre : racisme et misogynie, accusations de violences visant par exemple Charlie Chaplin, l’admiration de Leni Riefenstahl pour le régime nazi, ou encore le caractère parfois tyrannique de cinéastes comme Stanley Kubrick ou Hayao Miyazaki… Cette honnêteté intellectuelle, alliée à une écriture fluide et dynamique, fait de Une histoire de cinémas un ouvrage à la fois ludique, instructif et critique, capable de s’adresser aussi bien au curieux qu’au cinéphile averti.

Avec Une histoire de cinémas, Mélanie Toubeau signe un ouvrage accessible, incarné et généreux, qui parvient à conjuguer plaisir de lecture, rigueur chronologique et esprit critique. Sans prétendre à l’exhaustivité, ce beau livre illustré propose une porte d’entrée idéale vers 130 ans de septième art, invitant le lecteur à (re)découvrir films, figures et innovations qui continuent d’influencer notre regard sur le cinéma aujourd’hui.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles. Depuis, elle est également devenue une (excellente) critique de cinéma et parle régulièrement de cinéma de genre (avec une prédilection pour les films d’horreur) et de cinéma d’auteur.

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