[Critique] Innocent Rouge, volume 1 — Shin’ichi Sakamoto

Caractéristiques

  • Auteur : Shin'ichi Sakamoto
  • Editeur : Delcourt
  • Collection : Delcourt/Tonkam Seinen
  • Date de sortie en librairies : 26 avril 2017
  • Format numérique disponible : Non
  • Nombre de pages : 208
  • Prix : 7,99€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

La Révolution Française en marche

image planche 74 innocent rouge volume 1 éditions delcourt tonkam
© Delcourt/Tonkam

Ames sensibles, s’abstenir ! Le mangaka Shin’ichi Sakamoto est de retour avec une toute nouvelle série, faisant suite à son célèbre Innocent, qui suivait le bourreau de la cour de Versailles, Charles-Henri Sanson, durant son enfance, alors qu’il refusait de suivre les traces de son père. Lorsque Innocent Rouge débute, en 1772, le jeune homme est devenu un exécuteur des hautes oeuvres implacable, n’hésitant pas à transformer certaines mises à mort en exemples afin de mettre en garde la population. Désormais père d’un petit garçon de 6 ans sensible, Henri, il souhaite apprendre à celui-ci les ficelles du métier, comme son père l’avait fait avec lui. Cependant, le petit garçon émotif ne l’entend pas de cette oreille… La soeur de Charles-Henri, Marie-Josèphe, est quant à elle devenue une redoutable femme fatale, prête à tout pour venger l’assassinat de son grand amour, Alain, par le comte de Luxe, gracié au dernier moment par Louis XV. Alors que les prémisses de la Révolution Française se font sentir, les Sanson semblent prêts à tapisser Paris en rouge sang.

La Révolution Française, d’horribles exécutions, des manigances et une trame romanesque constituent la fabrique d’Innocent Rouge, dont le premier volume donne très rapidement le ton. La violence y est graphique sans être pour autant terriblement gore et le gentil petit Charles-Henri, devenu adulte, est représenté comme un Ange de la Mort dont les traits évoquent par moments ceux de Marilyn Manson. Voici donc un seinen réservé avant tout aux adultes, ou du moins aux adolescents de 16 ans et plus. En étudiant soigneusement les planches représentant les exécutions, on se rend assez vite compte que Sakamoto joue beaucoup avec le découpage et ne représente pas forcément les moments les plus atroces : le visage du supplicié avant les coups, le sang sur le visage de Charles-Henri ensuite, et une ou deux cases plus générales pour terminer permettent de se représenter l’horreur sans pour autant verser dans la violence malsaine. On notera d’ailleurs que la mise en situation est d’une telle intensité que le lecteur sera facilement persuadé d’avoir tout vu, même s’il n’en est rien. Voilà donc une mise en images intelligente, qui nous permet d’épouser le regard du petit Henri, en empathie avec les condamnés.

Un manga violent, porté par les émotions de ses personnages

image planche 9 innocent rouge volume 1 éditions delcourt tonkam
© Delcourt/Tonkam

Cette question de l’empathie est centrale au sein de ce premier volume : non seulement l’intrigue nous révèlera que Charles-Henri a conservé une part d’humanité, mais surtout, c’est paradoxalement la sensibilité du petit garçon et son égard envers les condamnés qui, pour sa famille, peuvent contribuer à faire de lui un bon bourreau. La manière dont l’auteur amène le personnage sur cette voie mortifère est simple et brillante à la fois, et ménage un certain suspense pour la suite. Malgré la violence quasi-continue du manga et ses partis pris esthétisants, ce qui frappe dans ce premier volume d’Innocent Rouge, c’est que Shin’ichi Sakamoto maintient toujours un lien émotionnel fort avec ses personnages. Ce n’est pas la violence qui guide la trame de l’oeuvre, mais bien les sentiments et la psychologie des personnages qui en découle. Au-delà du rôle d’exécuteur de Charles-Henri, qui obéit à des ordres, le manga est structuré autour de l’évolution des protagonistes, avec des pics correspondant à des sommets émotionnels pour chacun d’entre eux, plus qu’à de simples rebondissements. Cela donne à Innocent Rouge une force, un impact qui auraient été bien différents s’il s’était agi d’un simple jeu de massacre prenant la Révolution Française comme toile de fond.

De ce côté-là, on sent que le mangaka a fait sa part de recherches. Comme pour les oeuvres graphiques du genre, il ne faut pas s’attendre à une fiabilité historique absolue (on reste dans le divertissement), mais disons que l’approche de Sakamoto s’avère plus pertinente que celle du plus grand public Reine d’Egypte, par exemple, qui épousait un peu trop une sensibilité contemporaine pour souligner sa démonstration. On sent ici que le mangaka ne cherche pas à arrondir les angles, qu’il n’y a pas de grands méchants d’un côté, et de pauvres victimes de l’autre, ce qui n’en rend l’histoire que plus prenante. Le dessin reste quant à lui toujours aussi sombre et affûté, avec une foule de détails afin de retranscrire de la manière la plus réaliste possible le faste de Versailles et l’atmosphère de Paris en cette fin de XVIIIe siècle. Innocent Rouge se présente donc comme une nouvelle série prometteuse, que l’on suivra avec grande attention.

Article écrit par

Diplômée en Lettres Modernes, Natacha Fleurot rejoint la rédaction de Culturellement Vôtre fin 2015. Spécialisée dans les oeuvres jeunesse, young adult ainsi que la fantasy, elle réalise de nombreux articles dans les rubriques Livres et Cinéma. Passionnée de cuisine, elle teste aussi régulièrement des livres de cuisine et écrit dans la catégorie Food de la rubrique Lifestyle.

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