Caractéristiques
- Auteur : ByMöko
- Editeur : Éditions Soleil
- Collection : Noctambule
- Date de sortie en librairies : 31 mai 2017
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 161 pages
- Prix : 17,95€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 8/10 par 1 critique
Artiste voguant entre arts visuels et musique, ByMöko n’a pas conçu Au pied de la Falaise comme un simple roman graphique, mais bel et bien comme un projet transmedia à part entière, où le lecteur, une fois le livre refermé, peut se tourner vers un site Internet à 360° pour explorer cet univers autrement, mais aussi écouter (et télécharger gratuitement) un E.P. conçu comme une B.O. par le beatmaker Tismé et regarder un clip où le danseur Miel, filmé dans l’environnement des transports en commun parisiens par le photographe Semmy Demmou, partage à sa manière son ressenti sur l’histoire.
Un roman graphique dominé par les éléments
L’histoire, justement, parlons-en : Au pied de la falaise est un récit initiatique présentant de courtes tranches de vie au sein d’un village africain intemporel, où nous suivons les aventures d’Akou, le fils du chef, de son enfance jusqu’au moment où, adulte, il sera appelé à prendre la place de ce dernier. ByMöko n’est pas africain, mais l’Afrique, mi-fantasmée mi-réaliste qu’il dépeint, ne ressemble en rien à une image d’Épinale exotique à l’occidentale.
Surtout, sa vision est imprégnée d’un grand respect et d’une vraie tendresse pour cette culture, dont il s’est inspiré des différents mythes pour nous raconter cette histoire simple, tout juste esquissée en réalité, mais qui nous happe grâce à la vie qui en émane. Ainsi, la première chose qui frappe, avant même le traitement des personnages, c’est cet univers visuel d’une grande beauté, où le ciel, d’un réalisme quasi-photographique, diffuse une atmosphère un rien onirique. Le découpage, bien pensé, alterne vues d’ensemble, gros plans et cadrages cinématographiques, pour un résultat dynamique, qui nous immerge au coeur du désert africain avec une rare acuité.
Au coeur de ces paysages désertiques, simplement parsemés de quelques cabanes à l’aménagement spartiate, les différents éléments de la nature sont mis en avant : l’air, l’eau, la terre et le feu ont d’ailleurs chacun droit à un morceau au sein de l’E.P. électro-urbain conçu par Tismé, qui joue beaucoup sur la texture des sons pour nous donner à voir et ressentir autrement la bande-dessinée. ByMöko a réalisé un très beau travail à la palette afin de travailler la texture du ciel et de chaque élément, en faisant des personnages à part entière de l’histoire, face auxquels les protagonistes, attachants et très expressifs, font preuve d’humilité.
Un récit initiatique traité avec simplicité et humour
La persévérance, le courage, la solidarité et l’humilité, valeurs essentielles à la culture africaine, sont au coeur de la narration, qui fait preuve d’humour et n’en rajoute jamais. ByMöko joue parfois avec certains préjugés que le lecteur peut avoir : par exemple, lorsque le héros a un différent avec son voisin qui fait trop de bruit, on le voit lever sa hache, à l’effroi de ce dernier, alors qu’en réalité, Akou désire seulement l’aider à terminer son travail (bruyant), réglant ainsi du même coup son problème et celui de ce voisin peu amène. Si la fin semble sortie tout droit d’une légende africaine, on trouve aussi nombre d’épisodes plus réalistes, où les villageois travaillent dur leur terre, ou bien se houspillent sur la place du marché pour des problèmes de peu d’importance.
La dimension initiatique du récit est ainsi traitée avec une belle simplicité, mettant le héros face à la nature et face à lui-même. Les textes, remplis de bons mots et de quelques maximes philosophiques dispensées par le père d’Akou ou le shaman du village, sont bons et placés juste là où il faut, de sorte qu’ils ne prennent pas toute la place. Les blagues peuvent être périlleuses à faire passer au sein d’une BD (ça passe ou ça casse), surtout si elles donnent l’impression d’être trop écrites ou convenues, mais, dans le cas présent, le résultat est agréablement surprenant. Enfin, s’il vaut mieux avoir une connexion sans faille pour profiter au mieux de l’expérience virtuelle du site Web, celui-ci apparaît comme un support plaisant et bien conçu, permettant de visiter quelques décors du roman graphique avec une vue à 360°, tout en visionnant le clip du projet, ou en découvrant une vidéo making-of où ByMöko dessine l’un des personnages féminins.
Au pied de la falaise apparaît donc comme une belle réussite : si l’histoire reste à l’état d’ébauche, la grande qualité du roman graphique est de communiquer mille sensations au lecteur par petites touches, grâce à un bon sens de l’épure et de l’ellipse, mais, aussi et surtout, une maîtrise visuelle assez saisissante, qui nous plonge dès la première planche dans cet univers intemporel, où le ciel, la lune et le soleil dominent les hommes. En ce qui concerne la dimension transmedia, si l’on pourra regretter que le site Web d’Abdou Diouri, très réussi, ne contienne pas davantage de contenu ou de décors « visitables », on saluera en revanche l’E.P. inspiré de Tismé, conçu en compagnie d’autres artistes urbains, et plus particulièrement les titres « Vent » et « Lune ».