[Critique] Bond, l’espion qu’on aimait — Frédéric Albert Lévy

Caractéristiques

  • Auteur : Frédéric Albert Lévy
  • Editeur : Hors Collection
  • Date de sortie en librairies : 15 juin 2017
  • Format numérique disponible : Oui
  • Nombre de pages : 300
  • Prix : 18,50€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Un recueil d’essais bondiens pertinent et accessible à la fois

Cofondateur de la célèbre revue cinéma des années 80 Starfix aux côtés de Christophe Gans, Nicolas Boukhrief ou encore Christophe Lemaire, Frédéric Albert Lévy était connu, parmi ce petit groupe de passionnés, comme « le spécialiste James Bond ». Si le terme peut sembler un peu réducteur étant donné que le journaliste, qui écrivait sur le cinéma parallèlement à son activité de prof de lettres, traitait également d’autres oeuvres, l’agent 007 a toujours été l’un de ses sujets de prédilection, auquel il a consacré nombre d’articles et d’interviews depuis la fin des années 70. Une somme considérable de contenu qui a poussé son ami Nicolas Boukhrief à lui suggérer d’en faire un livre. Mais, comme nous l’a confié Frédéric Albert Lévy lors du long entretien qu’il nous a accordé, la tâche s’est révélée plus ardue que prévu, et il a finalement écrit de nouveaux essais thématiques, qui viennent compléter la sélection d’anciens articles publiés dans les années 80.

Bond, l’espion qu’on aimait est donc composé pour plus de moitié de contenu exclusif, abordant les films et le personnage de James Bond sous l’angle du mythe, traité à travers une ribambelle de thématiques, allant des femmes à la musique, en passant par les gadgets, les méchants ou encore la thématique de la mort, omniprésente dans la saga, malgré l’invincibilité apparente du héros. Le grand mérite de cet essai pertinent et accessible à la fois, que l’on peut lire dans l’ordre ou par petits bouts en fonction de ses envies, est de porter un autre regard sur une figure que l’on pense ne connaître que trop bien, sans que cela soit nécessairement le cas.

Un bel enthousiasme cinéphile

image pierce brosnan james bond goldeneye
Pour Frédéric A. Lévy, la période Pierce Brosnan (ici dans Goldeneye) reste digne d’intérêt, y compris dans ses excès manifestes.

Frédéric Albert Lévy revient sur la période Pierce Brosnan (ici dans Goldeneye), digne d’intérêt malgré des défauts manifestes. Plutôt que de céder au fétichisme des ouvrages détaillant les voitures et gadgets de James Bond, ou de résumer l’histoire de la saga de manière sagement chronologique, Frédéric Albert Lévy préfère analyser ce qui explique la longévité de la licence et l’attachement du public à ce personnage légendaire. Si l’on sent l’affection de l’auteur pour son sujet, auquel il rattache de nombreux souvenirs, son approche n’est pas celle d’un admirateur cherchant à brosser les fans dans le sens du poil, ni celle d’un érudit au discours opaque : non, Lévy traite Bond de manière sérieuse et rigoureuse, mais sans renier son enthousiasme cinéphile.

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Roger Moore, l’élégance toujours, mais un autre type de Bond.

Et cela fait du bien, à l’heure où, entre les ouvrages de vulgarisation et les essais pointus, passionnants mais très ciblés, on ne trouve pas beaucoup de livres de cinéma se situant entre les deux. De fait, que l’on ait vu ou non l’intégralité des films, et peu importe nos préférences personnelles pour telle incarnation de Bond plutôt qu’une autre, Bond l’espion qu’on aimait regorge d’analyses et anecdotes passionnantes sur les différentes périodes de la saga. A tel point qu’au fil de la lecture, on se surprend à dresser une liste mentale des films, parfois sous-estimés ou mal aimés, à revoir.

Si Frédéric Albert Lévy adopte souvent une approche critique, sa curiosité et sa volonté de mettre en perspective l’évolution du personnage au fil des décennies le pousse à relever des éléments intéressants, y compris au sein des films les plus ratés ; des films qui ont, malgré tout, posé certaines bases à leur manière et influencé les oeuvres suivantes. Ainsi, les détracteurs de Pierce Brosnan seront sans doute interpellés par certains points soulevés par l’auteur, qui se montre plus circonspect sur la période Daniel Craig, dont les films ont peu à peu resserré l’intrigue autour de la psychologie de l’agent secret britannique et son passé, une erreur pour lui, puisque les « mythes » tirent aussi leur force de leur aura de mystère. Il s’intéresse aussi beaucoup au très critiqué Roger Moore, qui eut la tâche ô combien difficile d’arriver après l’inoubliable Sean Connery, et auquel on reprocha beaucoup d’avoir apporté une trop grande part d’auto-dérision à l’univers bondien, créant du même coup une distance vis-à-vis des aventures et cascades extraordinaires de l’agent secret.

James Bond, un mythe so british

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Daniel Craig dans Skyfall : la dernière période de James Bond est marquée par un resserrement autour de la psychologie du héros.

Mais, là où Bond, l’espion qu’on aimait se révèle le plus passionnant et le plus singulier, c’est lorsqu’il s’intéresse à l’étoffe mythique du personnage d’une part, mais aussi à sa relation conflictuelle à son pays. Ainsi, comme dans les mythes anciens, Bond est un héros devant faire face à un Mal protéiforme, qui se cache partout, y compris au sein de la nation mère et… en lui. Frédéric Albert Lévy relève ainsi avec à propos les nombreux parallèles entre James Bond et ses ennemis, dont certains font quasiment office de doubles maléfiques qu’il devra assimiler pour mieux triompher, ainsi que le trajet orphique qui est le sien dans Casino Royale (2006), où il échoue à sauver sa bien-aimée, Vesper Lynd (Eva Green), de la noyade.

Son rapport compliqué à l’autorité fait quant à lui écho à celui de la nation anglaise, très attachée à la royauté et à l’establishment, mais qui n’hésite pas à refuser en bloc ce qui lui semble intolérable, quitte à se rebeller contre l’ordre établi. Bond fait partie du système et les récits de ses aventures sont souvent manichéens au sens classique du terme, mais il se comporte parfois en enfant rebelle, qui n’hésite pas à casser ses jouets (ses gadgets), ou à se faire passer pour mort, laissant ses supérieurs hiérarchiques dans l’ignorance. Rien d’étonnant, donc, à ce que les Anglais soient très attachés à ce héros, incarnant une certaine idée de l’élégance britannique à l’international, mais aussi du rayonnement de ce pays.

image sean connery james bond aston martin
Premier interprète de 007 au cinéma, Sean Connery reste sans doute le plus unanimement apprécié des James Bond… Mais c’est Roger Moore qui prouva que le personnage pouvait changer de visage sans « mourir », comme le relève Frédéric A. Lévy dans notre entretien.

Frédéric Albert Lévy parvient donc, à travers Bond, l’espion qu’on aimait, à proposer un ouvrage très complet sur la saga James Bond, sans paraître redondant si l’on considère l’immense bibliographie déjà disponible sur le sujet. Si certains passages obligés, tout en étant très bien traités, apparaîtront plus conventionnels au regard des connaisseurs — la partie dédiée à la personnalité pas toujours très sympathique de Ian Fleming, le papa de Bond, et à la naissance de son adaptation cinématographique — le livre vaut véritablement le détour pour la qualité de la réflexion qu’il engage autour du « mythe » Bond, son renouvellement cyclique et son identité britannique.

Une démarche que l’on ne peut que saluer, tant la saga a souvent été perçue en France comme un simple divertissement, voire un plaisir coupable, y compris par une partie de la presse spécialisée, qui a pourtant beaucoup soutenu le cinéma de genre. Cerise sur le gâteau, les nombreuses interviews d’anciens réalisateurs de la saga, de cinéastes français marqués par James Bond ou encore du producteur Albert R. Broccoli sont l’occasion de revenir plus en détail sur la création des films, leur réception et leur impact sur l’imaginaire collectif. L’occasion de se redécouvrir cet univers, avant le prochain film avec Daniel Craig, qui a annoncé son retour dans le costume de l’agent secret.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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