Votre techno-thriller de l’été
Après avoir signé une trilogie de science-fiction, composée de L’Entité 0247, Le Pays Fantôme et Ciel Profond (tous trois publiés en France aux éditions L’Atalante), trois œuvres passées un peu inaperçues malgré de grosses qualités reconnues par les amateurs du genre, Patrick Lee revient à la charge avec un roman genré techno-thriller : Runner. Un livre qui nous parvient aujourd’hui grâce aux éditions Albin Michel, et précédé d’une excellente réputation outre-atlantique que l’on s’est empressé de vérifier.
Runner nous conte l’histoire de Sam Dryden, un ancien agent des forces spécial totalement dévasté depuis le décès brutal de sa femme et de sa fille dans un terrible accident. Alors qu’il vit seul dans El Sedero, une petite ville du Sud de la Californie, Sam court autant pour se tenir en forme que pour épuiser les idées noires qui l’assaillent. Alors qu’il est en plein dans l’un de ses joggings nocturnes, le veuf aperçoit une jeune fille qui fuit à toutes jambes un groupe d’hommes lourdement armés, et visiblement dans le but de la supprimer. L’expérimenté Sam réussit à la sortir de ce bien mauvais pas, et prend sous son aile celle qui se fait appeler Rachel. Elle confie à Sam son histoire : séquestrée par une officine d’État dans une prison secrète, elle fut l’objet d’expérimentations si poussées que la jeune fille en a tout oublié de son passé. Elle sait juste qu’elle a un don, et qu’elle peut compter sur Sam pour la protéger d’un affrontement qui s’annonce sans merci…
Le premier élément qui marque dans Runner, c’est l’incroyable fluidité du style de Patrick Lee (et, donc, de sa traductrice Marina Boraso). Dès le début, on sent que l’auteur maîtrise son style, donne dans l’efficace, fait preuve d’un style étonnamment chevronné. On ne se perd jamais en circonvolutions inutiles : l’intrigue démarre et, tout du long, cherche à mériter son titre. On se lance dans une énorme course-poursuite à travers les USA, mais dont le rapport de force est quelque peu déséquilibré. Un récit qui nous rappelle vaguement celle d’Ennemi D’Etat : le camp des poursuivants ayant à sa disposition tout un arsenal high-tech finement géré par Patrick Lee. En effet, l’auteur de Runner ne se confond pas en descriptions hors de propos, elles sont certes technologiques, cependant le sentiment recherché n’est absolument pas l’émerveillement geek, mais plutôt le côté effrayant de tels moyens que l’on pourra qualifier d’extrêmes.
Un roman au rythme cinématographique
Évidemment, Runner cherche avant tout à raconter une histoire, et ne se borne pas à étaler un contexte technologique passionnant. Le rapport qui se construit entre Sam Dryden et Rachel est certes cousu de fil blanc, on sent que l’auteur veut surtout ne pas prendre le risque de s’éloigner de ce que le lecteur attend. Ce n’est pas spécialement un mal, notamment grâce à la capacité de Patrick Lee à nous emporter dans un tourbillon de suspense clairement cinématographique. Le rythme, c’est ce que l’écrivain a en tête tout du long, et voilà ce qui fait que l’on accepte très bien certaines situations pourtant pas spécialement originales. On pense beaucoup à un certain Charlie, de Stephen King, ou encore à l’excellent Furie de Brian De Palma, avec une fine touche de 1984 en forme de cerise sur le gâteau. Un mélange qui donne sans conteste un ouvrage au tempo effréné, qui se lit avec une grande aisance : Runner rentre clairement dans la catégorie de ces page-turner qui ne tombe jamais des mains, et qui finissent même par prendre des atours d’obsession (ah, ces nuits raccourcies par un bon roman !).
Runner constitue l’une des lectures les plus plaisantes de cet été, certes peu développée côté personnages et leurs rapports, mais constituant une sorte de sommet de ce que le techno-thriller peut nous offrir actuellement. La montée en puissance de l’aspect fantastique est un vrai régal, et finalement on a même autant de plaisir à être témoin des progrès parfois moralement douteux de la science, que de cette course-poursuite dont l’issue (et ses quelques rebondissements gouleyants) ne peut que nous faire souhaiter la sortie prochaine du second livre de cette « saga Sam Dryden » : Signal. Nous conseillons vivement Runner dans le cadre des vacances estivales, vous ne le regretterez pas…
Runner, un roman écrit par Patrick Lee, traduit par Marina Boraso. Aux éditions Albin Michel, 400 pages, 22 euros. Sortie le 1er juin 2016