L’île a des yeux
Après la sympathique découverte que fut Sonar, on ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin : il nous fallait continuer sur les sentiers de la collection Flesh & Bones. L’autre sortie récente, Bikini Atoll, était doublement attirante : une couverture qui attire l’œil de votre dévoué serviteur (les films ou toute autre forme d’art en rapport avec les requins ont tendance à créer un intérêt naturelle), mais aussi la quasi-assurance de passer un bon moment bis. Ces espérances se sont-elles avérées justes ?
Bikini Atoll, c’est l’histoire d’un groupe de touristes partis à l’autre bout du monde histoire de s’offrir une dose de dépaysement annuel. Direction le cœur du Pacifique donc, et cette île qui donne son nom à la fois à l’ouvrage, mais aussi au fameux maillot de bain deux-pièces. L’histoire de la région n’a pourtant rien qui puisse créer un cadre idyllique pour de la bronzette reposante : l’atoll de Bilkini est en effet réputée pour avoir été le théâtre de la folie des hommes. Des essais nucléaires y ont été menés, et du genre aveuglément dévastateurs. Seulement, ce que l’histoire ne dit pas c’est que les retombées inhérentes ont créé des monstres, et pas seulement dans les eaux alentours. Ainsi, les vacanciers en pleine visite des lieux désaffectés dont l’île est infestée vont vite s’apercevoir qu’ils ne sont pas seuls à fouler ce sol atomisé…
Première surprise, et pas des moindres : contrairement à ce que sa magnifique couverture laisse croire Bikini Atoll ne s’inscrit pas spécialement dans le genre « attaque animale ». Mais cela ne constitue pas une déception, tant ce qui se passe dans ces 128 pages nous a ravi tout du long. On fait face à un pur slasher des familles, du genre qui tâche, jouant avec les codes du genre et surtout agrémenté d’un amour incommensurable pour ce pan de la culture. Le récit louche clairement du côté de quelques classiques, on pense évidemment à La Coline a des Yeux pour les mutations causées par la radio-activité, mais aussi et surtout à l’Anthropophagous de Joe D’Amato pour le croquemitaine pour le moins énervé. L’auteur chevronné Christophe Bec (si vous ne connaissez pas, ruez-vous sur sa série Sarah notamment, c’est du bon) sait comment construire son histoire, proposer un divertissement horrifique à la fois respectueux d’un certain trip « bisseux », et reste constamment soucieux d’assurer une narration de qualité. Les personnages sont caricaturaux juste ce qu’il faut pour que Bikini Atoll soit perçu comme un slasher de qualité, le suspens épouse le rythme d’un crescendo savamment pensé : c’est un plaisir que de dévorer cette BD.
Du bis plaisant et appliqué
Et les requins alors ? Ils sont plus une menace, une façon de créer un huis-clos à ciel ouvert tout en se servant de cette formule pour instaurer un élément horrifique réjouissant. Bikini Atoll est à l’image de cette idée : c’est généreux, et ça parle tout de suite aux amateurs de la culture « de genre ». Tout cela n’aurait pas eu le même impact sans les illustrations de Bernard Khattou, que l’on découvre en même temps que l’œuvre ici abordée. L’une des particularités de la collection Flesh & Bones est d’imposer le noir et blanc, ce qui pousse évidemment à un jeu de contraste. Le dessinateur s’en sort très bien, et apporte clairement à l’ensemble de Bikini Atoll le rendu que l’on est en droit d’attendre : des descriptions plaisamment gores (ce dernier tiers, on en redemande !) et volontairement sexy.
Bikini Atoll se dévore comme l’on découvrait une bonne tranche de série B à l’occasion d’une VHS ramenée d’un vidéo-club. C’est bonnard, ça ne se prend pas la tête tout en étant appliqué à travailler véritablement son intrigue, proposer des séquences chocs distillées sciemment et de plus en plus fréquemment. On est décidément conquis par cette collection Flesh & Bones…
Bikini Atoll, une bande dessinée scénarisée par Christophe Bec, illustrée par Bernard Khattou. Aux éditions Glénat Comics, collection Flesh & Bones, 128 pages, 14.95 euros. Paru le 9 mars 2016.