Alors que l’actrice vient de faire son grand retour dans le rôle de Dana Scully pour la suite d’X-Files, les éditions Bragelonne publient le 3 février le tout premier livre de Gillian Anderson, Visions de feu, co-écrit avec Jeff Rovin. Un roman de science-fiction, premier volume d’une trilogie, Earthend, dont le second volet sera intitulé Rêves de glace.
Alors, évidemment, on est tentés de se dire que la star, qui s’est illustrée ces dernières années dans les séries The Fall, Crisis ou Hannibal, joue sur son image d’icône SF. Et d’ailleurs, on aurait plutôt raison puisque l’actrice a elle-même admis en interview que si elle n’avait pas interprété Dana Scully, on ne serait pas venue la chercher pour signer ce roman. Restait alors à savoir si, au-delà de la renommée de l’actrice, ce Visions de feu pouvait constituer une lecture agréable.
Une étroite collaboration
Avant de nous pencher sur ce premier tome, il convient de rappeler que ce projet est le fruit d’une collaboration étroite entre Gillian Anderson, Jeff Rovin (auteur confirmé d’une centaine de romans du genre, dont une trentaine de la série Op-Center pour Tom Clancy) et l’assistante de ce dernier, Claire, qui s’est chargée d’effectuer des recherches approfondies, notamment sur l’ONU ou encore certaines données scientifiques. L’actrice a défini l’intrigue de la trilogie, ainsi que ses principaux rebondissements, en compagnie de Jeff Rovin, qui a ensuite mis au point avec son assistante une ébauche du livre et écrit chaque début de chapitre. L’auteur envoyait ensuite son travail à Gillian Anderson, qui continuait alors l’histoire (source : Biography.com). L’actrice a plus particulièrement développé le personnage de Caitlin, l’héroïne, dont elle ne cache pas qu’elle souhaiterait l’incarner à l’écran si la trilogie venait à être adaptée au cinéma. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Il convient donc d’envisager Visions de feu et le projet Earthend comme quelque chose de plus large, qui pourra possiblement déboucher sur autre chose et s’inscrit donc pleinement dans le parcours et la carrière de l’actrice.
Penchons-nous à présent sur l’intrigue : Caitlin O’Hara est une psychologue pour adolescents new-yorkaise dévouée corps et âme à son métier, qui l’amène régulièrement à travailler avec des ONG, dans des camps de réfugiés ou lors de catastrophes naturelles. Lorsque Ben, un ami de longue date qui se trouve être interprète aux Nations Unies, lui demande de l’aide, elle répond présente. En effet, Ben est l’interprète de l’ambassadeur indien aux Nations Unies, qui vient d’essuyer une tentative d’assassinat pour ses prises de positions pacifistes sur la situation explosive au Cachemire, qui menace de faire sombrer le monde dans une guerre nucléaire. La fille de celui-ci, Maanik, une adolescente de 16 ans pleine de vie, présente au moment des faits, semble souffrir d’un intense syndrome de stress post-traumatique, qui la pousse à hurler en se griffant les poignets. L’ambassadeur se trouvant dans une situation délicate, il faut à tout prix éviter que l’état de l’adolescente ne soit ébruité, de peur de compromettre les relations diplomatiques de l’Inde, pays où, par ailleurs, les maladies mentales sont très mal vues. Cependant, Caitlin voit vite que les symptômes de Maanik ne correspondent pas à ceux d’un choc post-traumatique et la situation devient de plus en plus étrange quand l’adolescente se met à parler une langue inconnue et que d’autres jeunes gens, à l’autre bout du monde, connaissent des crises avec des symptômes similaires. Une étrange roche aux symboles étranges et les traces d’une ancienne civilisation viennent complexifier la donne. Face à l’inconnu, Caitlin va devoir s’armer de courage pour venir à bout de ce mystère et aider Maanik…
Un roman de genre aux accents New Age
Pour son premier roman, Gillian Anderson a choisi une intrigue somme toute assez classique dans le genre, avec des éléments (visions, hypnose, combustion spontanée…) qui ne devraient pas trop décontenancer les fans d’X-Files. Cependant, les points de comparaison entre Visions de feu et la série culte des années 90 s’arrêtent ici : Caitlin O’Hara n’est pas Scully et l’intrigue de ce premier volet, tout en introduisant quelque chose de plus large qui pourrait fort bien ressembler à un complot, est au final bien plus extravagante. Pas d’extraterrestres ici (encore que…), mais une mystérieuse civilisation jusqu’alors inconnue et disparue des millénaires plus tôt. Nous n’en dirons pas plus afin de ne pas vous gâcher la surprise, mais disons en tout cas que les éléments convoqués ici tiennent davantage de la philosophie New Age avec, qui plus est, des références à la spiritualité orientale, à l’énergie entre les êtres, etc.
Ce premier tome pose le personnage de Caitlin O’Hara et s’attache à la résolution de ce premier mystère que constitue l’état de Maanik, tout en mettant en place un certain nombre d’éléments pour la suite. Sans révolutionner le genre, Visions de feu est un livre agréable, de sorte que les 343 pages du roman se lisent vite. L’héroïne, remarquablement douée et maman attentionnée d’un enfant sourd, est attachante, bien qu’un peu trop parfaite. Gillian Anderson dit que Caitlin ressemble à ce qu’elle voudrait être et c’est peut-être un léger regret : elle ne dispose que de peu de zones d’ombre.
En outre, le roman pèche parfois par excès de naïveté, surtout dans les premières et dernières pages. Ainsi, la fille de l’ambassadeur indien, Maanik, assure à son père que publier une vidéo où il expliquerait ses positions pacifistes sur YouTube pourrait peut-être avoir plus d’impact que ses seuls discours devant les Nations Unies. La résolution de ce conflit politique, en fin de roman, laisse aussi quelque peu perplexe. En résumé, si Gillian Anderson semble clairement concernée par cet aspect politique, le roman tombe, durant ces brefs moments, un peu trop du côté des bons sentiments.
Une autre invraisemblance est à chercher du côté des réactions de l’héroïne face à ce qui s’apparente clairement à des manifestations surnaturelles. Personne censée et plutôt rationnelle, bien que très intuitive, sa manière d’accepter finalement très facilement les événements qui se présentent à elle semble un peu téléphonée. Dans le derniers tiers du roman, elle formule même une théorie tirée par les cheveux qui paraît plutôt surprenante pour quelqu’un qui manque encore d’un certain nombre d’éléments en main pour pouvoir savoir de quoi il retourne au juste. On sent un peu que Gillian Anderson et Jeff Rovin devaient aboutir à un certain point de l’intrigue et du cheminement de l’héroïne à la fin de ce premier tome, mais l’évolution du point de vue de Caitlin n’est pas suffisamment progressive.
A quand la suite ?
En dehors de ces quelques maladresses, Visions de feu s’avère un roman SF à tendance New Age prenant, dont on est curieux de découvrir la suite. Les bases du récit étant ainsi posées, on sent que certains personnages prendront une plus grande importance par la suite dans le récit et seront davantage développés, comme l’énigmatique Mikel. A défaut d’être une oeuvre vraiment originale, la saga Earthend possède de très bons éléments pour constituer une trilogie prenante, mêlant aux rebondissements ésotériques de l’intrigue une dimension plus émotionnelle. Enfin, il est agréable de lire un roman de ce type où l’héroïne cherchant à percer la vérité ne fait pas partie de la police ou du FBI. Caitlin mène l’enquête à sa manière, mais n’en demeure pas moins une psychiatre cherchant à venir en aide à ses patients. Et comme l’esprit est, dans Visions de feu, le lieu de manifestations étranges, la profession de l’héroïne apparaît comme un choix très approprié de la part des auteurs.
En définitive, Visions de feu est un premier essai qui se lit agréablement et apparaît comme attachant en dépit de certaines maladresses. On sent que Gillian Anderson a voulu mettre beaucoup de choses dans ce roman et, grâce à l’aide de Jeff Rovin, le tout se tient bien, laissant deviner des ramifications complexes. Le livre aura certainement ses détracteurs, mais qu’importe, le public n’attend pas forcément une « grande oeuvre », plutôt un récit divertissant et bien construit. Il faudra bien sûr patienter quelques mois avant la parution du second volume, Rêves de glace, qui devrait nous en apprendre plus sur ce mystère. Et encore davantage avant de tenir le troisième livre entre nos mains. Cependant, à défaut d’avoir une vision globale sur le développement du récit de la saga, on peut en revanche affirmer que ce premier volume donne envie de lire la suite, ce qui est déjà un accomplissement en soi.
Visions de feu de Gillian Anderson et Jeff Rovin, Éditions Bragelonne, 2016, 343 pages. 17,90€