Comment faire le deuil d’une femme fatale ? Comment vivre une histoire passionnelle sans perdre la raison ? Qu’est ce que le syndrome du Saint-Bernard ? Peut-on garder son esprit et les pieds sur terres lorsque l’on attire uniquement des femmes « désaxées » ? Autant de questions auxquelles Mathieu Terence se propose de répondre dans son dernier roman Le Talisman paru aux éditions Grasset.
Mélange d’histoires
Cette histoire c’est celle de Farrah, jeune femme pleine de vie et de passion qui meurt tragiquement dans l’incendie de son appartement. Notre narrateur (qui n’aura pas de nom tout au long du roman) part de cet événement, qui lui servira non seulement à essayer de retracer l’histoire de cette flamboyante femme incroyablement mythomane, mais lui servira également pour sa propre introspection. En effet, entouré de femmes « désaxées » depuis son enfance (tout d’abord dans sa famille, puis dans le cadre de ses études de psychologie), il cherche à expliquer, disséquer ce qu’est le syndrome du Saint-Bernard. Revenant sur leur rencontre, leur histoire et sa fin, il entremêle des bouts de sa propre histoire, son enfance, ses études, les différentes femmes ayant marqué sa vie… Tout cela dans le but de se défaire de la douleur qu’est la perte de Farrah.
Un roman qui sert de psychanalyse
Ici pas de longs chapitres mais des descriptions suffisamment détaillées pour que l’on reconnaisse les lieux, l’époque, que l’on puisse s’imaginer les personnages féminins. Le narrateur, lui, se livre à une introspection à la deuxième personne du singulier mais ne parlera que de faits, très peu de ressentis et évoquera encore moins son physique. En effet, pour Mathieu Terence, cela n’est pas fondamental et on sent même que cela pourrait parasiter la lecture du roman. Car, contrairement à ce que le quatrième de couverture peut laisser croire, Le Talisman n’est pas une histoire d’amour. C’est une analyse psychologique, basée sur les bienfaits et les méfaits d’un syndrome dit « du sauveur ». Le narrateur n’est attiré que par des femmes ayant des démons intérieurs forts, qui perturbent leurs vies quotidiennes car ce qu’il souhaite c’est leur apporter un peu de tranquillité, de l’apaisement. Malheureusement comme dans beaucoup de cas où l’on souhaite agir de manière presque compulsive, il y a beaucoup de contreparties. Loin de l’altruisme désintéressé, cette envie de faire du bien devient un besoin, un moteur. Si cela le soulage, ce n’est pas forcément le cas des ses compagnes. Farrah sera à la fois sa libératrice et son plus grand échec. Il réussira à se guérir de son oppression, mais avec la mort tragique de Farrah, il ne pourra plus se guérir d’elle. Par ce biais elle est devenue son talisman.
Une technique narrative particulière
Nous abordons là ce qui fait à la fois la force du livre et ce qui peut s’avérer être un petit regret. Comme indiqué précédemment, les chapitres sont courts, bien souvent de la taille d’un paragraphe. L’écriture est comme saccadée, ce qui nous entraîne rapidement au cœur de la lecture. Mais cela peut aussi rebuter certaines personnes tant les histoires s’entremêlent, les temporalités, les révélations… Cependant il est appréciable de poursuivre Le Talisman jusqu’au bout tant il est parsemé de jolies tournures poétiques. Et, en point bonus, les amateurs de la ville de Biarritz apprécieront sans aucun doute les descriptions de la reine des plages…
Dans ce roman, le narrateur n’a pas de nom, et cela n’a pas d’importance. Il nous raconte, aux travers de sa relation avec Farrah, une grande partie de sa vie, comme s’il voulait exorciser une douleur. Conçu comme une psychothérapie, Le Talisman est une œuvre expiatoire, qui nous invite à nous pencher sur nos propres relations passées et ce qu’elles révèlent de nos caractères.
Le Talisman de Mathieu Terence, Grasset, janvier 2016, 184 pages. 17€ (11,99€ en numérique).