Dans l’espace, on vous entendra rire
De tous temps, les figures horrifiques les plus populaires ont fait l’objet de détournements comiques plus ou moins réussis. Le cinéma s’est rapidement positionné en pôle position de ces exercices, on pense évidemment à la série de films Scary Movie, ou encore aux Dracula mort et heureux de l’être et Frankenstein Junior de Mel Brooks. Cette envie de s’amuser de nos peurs est plus rare en ce moment, pour ne pas écrire quasiment inexistante, côté papier. Ainsi, le petit recueil d’illustrations signé Joey Spiotto que nous abordons aujourd’hui, « Alien, le 8ème voisin« , est un véritable bol d’air frais avant même de l’avoir ouvert. Encore fallait-il que le contenu soit à la hauteur pour nous emballer, et c’est ce que nous allons vérifier.
Alien, le 8ème voisin débute par une introduction signée par Joey Spiotto lui-même. Avant d’aller plus loin sur les intentions de l’auteur, il est nécessaire qu’on en sache un peu plus sur lui, histoire de mieux comprendre sa trajectoire. Cet artiste a, en effet, tout le background nécessaire pour pouvoir se lancer dans le genre du détournement. Passé par l’industrie du cinéma notamment en travaillant sur Le Pôle Express, ou encore le jeu vidéo avec des travaux sur Les Sims et Dead Space, le bonhomme est ensuite devenu un illustrateur parmi les plus reconnus dans le milieu geek américain. Et il faut bien dire que son style, à la fois élémentaire et référentiel, est parmi les plus plaisants du moment, de sorte que l’on ne peut que comprendre l’engouement qui accompagne chacune des expositions que provoque Joey Spiotto. On vous conseille par ailleurs son blog, où vous pourrez admirer certaines de ses œuvres, et notamment les illustrations « 8 bits » de films d’Alfred Hitchcock, jaquettes de jeux Nes pour le moins savoureuses.
Parfait dans une collection Alien
La licence Alien voit donc arriver le talent de Joey Spiotto pour la détourner, mais avec un grand respect qui suinte à toutes les pages. Si Alien, le 8ème voisin est avant tout un ouvrage de détente, jusque dans son format par ailleurs (un carré 17.3 x 17.3), il n’est pas non plus vide de sens et encore moins conçu comme une attaque contre l’univers du tellement regretté H.R. Giger. D’ailleurs, et c’est écrit dans l’introduction de Joey Spiotto, c’est le génie suisse qui a eu l’idée de lancer le petit recueil quelques temps avant sa mort. S’il ne l’aura pas vu de son vivant, Giger peut au moins être rassuré là où son âme a trouvé le repos : Alien, le 8ème voisin est l’exemple typique de ces livres-cadeaux rigolos que l’on aime à collectionner.
Tout au long des 80 pages d’Alien, le 8ème voisin, le xénomorphe et l’univers dans lequel il évolue sont mis en scène pour installer ce que l’on pourrait qualifier de « détournement familial ». Et si le monstre était un papa comme un autre ? Et s’il faisait la vaisselle, montait des maquettes ou racontait des histoire à une Ripley plongée dans son hibernation biostase ? Les illustrations drôles et respectueusement référentielles s’enchaînent, et la légèreté de l’ensemble couplée à la question « et si le xénomorphe avait un quotidien tout simple ? » résultent sur un ouvrage que l’on aurait certes voulu plus épais mais malgré tout à posséder pour tous les fans de licence. Les autres rigoleront tout de même, tant le licence Alien appartient désormais à l’inconscient collectif, et pas besoin de connaître le Nostromo sur le bout des doigts pour savourer ce sympathiquement récréatif Alien, le 8ème voisin. Car là est la réussite de Joey Spiotto tout au long de son œuvre et jusque dans l’ouvrage ici abordé : il sait à la fois détourner et être assez puissant visuellement pour provoquer une émotion…
Alien, le 8ème voisin, illustré par Joey Spiotto. Aux éditions Huginn & Munnin, 80 pages, 9.95 euros. Paru le 20 mai 2016.