Dans la lignée de Starship Troopers
La science-fiction et l’acte passif de vieillir. A première vue, rien ne peut rassembler ces deux thèmes quasiment antinomiques : l’un parle du futur, quand l’autre semble ne pas être invité à la fête de cette vision sur l’avenir. Et pourtant, quelques œuvres ont entrepris de rassembler ces deux sujets, notamment au cinéma avec Cocoon ou Soleil Vert. Le vieil homme et la guerre, dont le titre rappellera bien des (belles) choses aux amateur d’Hemingway, entreprend donc de réussir lui aussi cet exploit, côté papier… ou plutôt l’a déjà réussi. En en effet, ce roman est devenu très renommé au fil du temps auprès des amateurs du genre, et surtout il est le premier tome d’une licence en cinq volumes. Ainsi, nous allons voir que cette première itération, par ailleurs abordable indépendamment des autres (comme pour les autres livres de la série), n’a pas usurpé sa réputation.
Le vieil homme et la guerre, c’est l’histoire de John Perry, un veuf de 75 ans qui n’attend plus rien de la vie que la mort. Du coup, après avoir visité la tombe de sa femme il s’engage… pour la guerre. En effet, les Forces de défense coloniales Terriennes recrutent, et elles ont un argument du genre costaud : contre l’engagement, c’est une nouvelle jeunesse qui est offerte. Un nouveau corps. Et, par la suite, le statut de colon expatrié sur une planète que l’humanité veut posséder. Seulement voilà, John va bientôt découvrir que tout n’est pas aussi simple que sur le papier, et qu’il va lui falloir mériter cette nouvelle peau, bien plus qu’il ne l’avait espéré…
On peut classer Le vieil homme et la guerre en plein dans le sous-genre de la science-fiction militariste. Pas que ce roman donnerait envie de s’engager pour l’Oncle Sam ou tout autre recruteur belligérant, le croire ce serait comme penser que Starship Troopers est un film en faveur des conflits armés : une erreur grave. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard qu’on invoque l’un des chefs-d’œuvre de Paul Verhoeven tant le roman qui l’a inspiré, “Étoile garde à vous !“, ne semble jamais très loin, pas tant dans le fondamental que dans le rythme imprimé à l’intrigue, et cette façon de décrire une humanité en déliquescence. Car ne pas accepter de vieillir, c’est aussi lutter contre sa nature profonde, et John va le comprendre à ses dépends, même s’il se révélera un soldat surdoué sur le terrain. Autre thème, celui des améliorations génétiques qui vont provoquer des problèmes éthiques troublants…
Captivant, tendu… et même drôle
Le vieil homme et la guerre est un formidable catalyseur à émotions, et John Scalzi démontre qu’il peut tout autant manier la tension, avec des passages militaires purement absorbants, que l’ironie voire le second degré avec un certain panache. Pas que le destin de John Perry soit des plus drôles, loin de là, seulement on apprécie certains dialogues bien croustillants. Une fois sur le terrain, ça défouraille pas mal, mais on se rend très vite compte que ce qui intéresse l’auteur, c’est avant tout l’humain et sa propension à se croire au sommet de toute chaîne, alimentaire ou non. Ici, aucune trace d’un aspect diplomatique : les Terriens ne recherchent aucunement à discuter. Ils annihilent, point. C’est un aspect assez surprenant par ailleurs, tant les relations entre les espèces ne sont pas développés, sciemment de surcroît. Du coup, l’univers paraît un peu facile, même si on devine que cela va pas mal changer dans le deuxième tome…
Le vieil homme et la guerre est donc un très bon morceau de science-fiction, pour qui aime que ça déménage pas mal. La monstruosité de l’être humain, voire sa perversion, est très bien mise en scène dans un récit volontairement guerrier, sachant manier la dérision et offrir de nombreuses séquences de forte intensité. Aisé à lire, évitant les descriptions alambiquées et le vocabulaire scientifique parfois alourdissant quand il n’est pas réellement justifié, Le vieil homme et la guerre est le genre de roman que l’on dévore sans même s’en rendre compte…
Le vieil homme et la guerre, un roman écrit par John Scalzi. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Bernadette Emerich. Aux éditions Milady, 380 pages, 6.90 euros. Sortie le 23 septembre 2016.