[critique] Les Pirates de l’Escroc-Griffe : l’intégrale – Jean-Sébastien Guillermou

image les pirates de lescroc griffe l'intégraleUne série entre aventure palpitante et onirisme

C’est certes une idée toute faite, mais un premier roman est tout de même une sacrée aventure, doublée d’une difficulté parfois assez cruelle quand le succès, voire la qualité, n’est pas au rendez-vous. Alors, imaginez quand on ne parle pas de premier roman, mais carrément de première série, cela devient carrément les douze travaux d’Hercule ! Pas du tout pétrifié par cette expérience, Jean-Sébastien Guillermou a su façonner une licence fantasy exaltante, qui a su à la fois rencontrer son public et faire que les amateurs du genre suivent désormais de près son nom. Aujourd’hui, plus d’un an après la sortie du premier tome, Bragelonne publie Les Pirates de l’Escroc-Griffe : l’intégrale, qui contient les trois volumes en un seul.

Les Pirates de l’Escroc-Griffe débute par un premier tome sous-titré Les terres interdites. Bien évidemment, il introduit une foule d’éléments scénaristiques. On fait connaissance avec le jeune fugueur Caboche, qui fuit un orphelinat pour retrouver la trace de son père. Il croise alors le destin de l’Escroc-Griffe, une compagnie dirigée par l’incompétent notoire Bretelle, incapable de réussir un abordage décent. Tout ce beau monde va partir à l’aventure, et bientôt seront pris en chasse par le terrible Amiral-Fantôme. Première pierre d’une chasse au trésor à la fois palpitante et très portée sur un imaginaire spirituel, Les terres interdites peint avant tout un univers qui a le don de joindre le récit d’aventure à une tonalité de littérature adolescente. Il en sort une ambiance marquée, un rythme très élevé, peut-être même trop rapide sur certains passages d’action, mais toujours étonnamment maîtrisé. Le bestiaire, l’équipage, la problématique, on sent bien que l’univers offert par Les Pirates de l’Escroc-Griffe est à la fois généreux et casse-gueule, mais l’auteur trouve l’équilibre quasiment continuellement.

Un rythme très élevé, et pourtant maîtrisé

Les Pirates de l’Escroc-Griffe continue avec un deuxième tome, cette fois-ci sous-titré Les feux de mortifice. L’enjeu était lourd, car il fallait à la fois développer l’univers, et garder ce rythme certes parfois très soutenu mais qui ne faisait jamais tomber le livre des mains. Le roman débute après la victoire du précédent tome. Seulement, l’intrigue nous laissait avec une telle saveur douce-amère que l’on ne pouvait que se poser certaines questions. L’ambiance, au sein de l’Escroc-Griffe, a beaucoup changé : Caboche n’est plus vraiment ce jeune homme fougueux et irréfléchi. Il est même du genre à se faire de la bile pour Sol, dont il voit en rêve la mort prématurée. Un peu sur les rotules, Bretelle est comme aveuglé par son besoin de vendre l’artefact que les pirates ont récupéré dans le précédent tome, ce troc lui permet de s’imaginer une nouvelle vie. Seulement, l’île de Trafic, vers laquelle ils se dirigent, est un véritable coupe-gorge, et un personnage important y trouvera la mort. Un drame qui lancera l’Escroc-Griffe dans la remontée du Thanos, aventure qui promet la résurrection de l’être perdu. Avec Les feux de mortifice, l’auteur semble avoir fait un peu machine arrière dans son envie d’action tout azimut. Moins de combat, et surtout plus de Bretelle, qui est le véritable personnage principal de ce second volume aux différentes variations de tempo. On sent aussi un gain de maturité chez l’auteur, qui gère certains passages avec une roublardise évidente. Les feux de mortifice est sans doute le meilleur tome de cette intégrale.

Les Pirates de l’Escroc-Griffe se conclue avec un troisième volume sous-titré Les corsaires de l’Écosphère. Comme on le sentait venir dans le final du précédent tome, l’action de ce dernier livre débute trois ans après. Une ellipse logique, qui permet de poser une ambiance onirique apte à donner du relief au thème de la série : l’imaginaire. En effet, l’Escroc-Griffe est resté enfermé dans le Maeltröm, un espace-temps entre les univers, ce qui donne lieu à des description savoureuses. La partie dans le Monde-Fleur, elle, est beaucoup plus cadrée, avec une menace peut-être plus classique, même si le concept de la Vrume est intéressant. Sol continue de mourir à petit feu, et la situation empire quand Caboche s’aperçoit qu’ils font face à une horde de Chryses. Le premier tiers du livre est très axé sur le Monde-Fleur, on sent que l’auteur l’aime beaucoup et se permet de le développer. C’est peut-être un peu long, non pas dans le rythme mais dans le trip, car soyons clairs : il nous tarde de retourner sur l’Escroc-Griffe. On peut aussi comprendre que Jean-Sébastien Guillermou soit un peu pris en étau entre la puissance de son univers et le besoin de réponses à toute une tripotée de questions, lesquelles demandent une approche philosophique, qui reste tout à fait abordable bien entendu. Sans ne rien spoiler, les rapports entre Caboche et certains personnages vont se détériorer, et les thèmes de l’œuvre vont évoluer quelque peu. Les révélations sont au rendez-vous, à la hauteur des (hautes) attentes, et on quitte Les Pirates de l’Escroc-Griffe avec le sentiment d’avoir véritablement fait le tour d’une histoire très plaisante. Le genre de roman qui se lit vite et bien, un vrai plaisir.

Les Pirates de l’Escroc-Griffe, un roman écrit par Jean-Sébastien Guillermou. Aux éditions Bragelonne, 1198 pages, 25 euros. Sortie le 30 novembre 2016.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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