Caractéristiques
- Auteur : Collectif
- Editeur : Hors Collection
- Date de sortie en librairies : 20 octobre 2016
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 320
- Prix : 32€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 9/10 par 1 critique
Retour sur un magazine décisif pour la culture cinéma
Janvier 2017. Le temps se fait maussade, il n’est que quinze heure et pourtant il fait déjà sombre, comme si la nuit en avait marre d’attendre en périphérie d’une journée de toutes façons déjà un peu terne. Vous commencez à peine à digérer les marrons trop cuits et les œufs de lompe bon marché, mais pas trop mauvais quand ils sont baignés de citron bien amer. Vous êtes là, plantés devant la fenêtre, à regarder les cadavres de sapins recouverts de cet étrange écrin doré, tels des souvenirs d’une période certes très mercantile mais finalement pas si désagréable. Peut-être même que des fonctionnaires courageux décrochent les guirlandes qui, il faut bien l’écrire, égayaient un peu cette ville morne. Au fond de votre poche, peut-être retrouverez-vous une enveloppe remplie d’un ou deux biftons qu’on vous aura glissé sous votre assiette du réveillon, si vous en avez encore l’âge, ou quelques tickets cadeaux obtenus dans cette boîte que vous rêvez de quitter cette année. Bon, eh ben on fait le bilan de ce petit trésor, et si le montant s’avère suffisant on se bouge le derrière, car un cadeau vous attend chez le premier libraire venu. Il a de quoi vous redonner un bon coup de fouet (mais si, bande de coquins !) et il s’intitule Le cinéma de Starfix : Souvenirs du futur.
Autant ne pas vous le cacher, votre humble serviteur n’a pas connu l’époque de la parution de Starfix, étant né en 1983… tout comme cette revue culte. Et même si l’on a squatté les librairies pendant des années, à lire Mad Movies ou L’Écran Fantastique pendant que les parents arpentaient les supermarchés (libraire des Quatre Routes, à Asnières, époque 1990, si vous nous lisez : big up), le magazine Starfix venait de cesser son activité. Pourtant, Dario Argento sait (ou Dieu, ça dépend des croyances de chacun) à quel point ce mensuel a marqué son époque, sorte de rassemblement de cinéphiles séminal par excellence, qui aura lancé des carrière, et même contribué à en motiver. On retrouvait, parmi les plumes, des noms qui vous parleront à coup sûr : Christophe Gans (Silent hill), François Cognard, Nicolas Boukhrief (Made In France), Christophe Lemaire, Doug Headline (Brocéliande), Hélène Merrick, Frédéric-Albert Lévy. Et ils sont tous là, un peu plus de vingt-cinq ans plus tard, dans les pages de ce (très) beau livre qu’est Le cinéma de Starfix : souvenirs du futur.
Le cinéma de Starfix : souvenirs du futur est donc l’occasion de lire quelques uns des papiers les plus marquants parus dans ce mensuel. Et c’est avec le cœur un peu lourd qu’on les parcourt, tant la densité des écrits est, encore aujourd’hui, exemplaire à tel point qu’on la regrette. Écrits en patte de mouche, histoire de bien tout faire rentrer dans une maquette claire et limpide, donnant aussi la part belle à des photos en couleur (une précision qui a son importance, tant à l’époque c’était plutôt rare), ces articles divertissaient autant qu’ils informaient. Prenons l’exemple de l’excellente critique, signée Christophe Gans, du Tenebrae de Dario Argento. Un véritable coup de cœur hyper communicatif, bourré d’anecdotes et, même, s’effaçant le temps d’une page consacrée à la Louma, si importante dans ce film à l’occasion d’un plan mémorable. On ne peut aussi qu’être admiratif de l’article dédié à Rambo, par Nicolas Boukhrief, bourré d’une passion justifiée. On pourra aussi s’esclaffer du petit dictionnaire de Joe D’Amato, à la fois drôle et pas si léger, et des intertitres venant donner un point de vue actualisé sur certains films. Lire cette première partie de Le cinéma de Starfix : souvenirs du futur, c’est se confronter à l’époque où la presse pouvait, tout à coup, donner naissance à de véritables brûlots cinéphiles, pleins d’une envie exaltante : faire lumière sur certains films, voire certains réalisateurs, injustement boudés par les magazine généralistes.
Le témoignage d’une cinéphilie militante
Le cinéma de Starfix : souvenirs du futur renferme une deuxième partie qui ne pourra que donner un sacré appétit aux fans de la revue, et bien entendu au simple curieux. En effet, l’équipe se reforme pour un vrai-faux numéro 91, pour l’occasion n’accouchant pas d’un mensuel dédié à l’actualité (bon choix, cela aurait enlevé toute notion d’approche historique) mais d’opportunités, pour les différentes plumes, d’aborder des sujets qu’elles jugent importants, voire représentatifs. Par exemple, Christophe Gans aborde la saga Mad Max, et termine en précisant bien à quel point l’aventure Starfix a été l’occasion de mettre en avant des noms de réalisateurs en lesquels la rédaction croyait. Nicolas Boukhrief, lui, est un peu moins surprenant et consacre un long papier sur… Zulawski bien entendu, mais écrit de manière tellement fleurie que l’on ne peut qu’être captivé. Christophe Lemaire retrouve le personnage de Robert Paimbœuf, pour un article intitulé « I have a dream » qui en fera ricaner plus d’un. Ce qui impressionne, c’est cette impression qu’il en faut peu à toute cette bande pour partir dans des monologues sur papier bien troussés par une passion certes moins combattante qu’autrefois, mais toujours aussi dévorante.
Le cinéma de Starfix : souvenirs du futur est, donc, un plaisir qui prend peut-être une tonalité que l’équipe du magazine n’avait pas vu venir. Alors que Mad Movies fait ce qu’il peut (et il le fait plutôt bien, malgré ce que certains peuvent en dire), et qu’un Brazil s’est fait éparpillé façon puzzle, on ne peut que constater que la presse écrite cinéma est en situation de coma. Pas spécialement dans le contenant, qui n’attire quasiment plus, mais qui a le mérite d’être toujours d’actualité (il suffit de tenir un magazine pour sentir, même encore aujourd’hui, cette sorte de fusion opérer, une sensation que les Internets ne provoqueront jamais), mais plutôt dans le contenu. On se rend compte que, avec Starfix, ce n’est peut-être pas seulement un mensuel qui a disparu, mais aussi une approche militante du cinéphile, lequel est toujours vivant, mais plus que jamais engoncé dans un confort de proximité de l’œuvre. Le téléchargement a tout massacré : pourquoi vouer un culte à un film méconnu de Lucio Fulci quand Les fantômes de Sodome est disponible en trois clics ? Le cinéma de Starfix : souvenirs du futur, un beau livre nostalgique ? Pas spécialement. Écrivons plutôt que ce magnifique ouvrage, édité avec un sérieux jusqu’au-boutiste par Hors Collection, préfacé par William Friedkin et Mathieu Kassovitz, s’impose comme un bâton de relai. Il ne tient qu’à nous d’être aussi passionnés même si, bien entendu, il faut que cela soit accompagné d’œuvres qui le justifient. Et ça…