Caractéristiques
- Auteur : Mark Waid, Paul Azaceta
- Editeur : Delcourt
- Collection : Contrebande
- Date de sortie en librairies : 1er février 2017
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 128
- Prix : 14,95€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
Un one shot à l’univers sombre comme une tombe
Vous le savez mieux que quiconque si vous êtes habitués à la bande dessinée américaine : non, les comics ce ne sont pas que des histoires de collants et de supers vilains. Si nous apprécions aussi les super-héros, toute une scène foisonnante explore une toute autre direction, et avec Le jardin des souvenirs c’est le thriller noir qui est à l’honneur. Alors direction New York, et plus particulièrement ses bas-fonds les plus crapoteux.
Le jardin des souvenirs prend donc place dans la fameuse Big Apple, et nous propose un trip dans ce que cette ville a de plus glauque : le crime. Mais pas n’importe lequel, celui qui laisse des victimes sans identités, pour différentes causes pas très ragoûtantes. Sur l’île de Hart, au bout du détroit de Long Island, se trouve un cimetière pour ces corps sans noms, tous dramatiquement numérotés via leurs pierres tombales et, de ce fait, plongés dans un anonymat apparemment éternel. « Apparemment », car un justicier s’est mis en tête de régler ces affaires pourtant réputées inclassables. Se faisant appeler John Doe, une fausse identité bien entendu, cet homme bûche afin de lever les mystères qui entourent chacun des cadavres impersonnellement disposés. Pour cela, il est aidé par tout un réseau de collaborateur qui l’aide sur le terrain. Et il va en avoir bien besoin…
Le jardin des souvenirs se créé un univers à la fois sombre, viscéral et cohérent, ce qui de base fait une bonne part du travail dans la réussite d’une œuvre. John Doe hante une New York dégueulasse, glauque au possible, loin des affres que l’on nous présente souvent dans des séries télé trop calibrées. Ici, on patauge dans un marais putride, fait de mafieux sans foi ni loi, de trahisons insoupçonnées, et d’intérêts parfois inhumains. Mark Waid (Kingdom Come, Deadpool : les origines) construit son thriller aussi bien grâce aux problématiques posées, ici l’identité des victimes et le mobile des meurtres, qu’au moyen d’un univers maîtrisé, et ce du rythme jusqu’au moindre personnage secondaire.
Du potentiel à ne plus savoir qu’en faire
Reprenant l’intégralité des épisodes parus, au nombre de quatre très précisément, Le jardin des souvenirs est typiquement ce genre de one shot qui a tant de matière dans son univers qu’on se demande comment cela ne s’est pas confirmé en série d’ampleur. En effet, tout est là pour que l’histoire puisse durer sur bien des tomes : le mystère total autour de la véritable identité de John Doe, qui fait d’ailleurs écho à celle des cadavres qu’il prend à cœur d’identifier, et le principe même des enquêtes. Le déroulé de celles-ci est vite perçu comme une bonne idée, avec plein de rouages narratifs à explorer, de leviers dramatique à activer… qui ne le seront malheureusement jamais vraiment, car Le jardin des souvenirs restera un one shot. Même si, on le sait, il ne faut jamais dire jamais.
Malgré cette pointe de regret quand vient le temps de refermer Le jardin des souvenirs, il est indéniable que les qualités de cette œuvre marquent le lecteur. Outre la pure écriture, le dessin du surdoué Paul Alzacata, qu’on connaît pour son gros travail sur la série Outcast, nous laisse là aussi d’excellentes sensations. Son talent pour décrire toute l’immondice en stagnation dans cet univers lugubre transparaît à chaque page, et le grand soin apporté aux jeux d’ombre termine de nous rendre les différentes situations aussi mémorables que nécessaire. Enfin, on ne peut décemment pas passer sous silence de Nick Filardi (28 jours plus tard, BPRD Origines) à la colorisation, dont la palette contribue fortement au rendu très thriller plus noir que le café.
Au final, Le jardin des souvenirs laisse de très bonnes impressions, durables et fascinantes. Ce qui ne fait qu’ajouter au regret de ne pas pouvoir en espérer plus à l’avenir, mais cela ne fait que confirmer le plaisir éprouvé à la lecture. Un one shot sans concessions, à l’univers sombre comme une tombe, et qui prouve encore une fois que le monde du comics regorge de pépites insoupçonnées. Et ça, c’est aussi grâce aux éditions Delcourt (Star Wars Boba Fett : l’intégral T1, James Bond Tome 2), qui prend des risques, pour le plus grand plaisir des amateurs de comics.