L’acteur et écrivain Philippe Torreton se livre par le biais du portrait de sa grand-mère, affectueusement appelée Mémé. A travers cette femme, à laquelle il rend hommage avec ce livre réédité chez J’ai Lu, il raconte aussi un peu la France, celle des campagnes, de l’après-guerre, centrée autour de la famille.
Une héroïne de coeur
Depuis sa plus tendre enfance, Philippe Torreton passe des vacances et des week-ends chez sa grand-mère maternelle, loin de ce qu’il appelle la zone urbaine. Quelque soit le nombre de personnes présentes (parents, cousins, tantes), ses sensations seront toujours les mêmes : chaleur, bien-être, amour et admiration. Bien qu’il retrace la trajectoire ordinaire de cette femme, il évoquera peu son passé et son histoire, si ce n’est pour préciser qu’elle vit avec Pépé depuis longtemps, qu’elle a eu trois filles et un fils, est plutôt de gauche et qu’elle ne s’est jamais remise de la mort de son frère, résistant pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais nul besoin d’en savoir plus : Mémé a un parcours classique, ressemblant à celui de milliers de personnes de cette génération. Philippe Torreton ne cherche pas à en faire une héroïne ordinaire par ce qu’elle a vécu, mais bel et bien une héroïne extraordinaire par ce qu’elle est.
Mère aimante et dévouée capable de construire un berceau de poupée avec draps brodés et tout le confort, elle ne laissera à aucun moment ses enfants ressentir un manque matériel en dépit d’une situation financière difficile. Chez Mémé, tout ce qui ne nourrit pas est superflu. Travailleuse (ses mains calleuses en sont la preuve), c’est une femme paysanne, une ouvrière qui accepte son mode de vie parce qu’elle n’a pas besoin de plus, et parce qu’il le fallait. L’usine ou la ferme, peu importe, l’essentiel étant de pouvoir nourrir ses enfants. Le confort rudimentaire suffit, la routine difficile et précise du travail à la ferme est ce qu’elle a toujours fait, et il n’y avait pas de raison de s’arrêter.
« Silencieuse de mots mais bavarde en preuves d’amour »
Cette phrase est sûrement la plus belle et la plus tendre de ce tout petit livre. Bien évidemment, Philippe Torreton écrit ce livre en tant qu’adulte. Il est encore plus évident que le sujet a été choisi avec le cœur plus qu’avec raison. En tant que petit-fils passant des vacances dans la maison familiale (la Normandie est également un élément, une trame de fond durant tout le récit), il relate tous les souvenirs de joie et de douceur qu’il y a vécu. Mémé est sans aucun doute une déclaration d’amour à une femme qu’il adore et admire autant qu’elle lui manque.
Si l’on peut être sensible à cette touchante attention, il est difficile pourtant de s’émouvoir. Philippe Torreton souhaite, très certainement à juste titre, faire passer beaucoup d’émotions, notamment au travers de sensations, odeurs, moments familiaux intimes (il suffit de lire les quelques pages du récit de Noël). S’il est fort probable qu’un grand nombre de personnes puisse être touché, cela ne peut pas être généralisé. Il faut avoir eu sa propre mémé pour prendre toute la dimension affective de ce livre, même si elle n’était pas de Normandie et ne cuisinait pas le poulet en 3 repas différents. Si ce n’est pas le cas, on risque fortement de passer à côté de ce qui fait le plus de Mémé.
Mémé de Philippe Torreton, J’ai Lu, sortie le 15 février 2017, 140 pages. 6,50€