Une novélisation qui plaira aux fans de la licence
« Mon nom est Andrew Ryan. Permettez-moi de vous posez une simple question : ce qu’un homme obtient par le travail à la sueur de son front… cela ne lui revient-il pas de droit ? « Non, répond l’homme de Washington. Cela appartient aux pauvres ». Non, répond l’homme du Vatican. Cela appartient à Dieu ». « Non, dit à son tour l’homme de Moscou. Cela appartient au peuple ». Pour ma part, j’ai choisi d’ignorer ces réponses. J’ai choisi une voie différente. J’ai choisi l’impossible. J’ai choisi… Rapture. Une cité où les artistes ne craindraient pas les foudres des censeurs. Où les scientifiques ne seraient pas inhibés par une éthique aussi artificielle que vaine. Où les Grands ne seraient plus humiliés par les Petits. Et, à la sueur de votre front, cette cité peut aussi devenir la vôtre.« . Quels meilleurs mots que ceux accordés à Andrew Ryan afin de servir d’introduction à cette critique de Bioshock : Rapture, désormais disponible en poche chez Milady (Niourk, Servir froid) ?
Bioshock : Rapture est une novélisation de l’excellente licence signée par le regretté studio Irrational Games. L’action de l’ouvrage prend place avant les événements du premier jeu, et s’attache à nous faire vivre la grandeur et la décadence de Rapture, avant que les événements ne soient découverts, plus tard, par Jack (l’avatar du joueur dans le soft Bioshock). On remonte donc vers un passé plein d’espoirs, l’après seconde Guerre Mondiale, cet instant où la reconstruction s’accompagnaient de rêves nouveaux. Bioshock : Rapture s’intéresse à celui d’Andrew Ryan, un immigré qui s’est sorti de la misère la plus dure et devenu l’un des hommes les plus riches du monde. Convaincu qu’un autre mode de vie est possible, il construit une utopie : Rapture, une cité impressionnante s’étalant au fond des mers. Mais, bientôt, l’idéologie qui s’y déploie va créer des tensions, puis une catastrophe irréversible…
Bioshock : Rapture fait donc parti des novélisations qui cherchent à expliquer un contexte. Est-ce une bonne chose pour le magnifique univers conçu par Ken Levine et Paul Hellquist ? La réponse est plutôt positive, même si tout n’est pas au niveau qu’on attendait. En effet, Bioshock : Rapture souffre d’un début un peu long à se mettre en place, même si ce qui est abordé dans ces pages est de l’ordre de l’indispensable. Le développement d’Andrew Ryan était nécessaire, sa peur du nucléaire étant un élément essentiel pour comprendre sa vision du monde. Hiroshima et Nagasaki, les deux villes japonaises odieusement balayées par une Amérique à la main lourde, sont un déclic : il va falloir voir la vie sous un angle nouveau. La vie, et tout ce qui la compose, notamment le travail. Aussi, l’utopie est si puissante, si différente, qu’elle ne tolère aucune fuite : qui rentre à Rapture y reste (quel sens de la liberté !). On a là les éléments d’un véritable pétage de plomb.
Quand une utopie chute dramatiquement
Bioshock : Rapture est certes long à se mettre en place, mais John Shirley (un spécialiste de la novélisation, avec Predator : Minuit à jamais, et Watch Dogs : Dark Clouds) fait tout pour que le lecteur soit tout de même à l’aise. Attention cependant, même si le roman peut être lu sans connaître le jeu, il se savoure d’autant plus si l’on connaît le déroulé du soft. Andrew Ryan n’en sera que plus touchant bien sûr, mais on pourra aussi un peu mieux capter l’intérêt de la naissance des plasmides, et leur grand danger. On croise aussi d’autres personnages bien connus, notamment l’horrible Atlas que le joueur aura bien du plaisir à retrouver tant les souvenirs du jeu remontent à la surface. Aussi, l’auteur a plutôt bien cerné le principe des idéologies politiques en télescopage. Ce refus du socialisme forcené au profit d’un individualisme jusqu’au-boutiste démontre que tout extrême mène vers la déliquescence humaine. Sans ne rien spoiler, le concept fondamental de Rapture ne pouvait que se retourner contre elle…
Novélisation dont la qualité ne sera pleinement reconnue que si l’on connaît un minimum l’univers, Bioshock : Rapture s’aborde comme un complément plus qu’honnête, qui donnera bien du plaisir à qui veut se frotter encore un peu aux Chrosômes, ou se prendre une bonne dose d’EVE. Roman fortement politique (mais jamais lourdingue avec cela), qui prend son temps pour bien développer certains détails avant de décrire une chute provoquée par les failles idéologiques qui apparaissent au fur et à mesure d’un récit assez précis, Bioshock : Rapture assure l’essentiel. L’ouvrage donne même une certaine envie de replonger dans les profondeurs d’un océan au fond duquel les idéologies extrêmes ne trouvent, heureusement, aucun salut.
Bioshock : Rapture, un roman de John Shirley. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cédric Dergottex, illustration de couverture par Craig Mullins. Aux éditions Milady, 570 pages, 8.20 euros. Sortie le 17 février 2017.