[Critique] Pue la Mort ! – Simon Bisley, Alan Grant

image pue la mortUn trip dans l’esprit de l’âge d’or zombie

Sortie en édition standard, et dans une première collector en 2014, la bande dessinée Pue la Mort ! revient, toujours chez Wetta (Affreusement Vôtre, Toxique, Aliens : Absolution), pour un tour de piste bien savoureux. Une édition limitée à 200 exemplaires, qui se présente à nous sous un aspect gourmand : couverture souple, format adapté à un trip magazine de comics, le tout sur un papier brut de haute volée. Une ressortie qui se justifie sans mal côté objet, encore fallait-il que le contenu soit à la hauteur. Et rassurez-vous : c’est largement le cas.

Pue la Mort ! ne s’étouffe pas en voulant raconter plus que ce qui est nécessaire, c’est le moins que l’on puisse dire. L’histoire va droit au but, en installant une situation d’une limpidité à toute épreuve. La bande dessinée débute un 14 juillet, alors que l’invasion zombie a bel et bien eu lieu. On n’en saura pas plus sur ce qui a mené à cette catastrophe, par contre Pue la Mort ! s’attache à nous présenter des survivants : des pompiers retranchés dans leur caserne, laquelle est totalement autonome côté énergie, et offre un certain confort en attendant que l’armée ne les retrouve. Bien évidemment, rien ne se passe comme prévu, et les rapports compliqués entre certains vont se charger de briser la sécurité du lieu…

Pue la Mort ! est une bande dessinée dans la pure tradition de ces travaux qui maîtrisent leur tonalité « de série B » (voire Z). Clairement, l’auteur Alan Grant (Lobo, Judge Dredd) ne veut pas aller vers le mort-vivant propre sur lui (le cinéma a beaucoup donné dans le genre depuis quelques temps), mais plus vers le zomblard craspec, celui qui fleure la décomposition à des kilomètres sous un cagnard de tous les diables. En gros, oubliez Z Nation et World War Z, ici on est plus dans L’Enfer des zombies (voire carrément dans le très nanardesque Zombie 3) ou Zombie Holocaust, soit la vision italienne du mort-vivant. On s’en rend compte, notamment dans l’écriture des personnages, totalement barrée, et la propension à l’outrance dans la gestion des événements.

Une histoire honnête et des dessins cradingues

Une exubérance de bon aloi, qui accouche d’une bande dessinée fun et gore à souhait. Les dessins sont évidemment le moyen idoine d’afficher les excès nécessaires au bon déroulement de ce divertissement qui ne cherche jamais à se cacher. Pue la Mort ! est illustré par Simon Bisley, connu notamment pour ses travaux sur Lobo, Batman, et dans le magazine Métal Hurlant. Son style tire tout autant vers le caricatural que le gore potache qui dégoûte, mais impose une certaine bonne humeur. Ça charcute à tout va, dans la joie et l’allégresse, et l’on passe du temps à bien admirer les planches, histoire de ne rater aucun des nombreux détails qui composent ces pages bien chargées.

Pue la Mort ! ne révolutionne pas le genre particulier de l’œuvre « de zombie », plus exactement un sous-genre qui a tellement été usité par des tâcherons, qui fondamentalement ne comprennent pas cette figure horrifique, qu’ils en ont fait une sorte de guignol cavalant. Cette bande dessinée a le grand mérite de ne pas tenir compte de cette véritable sur-production qui, certes, a enfin connu un ralentissement significatif depuis quelques mois. Pue la Mort ! s’adresse avant tout aux amoureux du zombie, de l’univers que ce monstre classique invoque, fait de folie bis et de divertissement honnête dans sa démarche. On sait très bien vers quel destin se dirige cette caserne de pompiers, l’histoire ne tente pas de cacher les évidences, tout simplement parce que ces dernières font partie du trip. Et ce dernier est bien plus chouchouté par cette bande dessinée que par une dizaine d’années de travail de sape pour nous faire oublier ce qui restera comme l’âge d’or du zombie : 1968 – 1992, depuis la sortie de La nuit des morts-vivants à celle de Braindead. Pue la Mort ! s’inscrit dans la droite lignée de cette époque bénie, cela ne fait aucun doute.

Pue la Mort !, une bande dessinée scénarisée par Alan Grant, illustrée par Simon Bisley. Aux éditions Wetta, 116 pages, 24 euros. Sortie le 26 janvier 2017.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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