Caractéristiques
- Traducteur : Mathias Mezard
- Auteur : Emma-Jane Kirby
- Editeur : J'ai Lu
- Date de sortie en librairies : 23 août 2017
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 155
- Prix : 5€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
La question des migrants fait partie intégrante du débat public depuis des années maintenant. Les différentes crises en Afrique ou au Moyen-Orient ont exacerbé les différentes opinions et font monter les tensions dans plusieurs pays aussi bien européens qu’aux Etats-Unis. Une île est même devenue tristement célèbre car point d’entrée de l’Europe pour ceux qui ont fui les dictatures ou la guerre civile. Emma-Jane Kirby, journaliste à la BBC, a voulu relater ce qu’une rencontre avec ces personnes prêtes à tout risquer peut faire à un être humain dans ce roman paru aux éditions J’ai Lu (HobboesPrières pour celles qui furent volées, …).
Chronique d’une sortie en mer pas comme les autres
L’opticien approche la soixantaine mais est encore en très bonne condition physique. Le mois d’octobre est arrivé sur Lampedusa et bon nombre de ses amis vont repartir sur le continent pour passer les mois d’hiver, saison morte pour cette petite île touristique. Avant cela, ils vont faire une dernière sortie en mer pour quelques jours de vacances bien méritées. L’opticien va donc comme à son habitude courir, s’occuper du magasin, préparer ses affaires (des habits qui ne craignent pas d’être abîmés par le sel ou le vent marin) et il va ensuite, avec sa femme, dîner avec leurs amis pour régler les derniers détails.
Le lendemain, le temps est idéal et ils prennent la mer avec plaisir, passant la nuit au calme sur le modeste bateau. Au petit jour, l’opticien entend des cris de mouette, des mouettes étranges… Au fur et à mesure, les cris s’affinent pour se transformer en douleur et en appels à l’aide : le jour se lève peu à peu sur un océan de corps sans vie et de mains appelant désespérément à l’aide. Vont commencer les heures les plus intenses de la vie du groupe, quelques heures qui vont changer leur vie à jamais…
Une volonté de raconter l’histoire
Emma-Jane Kirby a été correspondante à l’ONU avant de s’occuper des affaires européennes à Bruxelles. C’est dans ce cadre qu’elle se rend à Lampedusa en octobre 2013 à la suite du naufrage d’un bateau à 1 km des côtes, qui a fait 366 morts. Quelques habitants de l’île se trouvaient en mer et ont pu sauver 47 personnes, sans réfléchir, sans hésitation et de la façon la plus naturelle qui soit. Si la journaliste a voulu en faire un livre, un reportage romancé, cela est le témoignage à la fois du geste de ces héros ordinaires, mais également des sociétés actuelles où cela n’est pas une évidence de porter secours à ceux qui sont à l’agonie.
Un héros pas si ordinaire
L’opticien n’a pas de nom parce que l’opticien, c’est nous, ce sont les lecteurs. Il a des problèmes quotidiens, trop de taxes pèsent sur son magasin, il s’inquiètent pour ses fils partis de la maison… A ces problèmes s’ajoutent ce qu’il voit tous les jours à la télé, les « drames du quotidien », tellement quotidiens qu’il n’y prête presque plus attention. Et pourtant, ce matin, sur la mer, il est confronté à cette réalité avec une violence qu’il n’aurait pas pu imaginer et sa réaction, ainsi que celle de ses amis, est immédiate et sans équivoque : il faut agir, venir en aide à ces personnes qui n’ont plus qu’eux. Au vu des faits divers dans les journaux, on ne peut pas imaginer cela de tout le monde ; c’est pourquoi des livres comme L’opticien de Lampedusa sont utiles, voire nécessaires. Ils servent à la fois à rappeler les drames qui se déroulent à côté de chez nous, mais aussi que l’espoir d’une entraide est possible.
Bien que dérivé d’un reportage, ce roman se lit d’une traite, l’écriture évite le pathos, le rythme sur l’avant et l’après est soutenu, chacun de nos sens est stimulé pour essayer de nous faire vivre avec l’équipage du Galata cette matinée qui a changé à jamais leur vie ainsi que, bien évidemment, celle des rescapés.