Caractéristiques
- Auteur : Richard Morgan
- Editeur : Bragelonne
- Date de sortie en librairies : 7 février 2018
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 573
- Prix : 8,20€
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- Note : 8/10 par 1 critique
Carbone Modifié : le livre largement supérieur à la série
Alors que la série Netlix souffle le chaud et le froid, notamment à cause d’une showrunneuse pas vraiment intéressée par le concept de fidélité à l’œuvre d’origine, Carbone Modifié se trouve une seconde jeunesse côté littérature. Récemment paru en format poche chez Bragelonne, ce roman de science-fiction, à grosses tendances cyberpunk et hard boiled (en gros, ça remue), a de quoi intéresser n’importe quel lecteur qui penserait, à tort, que le genre n’est pas spécialement gâté depuis ce début de millénaire. Aussi, il constitue le premier tome d’une série basée sur Takeshi Kovacs, héros pas vraiment commode plongé dans un univers incroyablement riche. Retour sur l’un des livres les plus remarquables depuis le bug de l’an 2000.
Dans un avenir pas si lointain, la mort n’est plus définitive : vous pouvez sauvegarder votre conscience et vos souvenirs et les réimplanter dans un nouveau corps. De fait, pour Takeshi Kovacs, mourir n’est plus qu’un accident de parcours : il a déjà été tué plusieurs fois. C’étaient les risques du métier dans les Corps diplomatiques, les troupes d’élite du Protectorat des Nations unies expédiées à travers la galaxie. Mais cette fois, on le ramène sur Terre pour mener l’enquête : un riche magnat veut élucider sa propre mort. La police a conclu au suicide. Or, pourquoi se suicider quand on sauvegarde son esprit tous les jours, certain de revenir parmi les vivants ?
Tout d’abord, il faut affirmer haut et fort que le roman Carbone Modifié s’éloigne énormément de la série, que ce soit dans son scénario, l’univers ou encore le traitement des personnages. Si la grosse patte du géant Netflix a sans doute influencé la showrunneuse Laeta Kalogridis, le bouquin ne s’intéresse que très peu, ou de manière plus intelligente, aux sujets soulevés par la version télévisée. Il existe tout de même un vrai point commun : le concept des âmes, stockées dans des piles, ce qui permet le changement de corps à la volée, est fascinant dans les deux cas. L’auteur, Richard Morgan, qui a reçu le prestigieux prix Philip K. Dick 2003 pour l’œuvre ici chroniquée, peut ainsi aborder le sujet très usité de la vie éternelle. Usité certes, mais rarement avec une telle profondeur, tant le thème s’incorpore parfaitement à la problématique.
Un concept traité de manière jusqu’au-boutiste
Carbone Modifié est un roman noir, tout autant qu’une œuvre de science fiction. Dès lors, on s’attend à des personnages torturés, une intrigue à ramifications, et un dénouement désespéré. C’est en partie le cas. Kovacs excelle dans le rôle du flic désabusé, la cigarette comme une excroissance de son être, et des répliques cinglantes. La figure de la femme fatale est aussi présente. Tout cela est évidemment poussé à la révision par le cyberpunk, qui modifie ces notions, les manipule comme pour mieux les digérer, et livrer des codes classiques mais revisités. Faire du neuf avec du vieux ? C’est plus subtil que ça. Écrivons que l’auteur s’attache à décrire un monde futuriste mais pas sans liens avec notre époque, de manière beaucoup plus convaincante que dans la trop prévisible série de l’hyperactif Netflix.
Alors certes, Carbone modifié est parfois peu aisé à suivre. Les personnages n’étant que des coquilles à âmes friquées, ils ont tendance à apparaître, disparaître, bref ça demande de la concentration. Le milieu de volume peut aussi marquer un véritable temps mort, très court mais notable. Mais cela ne doit pas faire oublier deux éléments. Tout d’abord, l’incroyable réussite liée à la personnalité des protagonistes. S’accrocher pour les suivre, c’est aussi découvrir un concept traité de manière jusqu’au-boutiste. Ensuite, le rythme est terriblement captivant, on fait face à un véritable page-turner. Enfin, et sans trop en dire pour ne pas risquer le moindre spoiler, sachez que l’antagonisme est bien mieux géré que dans le show de Netflix, moins manichéen et plus… poétique, écrirons-nous.