[Critique] World’s End Harem T1 – Link, Kotaro Shouno

Caractéristiques

  • Auteur : Link, Kotaro Shouno
  • Editeur : Delcourt Tonkam
  • Date de sortie en librairies : 4 avril 2018
  • Format numérique disponible : Non
  • Nombre de pages : 180
  • Prix : 7,99€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Le politiquement correct en PLS

S’il reste bien un domaine qui assume l’inventivité de ses histoires, c’est bien le manga. Dans cette véritable culture à part entière, on peut trouver toutes sortes de récits, qui n’hésitent pas à transgresser les limites acceptables (il reste évidemment des frontières à ne pas franchir), souvent dictées par un Occident à la pointe du puritanisme déguisé, emperruqué de cheveux verts, roses, bleus. Une véritable bouffée d’air frais donc, et ce n’est pas World’s End Harem, aux éditions Delcourt Tonkam (Hikari-Man), qui va nous assurer le contraire. Découvrons ensemble ce premier tome, qui installe une problématique à la fois fascinante, rigolote et pas dénuée d’un certain regard sur certains maux qui traversent notre société.

World’s End Harem Tome 1 nous plonge dans le futur, en 2040 pour être plus précis. Un jeune homme, Reito, victime d’une maladie rare est plongé dans un long sommeil cryogénique le temps qu’un remède soit trouvé. Il promet à sa copine d’enfance, Erisa, qu’ils se retrouveront à son réveil. Au bout de son long repos, d’une durée de cinq ans, il découvre un monde dans lequel 99,9 % des hommes ont disparu et est peuplé quasi uniquement des 5 milliards de femmes restantes ! Une situation paradisiaque ? Pas tant que ça…

Autant être clair : nous ne connaissions ni le scénariste, Link, ni le dessinateur, Kotaro Shouno. Une recherche pour le premier nous indique évidemment les mangas The Legend Of Zelda, ce qui est évidemment hors sujet (ah, Google). Quant au second, aucune de ses œuvres précédentes ne nous est familières, même si son Pannacotta nous met l’eau à la bouche, en bons gourmands que nous sommes chez Culturellement Vôtre. Bref, c’est une totale découverte que ce premier tome de World’s End Harem, et elle s’est remarquablement déroulée. Dès les premières ages, on sent l’envie de faire vriller les esprits. En quelques pages nous est présentée la problématique : dans ce futur, l’humain, dans ce qu’il a de plus charnel, est devenu une denrée. Une case nous fait penser, sciemment, que la femme est au centre des intérêts, ce qui aura tendance à surexciter la petite voix dans votre tête : « ça ne va pas plaire aux féministes extrêmes ». Seulement, l’histoire va se développer et, en réalité, la situation sera beaucoup plus trouble. En effet, la disparition des hommes, due à l’apparition d’un virus mortel qui leur est exclusif, renverse la situation. Les femmes, qui nous sont présentées sous un jour très aguicheur, sont en fait le moyen d’exploiter les derniers mâles en vie, qui ont donc la lourde tâche de repeupler le monde. Habile.

Un récit avant tout divertissant, mais pas dénué de propos

Tout, dans World’s End Harem Tome 1, nous pousse à la lecture plaisante et savoureuse. Link ne recule devant aucune limite, et certainement pas celle du politiquement correct. Tout comme dans le très mémorable comics Y : Le dernier homme, on fait face à une société « matriarchisée », et pas sûr que l’espèce humaine ait beaucoup gagné au change. Très hiérarchisé, malgré de bien compréhensibles manquements en terme d’organisation, ce nouvel univers est loin d’être misandre. S’il n’y a pas d’ententes, de coopération entre les sexes, le monde s’écroule, et c’est ce que démontre le manga. Au-delà de cet aspect, qui ne demande qu’à s’affirmer dans les prochains tomes, le récit réserve une part majoritaire au divertissement le plus grivois. On ne lit pas un manifeste politique, très loin de là. La science fiction déployée est bien soignée dans tous les recoins, respectant à la fois l’effet des progrès technologiques, et la situation post-apocalyptique. C’est avec cette situation que va devoir composer le très réservé Reito, qui se refuse à profiter d’une situation que l’on pourrait penser paradisiaque. Seulement, il va devoir tout faire pour retrouver son amie d’enfance, qu’il ne peut oublier si facilement, et ce malgré les nombreuses tentations.

Bien entendu, on attend de World’s End Harem que les prochains tomes ne se contentent pas de creuser uniquement la partie érotique du concept. D’ailleurs, celui-ci n’est pas spécialement hyper enthousiasmante, en tout cas pas tout le temps, à cause de la description exagérée des corps féminin. Un effet totalement assumé par Kotaro Shouno, mais parfois contre-productif, selon les cases et les angles utilisés. Sans doute aussi pour que le lecteur ressente un certain malaise, qui découle de ses propres idéaux : avoir la possibilité d’une relation sexuelle avec une bonne partie des femmes du monde, est-ce vraiment idyllique ? On trouve ici un début de réponse, et l’on se languit déjà d’en découvrir la suite. Précisons ici qu’il s’agit d’une œuvre pour public averti.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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