Caractéristiques
- Traducteur : Sarah Tardy
- Auteur : Maggie O'Farrell
- Editeur : Belfond
- Date de sortie en librairies : 7 mars 2019
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 250
- Prix : 21€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 8/10 par 1 critique
17 fragments de vie liés à la mort
Huitième roman de l’Irlandaise Maggie O’Farrell, I am, I am, I am emprunte son titre à une phrase de l’unique roman de Sylvia Plath, La cloche de détresse, pour mieux plonger dans des souvenirs douloureux où la valeur et la beauté de la vie sont renforcées par l’omniprésence de la mort, prête à surgir à n’importe quel moment.
Ce recueil publié aux éditions Belfond (Quand on parle de Lou, Le violon de Menuhin) regroupe ainsi 17 récits autobiographiques où l’auteure se remémore des moments où sa vie a failli basculer pour de bon : agression, tentative d’assassinat évitée, maladie, noyade, fausse couche… Des moments pivots, ou parfois plus anodins, mais qui ont tous en commun d’être liés à une partie du corps, et de confronter l’écrivaine à sa propre mortalité.
Une fragilité qui rend la vie d’autant plus intense
L’un de ces moments pourrait faire figure de colonne vertébrale, à la fois au livre, mais aussi à la vie de Maggie O’Farrell : il s’agit de la maladie qu’elle a contractée enfant et qui a bien failli la tuer, ou bien la laisser paralysée à vie. Après des mois d’hospitalisation et de convalescence, elle a finalement pu s’en tirer et apprendre à remarcher, même si elle conserve aujourd’hui encore des séquelles de cette période, notamment une incapacité de situer correctement les objets dans l’espace et de coordonner ses mouvements en conséquence.
Mais cela a aussi eu une autre conséquence : celle de la rendre finalement assez aventureuse. Dans La cloche de détresse, Sylvia Plath écrivait : « J’ai respiré profondément et écouté le vieux battement impertinent de mon cœur. Je suis, je suis, je suis ». La poétesse américaine avait en effet réchappé à une première tentative de suicide au monoxyde de carbone après s’être enfermée dans le garage chez ses parents. Son seul et unique roman évoque cet épisode sous forme de fiction, mais de manière assez transparente.
Après être passée aussi près de la mort, on ne peut ressentir la vie que d’autant plus intensément. Et c’est ce qui est arrivé à Maggie O’Farrell, qui n’a eu de cesse, durant sa jeunesse et jusqu’à aujourd’hui, de profiter de la vie plutôt que d’en avoir peur, quitte à prendre parfois des risques qui pourraient paraître incensés, comme sauter dans la mer du haut d’une digue en pleine nuit.
Ce récit (« Cervelet, 1980 ») est l’avant-dernier du recueil, mais est finalement représentatif de cette soif de vie que l’on ressent à chaque instant de la lecture de I am, I am, Iam. Représentatif également de la fragilité de la vie et de la souffrance qui peuvent s’abattre sur nous en un instant, aussi.
Un recueil de nouvelles aussi cohérent que bouleversant
De ce côté-là, on retiendra également un autre récit, « Bébé et système sanguin, 2005 », tout simplement bouleversant. L’auteure y parle sans détour de l’une de ses fausses couches, alors qu’elle attendait un second enfant. Un sujet tabou souvent tu par les femmes, évoqué ici de manière poignante étape par étape, jusqu’au deuil.
Il serait difficile de commenter chacun des 17 récits proposés ici par Maggie O’Farrell. Ce qui est certain, c’est qu’il y a là une véritable unité qui se dégage de ces fragments de vie, et une même force, ce qui est assez rare pour être souligné. En effet, dans les recueils, le lecteur a souvent une préférence pour telle ou telle nouvelle. Mais la grande cohérence de l’approche thématique et du traitement font, dans ce cas précis, qu’il est impossible de dissocier une partie du tout qui l’englobe. Il s’agit là d’un patchwork bouleversant, vibrant, qui s’assemble peu à peu sous nos yeux pour former un cœur qui bat, qui bat, qui bat…