Caractéristiques
- Auteur : Stéphane Carlier
- Editeur : Le Tripode
- Date de sortie en librairies : 4 avril 2019
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 174
- Prix : 15€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 8/10 par 1 critique
Une tragi-comédie dont la star est un carlin
Sixième roman de Stéphane Carlier après notamment Les perles noires de Jackie O (2016) et Les gens sont les gens (2013), Le chien de Madame Halberstadt est la première collaboration de l’écrivain français avec Le Tripode (L’amour est une maladie ordinaire, Les aventures de Ruben Jablonski). Une alliance qui tombe sous le sens tant cette irrésistible tragi-comédie correspond à la ligne éditoriale décalée et inclassable de l’éditeur.
Nous y suivons les aventures de Baptiste, un écrivain en pleine déprime suite à l’échec de son 3e roman et le départ de sa compagne. Obnubilé par la nouvelle vie de celle qui l’a quitté, il ne cesse d’aller l’épier avec des jumelles pour mieux se morfondre, et guette le classement Amazon de son livre (375 000e) de manière obsessionnelle. Lorsqu’un beau jour sa voisine lui impose la garde de son chien Croquette pendant quelques jours, la vie de Baptiste change du tout au tout : il rencontre une belle jeune femme, son livre effectue une remontée spectaculaire et son ex semble rencontrer des difficultés avec son rival. Le petit carlin aurait-il des pouvoirs magiques ?
Des trésors d’humour noir, d’ironie, mais aussi de tendresse
Voilà une véritable petite perle ! Un livre de 170 pages tout juste, qui se dévore en deux heures et ne s’oublie pas de sitôt ! Avant même d’évoquer les trésors d’imagination déployés par Stéphane Carlier dans le développement et les rebondissements parfois improbables des aventures de Baptiste, il faut tout d’abord louer le ton employé, d’une incroyable drôlerie, et qui fait mouche à chaque fois. En faisant du héros le narrateur de l’histoire, l’auteur emprunte le point de vue de celui qui voit le verre à moitié vide. Un personnage qui semble clairement jouer de malchance, mais aussi se complaire (en partie) dans son malheur, en se comportant de manière obsessionnelle. L’efficacité de l’ensemble repose ainsi sur le décalage entre le ton assez sérieux de Baptiste, qui nous prend à témoin de ses mésaventures, et la drôlerie qui en résulte, malgré le tragique de la situation.
Cependant, Stéphane Carlier ne se moque jamais de son personnage, et c’est aussi ça qui rend Le chien de Madame Halberstadt aussi attachant. Une grande tendresse transparaît, que ce soit à l’égard de Baptiste ou d’autres personnages secondaires, comme son père ou sa mère. Tous connaissent ou ont connu des moments difficiles, où ils semblaient ne plus voir le bout du tunnel et pourtant… Une rencontre, un changement de perspective, et tout redevient possible !
Une petite pépite littéraire, drôle et touchante
Pour Baptiste, ce changement est bien entendu incarné par Croquette, le carlin boudeur de sa voisine, qui semble bouleverser sa vie par sa seule présence. Stéphane Carlier joue alors sur deux tableaux : d’un côté, on pourrait penser que cette présence silencieuse mais rassurante fait tout simplement du bien au héros, en lui redonnant espoir et en lui permettant de voir les choses du bon côté. De l’autre, le chien semble doté de propriétés magiques qui en feraient un porte-bonheur sur pattes.
L’auteur entretient le suspense jusqu’au bout et rivalise d’invention pour nous faire douter et emmener Baptiste sur d’étonnants chemins de traverse. On n’en dira pas plus sur la fin, aussi cruelle qu’hilarante, si ce n’est qu’elle possède une dimension clairement visuelle qui rendrait merveilleusement bien au cinéma — et ce d’autant plus que les comédies véritablement étonnantes sont assez rares.
Enfin, à travers les mésaventures de cet écrivain qui s’acharne à écrire des récits profonds à l’heure des romans feel-good et des livres de Youtubeuses beauté, Stéphane Carlier livre également une vision assez acérée du monde de l’édition aujourd’hui, où les livres se vendent de moins en moins. Pourtant, Le chien de Madame Halberstadt est de ceux qui donnent véritablement espoir en la matière, puisqu’il prouve que l’on peut livrer une réflexion juste et profonde tout en faisant rire, le tout sans appliquer une recette toute faite ! Notre premier gros coup de cœur de ce printemps 2019.