Caractéristiques
- Auteur : Gérard Lefort
- Editeur : Hors Collection
- Date de sortie en librairies : 9 avril 2019
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 248
- Prix : 19€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
Alors que le 72e festival de Cannes se tiendra du 14 au 25 mai 2019, les éditions Hors Collection (Le cinéma de Starfix, Première : 40 ans de cinéma…) publient La foire aux vanités, collection de souvenirs cannois du journaliste cinéma de Libération Gérard Lefort, qui couvre le festival depuis 1983.
Le festival de Cannes vu à travers les yeux d’un journaliste
Une petite mise en garde est nécessaire avant d’aborder plus longuement la lecture de cet ouvrage : il ne s’agit aucunement d’un recueil d’anecdotes centrés sur les artistes, ni d’un historique des scandales et polémiques qui ont émaillé l’histoire du festival (même si certains sont évoqués, comme celui de Lars von Trier en 2011), mais bien d’un livre qui nous permet de voir cet événement incontournable à travers le regard d’un journaliste.
Ainsi, même si l’on croisera Gérard Depardieu, Jean-Luc Godard, Catherine Deneuve, Claude Berri ou Clint Eastwood, ces malicieuses mémoires parleront plus particulièrement aux lecteurs cinéphiles s’intéressant à la profession. Projections matinales, fêtes sur les yachts, interviews épiques et rédaction d’articles hallucinés applaudis ou parfois décriés, Gérard Lefort passe tout en revue et partage avec humour et tendresse ses souvenirs cannois, et plus particulièrement ceux des années 80, alors que le regretté Serge Daney dirigeait la rubrique Cinéma de Libération.
Une autre époque, les années 80 ! Alors que beaucoup, comme Gérard Depardieu, cité par l’auteur, regrettent amèrement la tournure qu’a pris le festival ces dernières années (depuis le départ de Gilles Jacob), avec ses égéries L’Oréal et ses avalanches de fric et de bling-bling où il est bien peu question de cinéma, Gérard Lefort évoque une époque moins lisse, moins policée, où la fête débordait des yachts et résidences privées pour s’inviter en ville avec une certaine allégresse, mais aussi une certaine sauvagerie.
Champagne à flots, projections et rencontres extraordinaires
La foire aux vanités est divisé en courts chapitres thématiques, pas forcément chronologiques, et entre lesquels on navigue, entre amusement et, parfois, fascination face à des anecdotes à peine croyables. Comme cet entretien bidon avec James Ivory publié par l’auteur et Louella Intérim dans les pages de Libération alors que les deux compères, pas bilingues pour un sou et dépourvus d’interprètes, n’avaient strictement rien compris aux réponses du cinéaste, qui, hilare, avait approuvé la blague en adoubant cette interview qui avait fait forte impression sur Serge Daney. Ou encore cette drôle d’histoire où Clint Eastwood regrette de ne pas avoir pu tuer un rat qui passait par là avec son flingue…
Outre les nombreux récits alcoolisés et cocaïnés que rapporte l’auteur avec une gaieté non dissimulée (voilà qui ne va pas arranger l’image de l’élite des journalistes parisiens !), il est aussi, bien entendu, question d’écriture et de l’exercice délicat de la critique, qui fait l’objet d’un très beau chapitre, « Etat critique ». Avec plus de 30 ans d’expérience dans le métier, Gérard Lefort évoque avec beaucoup de justesse ce drôle d’état, à fleur de mots, dans lequel il faut se mettre pour écrire sur un film, et à fortiori sur un film vu en festival au milieu de dizaines d’autres.
Mémoires joyeuses et souvent assez décalées, La foire aux vanités permet de mesurer, à travers le regard d’un journaliste pour un grand média, de l’évolution qu’a connue le Festival de Cannes ces trente dernières années mais aussi, dans une certaine mesure, l’évolution qu’a connue sa couverture médiatique.
Le livre est également riche en souvenirs cinéphiliques, pas tant du point de vue des films vus que de celui des rencontres faites sur la Croisette. Et puis il est aussi question d’une bande de potes et collègues très soudée, dont quatre ont aujourd’hui disparu (Louella Intérim, Michel Cressole, Serge Daney et Philippe Vecchi). Derrière ces anecdotes mondaines et joyeusement loufoques se cache donc également un hommage tendre et sincère.