Caractéristiques
- Traducteur : Michel Bilis
- Auteur : Schlomo Sand
- Editeur : Seuil
- Date de sortie en librairies : 4 avril 2019
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 384
- Prix : 21€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 6/10 par 1 critique
Plutôt connu pour ses recherches historiques et ses théories sulfureuses, Shlomo Sand nous livre son premier roman avec La mort du Khazar rouge aux éditions du Seuil (Colère blanche, Offshore, …). Habitué des débats générés à chacune de ses sorties, est-ce ce qu’il réitère avec ce polar mélangeant faits réels et fiction ?
Des meurtres pas tout à fait en série
1987 : Ytzak Litvak est retrouvé chez lui, assassiné. Homme solitaire, professeur émérite, on ne lui connait pas d’ennemis, bien qu’il soit l’auteur d’une théorie très controversée : selon lui, le peuple juif ne viendrait pas du Proche-Orient mais d’Asie Centrale, où les Khazars, tribu de langue turque, se sont convertis au judaïsme. Nul doute que cela a créé des remous au sein de l’intelligentsia israélienne, mais aussi des classes politiques et religieuses. Pourtant, le commissaire Emile Morkus et son adjoint Shimon Ohayon ne sont pas sûrs que les motivations pour ce meurtre soit évidentes, le livre de Litvak étant sorti des années plus tôt. Alors que son frère jumeau, schizophrène vivant dans un établissement spécialisé, est lui aussi retrouvé mort, d’autres événements vont continuer à secouer le campus de l’université de Tel Aviv. Le commissaire Morkus partira en retraite sans avoir réussi à élucider ces mystères.
2007 : le temps a passé, c’est désormais Shimon Ohayon qui a pris la place de Morkus et qui se retrouve de nouveau à enquêter sur la mort d’un professeur de l’université de Tel Aviv. Dans ce cadre, il va retrouver Gallia Shapira, adjointe de Litvak à l’époque et ne pourra empêcher Morkus de se mêler à cette nouvelle enquête. Peut-être arriveront-ils enfin à trouver les explications à tous ces meurtres…
Un romancier pas comme les autres
Même sans savoir exactement pourquoi, le nom de Shlomo Sand résonne familièrement aux oreilles de beaucoup de personnes. Fils de rescapés polonais, il vit en Israël depuis sa plus tendre enfance et n’a cessé de scruter le pays, sa genèse et sa population sans aucune forme de complaisance.
Il publia en 2008 Comment le peuple juif fut inventé qui a rapidement été traduit en anglais et en français, créant à la fois le bonheur et la colère sur son passage. Ce livre a exposé pour la première fois la théorie du Pr Litvak : les juifs ashkénazes (européens) sont descendants de khazars convertis et n’ont pas de liens établis (hormis religieux) avec Israël. Ce qui peut sembler simple et inoffensif est en fait une remise en question de la création de l’état d’Israël en questionnant la légitimité et le retour du peuple juif. Depuis, Shlomo Sand a continué ses recherches et enseigne à l’université de Tel Aviv sans (heureusement) craindre pour sa vie.
Une critique de la société israélienne moderne
Alors que dans ses précédents ouvrages Shlomo Sand se posait la question de la remise en cause du passé, La mort du khazar rouge se veut, en plus d’un polar, un regard sur la société israélienne et les relations entre les différents groupes qui la forment. Emile Morkus est un arabe chrétien, ce qui est sensé le placer dans une position plutôt neutre : il n’est pas juif mais pas musulman non plus, il est à la fois israélien et arabe. En dépit de son grade au sein de la police, il est souvent vu comme un homme dont on doit se méfier, comme s’il devait choisir un camp.
Cette situation le rend avant tout las et ne l’éloigne pas de son but premier : résoudre des enquêtes. Les autres personnages présentent des caractéristiques plus classiques. Il est tout de même intéressant de voir que Shlomo Sand s’est partiellement incarné à travers le professeur Litvak — dont le nom désigne des juifs lithuaniens ayant porté un courant humaniste au sein du monde juif est-européen au début du 20ème siècle — premier professeur assassiné par qui le débat est arrivé.
La mort du khazar rouge est un polar intéressant et intrigant qui, malgré quelques longueurs et une volonté politique quasi omniprésente, se lit assez facilement. Les apartés des personnages ainsi que les différentes scènes du quotidien ont pour vocation de faire de ce livre, plus qu’un roman policier, une cartographie de la société israélienne.