Caractéristiques
- Traducteur : Adèle Rolland-Le Dem
- Auteur : Lisa Jewell
- Editeur : Milady
- Collection : Suspense
- Date de sortie en librairies : 16 octobre 2019
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 416
- Prix : 19,50€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
L’auteure anglaise signe un thriller féminin à la Big Little Lies
Un an après Comme toi, Lisa Jewell est de retour chez Milady (Little Monsters…), avec Tous tes secrets, un thriller féminin haletant dans lequel tout le monde est suspect, dans la droite lignée de Big Little Lies.
Melville Heights est une rue huppée et à priori sans histoires de la ville de Bristol en Angleterre. Pourtant, c’est bien là, dans l’une des jolies maisons aux façades colorées, qu’un cadavre est retrouvé lardé de coups de couteaux. Le crime a eu lieu chez les Fitzwilliam et l’une de leurs voisine, Josephine Mullen, qui a récemment emménagé avec son mari chez son frère et son épouse, est interrogée par la police, qui s’intéresse de près à sa relation avec Tom Fitzwilliam, directeur réputé du collège du quartier.
Est-elle coupable ? S’agit-il d’un crime passionnel ? Et puis d’ailleurs, qui est mort ? A mesure que le récit avance, nous découvrons la personnalité ambivalente de ce professeur charismatique, qui inspire la sympathie voire la passion et l’obsession partout où il passe. Le bon gars cacherait-il un pervers narcissique, voire un pédophile ? C’est ce que pense Jenna, 13 ans, dont la meilleure amie Bess a le béguin pour Fitzwilliam. Quant à sa mère, connue pour sa paranoïa dans le voisinage, n’aurait-elle pas de vraies raisons de le suspecter d’avoir commis des choses horribles ?
Une forme classique pour un roman haletant
Par sa forme classique et accrocheuse à la fois, Tous tes secrets lorgne fortement du côté du best seller de Liane Moriarty, récemment adapté sur le petit écran par HBO. En effet, on sait dès le début qu’un meurtre a été commis, on ne sait pas qui est la victime ni qui est le meurtrier, même si on comprend très vite qui est suspecté. Le récit va alors alterner entre passé et présent, jusqu’à ce que l’histoire rejoigne le moment où l’héroïne, Josephin Mullen, est interrogée par la police.
Cependant, à mesure que le récit progresse, il apparaît clairement que Lisa Jewell possède un univers bien à elle, qui va nous captiver de plus en plus. Ainsi, même si la forme en elle-même est classique, la maîtrise de l’auteure anglaise a de quoi laisser admiratif, d’autant plus que la structure, éclatée en multiples points de vue entre le présent et différents passés (1996 et 3 mois avant le meurtre), se révèle assez complexe.
Lisa Jewell joue explicitement avec le côté Cluedo de son histoire dès le début puisque les protagonistes nous sont présentés avant le début du récit : on sait ainsi qui habite où, et avec qui. L’intrigue réservera ainsi, on s’en doute, de nombreuses surprises et coups de théâtre. Les apparences sont bien évidemment trompeuses, et Lisa Jewell parvient à abattre ses cartes au bon moment.
D’ailleurs, même lorsqu’on devine bien avant la fin qui est le meurtrier, le « pourquoi » nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. Et puis, le coupable est-il le vrai méchant ? Rien n’est moins sûr dans un roman où tout le monde a quelque chose à cacher et sembler obsédé, à un niveau ou à un autre, par Tom Fitzwilliam, le directeur du collège de Melville Heights…
Une dimension psychologique gérée de main de maître
Le roman tire véritablement sa force de cette multiplicité de points de vue et de personnages, qui ne nous perd jamais. Les différents protagonistes sont assez fouillés dans l’ensemble (avec une mention spéciale pour Tom Fitzwilliam, son fils Freddie et Jenna), même si l’auteure s’intéresse davantage à certains pour des raisons purement narratives.
De ce côté-là, il faut saluer le véritable talent de Lisa Jewell pour le thriller psychologique, ici bien plus que pour Comme toi, d’ailleurs, qui était moins complexe dans le fond comme dans la forme, malgré une dimension déjà fortement psychologique.
Ainsi, dans Tous tes secrets, les personnages principaux n’ont pas seulement des choses à cacher, mais une psychologie complexe et crédible qui les rend intéressants, même si le ou la meurtrière gardera bien évidemment une partie de son mystère.
Seul bémol de ce point de vue-là : Josephine, qui est le personnage auquel on est censé le plus s’identifier, n’est pas la plus captivante. Sa manière de s’auto-flageller en permanence et de se considérer comme idiote est d’ailleurs un peu trop poussée et pas forcément décrite de manière toujours très crédible. Mais il s’agit là du seul élément un peu trop cousu de fil blanc, et il reste acceptable puisque, à mesure que le récit avance, on se rend compte qu’elle n’est pas forcément la véritable héroïne de l’histoire, si tant est que l’un des personnages puisse correspondre à cet archétype.
On ne vous en dira pas plus pour conserver intacte les nombreux rebondissements du roman, mais on est en tout cas emballés par ce très bon page turner, qui a également le mérite d’être tout sous sauf manichéen, dans la lignée d’une Karin Slaughter (Une fille modèle). Au sein de ce microcosme très propret en apparence, chacun a des raisons profondes d’agir comme il le fait, et Lisa Jewell parvient à nous faire ressentir de l’empathie pour (presque) tous ses personnages, tout en nous gardant en haleine jusqu’à la toute dernière ligne. Un joli tour de force.