Caractéristiques
- Auteur : Franck Thilliez
- Editeur : Fleuve Editions
- Collection : Fleuve Noir
- Date de sortie en librairies : 6 mai 2021
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 504
- Prix : 22,90 euros
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- Note : 8/10 par 1 critique
Un vent de fraîcheur rétro dans la saga Sharko
Une fois n’est pas coutume, c’est dans le passé que nous convie Franck Thilliez (Il était deux fois) pour son nouveau roman, grandement attendu dans les librairies comme chaque printemps. Ici, pas de nouveautés scientifiques ou de virus, mais un récit ancré dans les années 90, qui nous transporte dans une petite bulle nostalgique bienvenue en ces temps moroses de pandémie.
Dans 1991, publié chez Fleuve Editions ce 6 mai, on suit la toute première enquête de Franck Sharko au 36 quai des Orfèvres. Il est chargé de reprendre l’affaire non élucidée des Disparues du Sud parisien dans laquelle trois femmes ont été enlevées, violées et poignardées, trois ans auparavant. Mais alors que le jeune enquêteur se plonge assidûment dans le travail, il reçoit la visite d’un homme paniqué, qui lui remet la photo d’une femme couchée et attachée sur un lit, la tête enfoncée dans un sac. Au dos de la photo, est inscrite une adresse…
Que ceux qui éprouveraient un peu de lassitude à entrer dans la dixième aventure de l’insubmersible Sharko se rassurent : ici, notre policier tête brûlée et renfrogné laisse la place à un jeune flic idéaliste de 30 ans, nouvellement arrivé et préposé au sale boulot au porte à porte et à la paperasse. Même si ses traits de caractère, ses obsessions et sa colère sont déjà bien identifiables, le jeune Sharko – que l’auteur appelle volontiers Franck – se révèle beaucoup plus attachant que le Sharko mature, et insuffle un vent de fraîcheur dans une saga qu’on pouvait craindre de voir s’essouffler.
Quant à ceux qui désireraient découvrir ce personnage sans avoir lu les tomes précédents, ils peuvent tout à fait commencer par 1991. Il s’agit en effet d’un préquel qui ne dévoile rien de l’intrigue de la saga, mais qui délivrera son lot de clins d’œil et de nouveaux éléments propres à ravir un lecteur assidu.
Franck Thilliez revient dans ce nouveau roman à l’enquête de terrain pure et dure, où « prévaut – dit-il – le flair et la ténacité des flics ». Il utilise habilement son héros débutant pour faire découvrir au lecteur le déroulé de l’investigation. A l’ère des walkmans à cassettes, du franc et du minitel, les policiers du 36 n’ont pas de téléphone portable, de fichiers informatisés ou de traces ADN précises pour les aider à résoudre leurs enquêtes : tout est encore très artisanal et les recherches sont beaucoup plus longues et fastidieuses.
Ce retour dans le temps permet aussi à Franck Thilliez de pointer du doigt l’archaïsme de certaines mentalités sexistes ou intolérantes, encore très présentes à l’époque.
Une écriture addictive et passionnante
La nouvelle enquête de Franck Thilliez a cette fois pour thème la magie et l’illusion, choix qu’avait fait également quelques mois plus tôt son confrère Maxime Chattam dans son très bon thriller L’Illusion. Néanmoins, tous deux prennent des directions résolument différentes : alors que l’un flirte avec le fantastique, l’autre reste résolument dans le réel, le concret de l’intrigue policière.
Franck Thilliez, qui aime conférer à son écriture une dimension ludique, joue habilement avec cette idée de manipulation et de faux semblants : dans la première page de son introduction, il annonce malicieusement au lecteur qu’il est sur le point de lui livrer une possible clef d’interprétation pour la suite du roman. Mais faudra-t-il lui faire confiance ? Choisissant tour à tour de nous entraîner dans des pistes trompeuses, puis dans d’autres plus fructueuses, Thilliez nous montre la réalité d’une authentique enquête, qui piétine parfois et n’est pas une simple ligne droite vers la résolution du mystère.
Avec une plume nerveuse et une efficacité dont il a le secret, l‘auteur nous invite dans une course-poursuite effrénée vers un dénouement très bien ficelé, au cœur d’une intrigue sombre et retorse aux multiples rebondissements. Les quelques 500 pages se dévorent sans le moindre temps mort et chaque chapitre se termine sur une nouvelle énigme, une révélation surprenante ou une péripétie insoupçonnée qui relance le suspense. L’alternance de points de vue entre les différents policiers qui enquêtent chacun de leur côté permet de rendre leur progression encore plus dynamique et addictive. Il devient très difficile de lâcher le roman, notamment dans son accélération vers la résolution finale !
L’auteur montre enfin qu’il est capable d’allier efficacité et sensibilité, en dévoilant pour la première fois une partie du passé et de l’intimité de Franck Sharko. L’incursion au cœur de son coron natal auprès de ses parents, tout comme les brefs moments passés avec sa jeune fiancée, sont autant de pauses bienvenues et tendres qui enrichissent le personnage et contrebalancent la noirceur et la perversité humaines omniprésentes dans l’enquête.
Le nouvel opus de Franck Thilliez, 1991, est donc encore une fois un page-turner redoutable à la mécanique bien rodée. Non content de démontrer qu’en matière de suspense et d’énigmes rusées, il n’en est plus à son coup d’essai, l’auteur prouve ici que même avec son 21ème roman, il parvient encore et toujours à se renouveler.