Caractéristiques
- Titre : Gallant
- Traducteur : Sarah Dali
- Auteur : V. E. Schwab
- Illustrateur(s) : David Curtis (couverture), Manuel Sumberac (illustrations intérieures)
- Editeur : Lumen
- Date de sortie en librairies : 10 mars 2022
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 376
- Prix : 16 euros
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
Un magnifique objet-livre subtilement illustré
Un an après la sortie de son précédent roman, La Vie invisible d’Addie Larue et du troisième tome de la trilogie jeunesse Cassidy Blake, V.E. Schwab, l’auteure américaine de la saga à succès Shades of Magic, revient avec un nouveau roman young adult publié aux éditions Lumen : Gallant. On y fait la connaissance d’Olivia Prior, jeune orpheline muette déposée dès son plus jeune âge sur les marches de l’orphelinat de Merilance. De sa famille disparue, il ne lui reste que le journal intime de sa mère, Grace, dont on apprend rapidement qu’elle a sombré dans la folie. Entre les pages de ce carnet, Olivia cherche la clef du mystère de ses origines et la raison de l’ultime mise en garde maternelle : « Tu seras à l’abri tant que tu ne t’approcheras pas de Gallant ».
Lorsqu’elle reçoit une lettre écrite par son oncle l’invitant à le rejoindre dans le domaine familial de Gallant, Olivia doit faire face à un choix : suivre l’avertissement funeste de Grace ou quitter sans regret l’austère pensionnat de jeunes filles pour partir à la rencontre des siens ?
Dès sa prise en main, l’objet-livre comble le lecteur, avec sa couverture signée David Curtis qui est une porte d’entrée parfaite dans le monde fantastique créé par V.E. Schwab. Le roman comporte de nombreuses illustrations en noir et blanc exécutées par Manuel Sumberac, qui ne sont pas que décoratives, mais précisent et enrichissent le propos de l’auteure. Des extraits entiers du journal intime de la mère d’Olivia sont retranscrits de manière manuscrite, avec des ratures et un aspect parcheminé ajouté au papier. Enfin, certaines pages noires ornées d’une calligraphie blanche servent à faire avancer, en parallèle de la trame principale, l’histoire d’un personnage mystérieux dont on ne comprendra les enjeux que dans la deuxième moitié du roman.
Légèrement plus court que les autres productions young adult de V.E. Schwab, mais d’autant plus efficace, Gallant bénéficie donc d’un travail éditorial de qualité, qui embellit tout autant qu’il enrichit le récit de son auteure.
Un roman immersif et contemplatif
Bien qu’elle s’adresse à un lecteur adolescent, V.E. Schwab prend le temps d’installer dans son roman une atmosphère contemplative, avec des descriptions de lieux très immersives. Elle détaille également les textures, les couleurs des vêtements, et accorde une grande importance au cadre, qu’il doit être immédiatement possible de visualiser. Le rythme est donc assez lent, mais pas pour autant ennuyeux, car le lecteur plonge dans l’univers fantastique créé par l’auteure autant que dans les souvenirs de ses personnages : ceux d’Olivia, tout d’abord, qui se remémore sa jeunesse au pensionnat de Merilance, puis ceux de sa mère, retranscrits de manière brouillonne et confuse dans son journal intime, et que la jeune fille essaye d’interpréter.
Cette question de la compréhension de l’autre, de la capacité du langage à être entendu et déchiffré est au cœur du récit de V.E. Schwab : Olivia est un personnage qui ne peut pas parler et qui se heurte à la difficulté de communiquer, car peu de gens connaissent la langue des signes. Elle a la capacité de voir des « goules », des fantômes qui tentent de lui transmettre certains messages, mais qui ne peuvent pas se confronter à son regard et disparaissent dès qu’elle tourne la tête vers eux. Enfin, les illustrations présentes dans le carnet maternel sont une forme de langage à part entière et ont vocation à être interprétées pour lever le mystère qui plane autour de Gallant.
Une esthétique gothique réussie
V.E. Schwab s’inspire dans Gallant des caractéristiques du roman gothique, né en 1764 avec Le Château d’Otrante d’Horace Walpole, et qui a laissé progressivement sa place au genre fantastique. Le personnage d’Olivia vit dans une époque apparemment ancienne, mais non définie, et l’action se déroule dans deux lieux à l’architecture typiquement médiévale : le lugubre pensionnat de Merilance et le manoir de la famille Prior. Gallant, ce château à l’atmosphère macabre et qui porte le poids du passé, apparaît presque comme un organisme vivant capable d’engloutir ses occupants dans ses recoins effrayants.
Comme la plupart des héroïnes de Gothic novel, Olivia est un personnage tourmenté par son destin, enfermé, essayant de comprendre les secrets de sa famille, tout en luttant contre des forces surnaturelles. L’auteure joue un peu avec les codes du genre puisque les fantômes ne sont pas tous effrayants et que Gallant peut aussi apparaître comme un refuge, un nouveau foyer pour la jeune orpheline.
Le roman n’a pas la volonté de garantir un suspense insoutenable comme le ferait un thriller, mais il distille une tension, un mystère qui s’épaissit de pages en pages jusqu’au dénouement final. Il est également empreint d’une douce mélancolie et comporte quelques moments très émouvants qui pourront peut-être arracher une larme au lecteur.
En plus d’être un bel objet illustré, Gallant est donc un roman très agréable, servi par une écriture élégante et poétique. Grâce à son style immersif et contemplatif, il prend le temps d’installer une esthétique gothique travaillée et une atmosphère de mystère particulièrement aboutie.