Caractéristiques
- Titre : L'Œuvre de Christopher Nolan, Les Théorèmes de l'illusion
- Auteur : Guillaume Labrude
- Illustrateur(s) : France Mansiaux
- Editeur : Third Editions
- Collection : Cinéma
- Date de sortie en librairies : 17 février 2022
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 280 pages
- Prix : 29,90 € pour la version normale, 34,90 € pour la version First Print
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- Note : 8/10 par 1 critique
Un essai informatif passionnant
Alors que son dernier film, Oppenheimer, vient juste de sortir sur nos écrans de cinéma, le moment semble optimal pour se replonger dans la filmographie de Christopher Nolan, grâce à l’essai intitulé L’Œuvre de Christopher Nolan, Les Théorèmes de l’illusion publié chez Third Editions et écrit par Guillaume Labrude. Il s’agit d’un ouvrage très complet qui propose tout d’abord une biographie du réalisateur, avant de recenser avec précision et dans l’ordre chronologique les différentes œuvres de Nolan, de ses premiers courts-métrages (Tarantella, 1989 et Doodlebug, 1997) à son dernier film en date : Tenet (2020). Une dernière partie se consacre enfin à l’analyse détaillée de ses principaux longs-métrages.
L’essai, rigoureux et informatif, est une mine d’informations et d’anecdotes passionnantes qui cite scrupuleusement ses sources. Il nous en apprend davantage sur la réception critique et publique des films du réalisateur, leurs principales récompenses, et les événements parfois dramatiques qui ont entouré leur sortie. On pense, par exemple, à la mort de Heath Ledger, célèbre Joker de The Dark Knight, ou à la tuerie du 19 juillet 2012 durant l’avant-première de The Dark Knight Rises. L’ouvrage présente enfin un grand nombre de données chiffrées très intéressantes sur les frais de production et de recettes, et complète ses exemples de notes de bas de pages explicatives ou humoristiques.
Guillaume Labrude propose une approche quasi exhaustive de l’œuvre du cinéaste et consacre un chapitre entier à chacun de ses films. Il plonge le lecteur dans la genèse des différents projets, notamment dans celle d’Inception qui, à l’aube des années 2000, ressemblait plutôt à un film horrifique, avec pour personnages principaux des voleurs de rêves. L’auteur aborde également les choix de casting, avec les noms des acteurs pressentis puis rejetés, et détaille les procédés cinématographiques et motifs récurrents chez Christopher Nolan, ses inspirations, et ses acteurs fétiches et collaborateurs, à l’image de son frère Jonathan à l’écriture, ou de Hans Zimmer à la musique.
Une plongée au cœur du cinéma nolanien
Les Théorèmes de l’illusion présente une analyse complète des caractéristiques du cinéma de Christopher Nolan : froid et efficace, il comporte un certain rapport au temps et à l’espace, des personnages et des dialogues dépouillés, au point d’en devenir parfois juste fonctionnels, des mises en scène et scénarios souvent basés sur un high concept… Guillaume Labrude explique en quoi le réalisateur a démocratisé l’expression « blockbuster d’auteur », avec ses intrigues complexes et ludiques et sa volonté de faire du septième art le sujet central de ses œuvres. Il explicite ses procédés cinématographiques récurrents – le suivi en caméra-épaule, le montage inversé, la focalisation sur certains personnages psychologiquement instables – et montre quand et comment le cinéaste a basculé du genre policier au fantastique et à la science-fiction. Il s’attarde enfin sur la dichotomie du cinéma nolanien, désireux de traiter de la vérité, mais choisissant, pour la représenter, l’art de l’illusion et du mensonge par excellence : le cinéma.
L’essai prend le temps de détailler la mise en scène de Christopher Nolan, la valeur de plan, le rythme et la musique choisis. On découvre progressivement l’évolution de son cinéma, qui propose de plus en plus de démonstration technologique – avec l’utilisation de la Vista Vision, puis de l’Imax – mais demeure fidèle aux supercheries invisibles et à l’utilisation modérée de l’imagerie de synthèse. Sa volonté d’authenticité l’a par exemple poussé à utiliser de vrais avions d’époque pour certaines prises de vues aériennes dans Dunkerque.
Si Guillaume Labrude dresse un portrait élogieux du réalisateur, il sait également modérer son jugement critique et aborde avec intelligence ce que certains considèrent comme les faiblesses du cinéma nolanien : un cinéma très masculin où la femme-objet peine à exister, un réalisateur qui surexplique parfois un peu trop les éléments de son scénario pour qu’ils demeurent intelligibles, des personnages trop faiblement caractérisés… Labrude évoque ces points et les remet en perspective dans la filmographie de Christopher Nolan, afin de montrer en quoi ces choix, parfois maladroits, sont aussi l’essence même de la signature narrative du réalisateur.
Un objet-livre très soigné réservé aux amateurs du réalisateur
En plus d’être très intéressant et enrichissant pour le lecteur, Les Théorèmes de l’illusion est également un magnifique objet livre de 280 pages, relié par une couverture rigide aux couleurs sobres et élégantes. Les en-tête de chapitres sont joliment travaillés, avec quelques illustrations en noir et blanc, et l’ouvrage comporte même un fin signet blanc intégré au corps du livre du plus bel effet. Le papier épais et la police d’écriture, petite mais harmonieuse, apportent enfin un confort de lecture très appréciable. A noter que l’ouvrage est proposé sous deux éditions différentes : l’édition First Print, en nombre limité, qui comprend une couverture exclusive de Ben Turner, une jaquette réversible reprenant la couverture de l’édition classique, un ex-libris de Ben Turner et le livre au format numérique (ePub & MOBI), et l’édition classique dont la couverture est réalisée par France Mansiaux.
Il est tout de même à signaler que l’essai de Guillaume Labrude ne s’adresse pas aux néophytes. Nous recommandons aux lecteurs qui souhaiteraient se plonger dans sa lecture d’avoir une solide connaissance de la filmographie de Christopher Nolan, ou de laisser de côté pour plus tard les chapitres consacrés aux films qu’ils n’ont pas encore vus. En effet, s’il propose des analyses minutieuses de chaque long-métrage, la contrepartie est qu’il spoile totalement leur contenu, des péripéties à la fin, en passant par les éventuels twists. Attention, donc, ce livre n’est pas à mettre entre toutes les mains.
Par ailleurs, sa richesse et son exhaustivité en font un ouvrage exigeant qui ne se lit pas aussi facilement qu’un roman. L’essai regorge de connaissances pointues et techniques, et bien que Guillaume Labrude parvienne à les vulgariser avec pédagogie, il nécessite une concentration et un véritable intérêt de l’œuvre de Christopher Nolan pour s’y plonger dans les meilleures conditions possibles.
L’Œuvre de Christopher Nolan, Les Théorèmes de l’illusion est donc un ouvrage complet et instructif, doublé d’un magnifique objet de collection pour les cinéphiles. S’il ne constitue pas une réelle porte d’entrée dans la filmographie fascinante du maître de l’illusion, de par sa complexité et son exhaustivité, il comblera les connaisseurs de Nolan grâce à son approche biographique et chronologique très aboutie.
