Caractéristiques
- Titre : Lettres à Sarah
- Auteur : Stéphan Sanchez, préface de Guy Astic
- Editeur : Rouge Profond
- Collection : Débords
- Date de sortie en librairies : 22 août 2023
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 108
- Prix : 20 euros
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- Note : 7/10 par 1 critique
Un recueil de lettres adressées à Sarah Michelle Gellar
C’est un essai un peu particulier que nous proposent les éditions Rouge Profond avec Lettres à Sarah du romancier Stéphan Sanchez. Ni biographie ni filmographie commentée, ce court ouvrage est en réalité un recueil de lettres de l’auteur adressées directement à Sarah Michelle Gellar, l’inoubliable Buffy de la série culte Buffy contre les vampires de Joss Whedon (1997-2003).
A travers cette correspondance, il exprime l’importance que l’actrice et la série culte ont tenu dans sa vie. Comment, adolescent puis jeune adulte, il s’est senti consolé et inspiré par les intrigues de la série, le personnage de Buffy, mais aussi le parcours et la personnalité de SMG.
Par la même occasion, Stéphan Sanchez fait le tour de la filmographie de l’actrice au cinéma comme à la télévision, y compris sur ses rôles les moins connus en France et ses petites apparitions et caméos. Il apprécie cette actrice infiniment douée mais aussi souvent mésestimée, et tient à le faire savoir.
Génération Buffy forever
Les premières lettres sont assez courtes. Le style est simple et fluide, on s’identifie facilement à l’auteur quand il parle de la Trilogie du samedi soir et de ses collections de magazines pour ados. Etant de la même génération que l’auteur et ayant découvert Buffy à 12 ans également, ces souvenirs nostalgiques ont ravivé chez moi les miens propres : les photos découpées dans les magazines, dont certaines un peu sexy de l’actrice que je donnais à l’ami dont j’étais secrètement amoureuse, le guide de la série que j’écrivais dans un classeur avec des analyses épisode par épisode… Comme Stéphan Sanchez le dit en toute fin d’ouvrage, la génération Buffy et les admirateurs de Sarah « forment une famille unie » et ces premiers souvenirs qu’il partage feront facilement ressurgir des souvenirs chez les lecteurs du livre qui ont découvert la série sur M6 à partir de 1998-1999. Comment on a découvert Buffy, comment on parlait de la série avec nos amis, l’importance de cette série initiatique et du traitement de ses intrigues à l’adolescence avant la redécouverte à l’âge adulte…
Au-delà de ces éléments, lors des premiers chapitres, si vous connaissez bien l’entièreté de la filmo de Sarah Michelle Gellar mais aussi sa vie, on peut avoir l’impression que le livre ne nous apprend pas grand-chose sur elle. Mais cela serait faire un faux procès à son auteur que de le lui reprocher, puisqu’il ne s’agit pas tant d’un livre sur l’actrice ou la femme en tant que telles qu’un livre éclairant ce qui, chez cette artiste, peut faire écho chez tout un chacun, et chez l’auteur en particulier. Tout ce que l’on peut projeter sur elle et ses rôles, qui la dépasse et en font une star capable d’inspirer des millions de personnes à travers plusieurs générations.
Le récit initiatique de l’auteur à travers ses souvenirs de l’actrice et ses rôles
Et, à mesure que l’on avance dans la lecture de Lettres à Sarah, quelque chose se passe : Stéphan Sanchez se livre de plus en plus, et le livre devient le récit intime et touchant d’un jeune homme homosexuel pour lequel Buffy et son actrice principale vont agir comme un modèle pour assumer sa sexualité, mais aussi sa personnalité, ses désirs et ses aspirations créatives (il se lance dans des études d’histoire de l’art, la photographie et publie le premier de plusieurs romans à l’âge de 25 ans). Les émois et épreuves que traversent Buffy font écho aux siens propres, les épisodes le consolent de ses déconvenues et il se souvient de rencontres amicales et amoureuses marquantes parallèlement à la sortie des films et séries de l’actrice.
Quelque chose de plus en plus profond se tisse et va au-delà du simple hommage nostalgique à une icône des années 90. Le terme « madeleine de Proust » utilisé par l’auteur à la fin de l’ouvrage n’est pas galvaudé : il y a parfois de la mélancolie et de la noirceur à travers le propre récit initiatique de l’auteur, mais aussi de la tendresse. On a l’impression qu’il revisite son parcours avec bienveillance, même si l’on devine que celle-ci a dû faire l’objet d’un douloureux apprentissage.
Mais nulle complaisance dans ces confessions : juste une très grande sincérité, assortie de beaucoup de pertinence autour de son sujet derrière l’apparente simplicité du traitement. On ressent clairement l’admiration de Stéphan Sanchez pour SMG, mais son idolâtrie est tout sauf aveugle, elle est de celles qui inspirent, réconfortent, poussent à aller plus loin. Malgré les connotations péjoratives des termes « fans » (fanatiques) et « idole », ce type d’admiration prenant sa source à l’adolescence permet de considérer l’art et les artistes dans ce qu’ils ont de meilleur : nous rappeler que nous ne sommes pas seuls à douter ou à ressentir les plus grandes joies comme les plus grandes peines, et nous encourager à réaliser notre plein potentiel.
Ce genre d’essai, entre journalisme et chronique personnelle, répandu dans la presse et l’édition anglo-saxonne mais assez rare en France où la distance est souvent de mise, possède de nombreuses vertus, j’en suis convaincue depuis longtemps, et le livre de Stéphan Sanchez en est une belle preuve, qui saura toucher au cœur les admirateurs de Buffy et de Sarah Michelle Gellar, et peut-être même ceux qui voudraient comprendre l’engouement suscité par l’œuvre de Whedon ou par l’actrice. Un livre très recommandable donc, qui se dévore d’une traite et se regarde aussi puisque quelques pages de photos de l’actrice dans ses différents rôles est présent au centre de l’ouvrage – chose qui n’est pas forcément habituelle dans la collection Débords.