A l’occasion d’une soirée organisée par les éditions Nouveau monde, à l’Enoteca de Paris, pour la promotion de son livre Féminicide, et en amont du salon des Quais du Polar qui se sont déroulés à Lyon du 5 au 7 avril 2024, l’auteur de polars suédois Pascal Engman nous a fait l’honneur et le plaisir de répondre à ces quelques questions.
Culturellement Vôtre : Vous délivrez, avec Féminicide, un message universel et pourtant, vous ancrez très fortement l’histoire à Stockohlm, en Suède. Etait-ce une volonté de votre part d’en faire un personnage à part entière du roman ?
Pascal Engman : Mon premier roman, The Patriots, qui n’a pas (encore) été traduit en français, se déroule en Suède, à Stockholm, mais aussi au Chili. [Rappelons que Pascal Engman a une mère suédoise et un père chilien, ndlr] Lorsque j’ai écrit Féminicide, je me trouvais au Chili et Stockolm me manquait. Je l’ai donc décrite avec émotion et nostalgie. C’est pour cette raison, je pense, que j’ai dépeint Stockholm comme la plus belle ville au monde, et un personnage à part entière de mon roman. Il faut toujours s’éloigner des choses pour les décrire au mieux.
C.V. : Comment parvenez-vous à mettre en scène la violence dans votre roman, sans céder au sensationnalisme ?
P.E. : Je pense beaucoup à cela car je ne veux pas aller trop loin et choquer le lecteur. Je ne suis pas moi-même intéressé par les livres violents ou les scènes sanglantes. Mais, en même temps, je suis persuadé qu’il faut montrer la réalité de la violence pour que le lecteur comprenne à quel point elle est horrible. J’y pense beaucoup, et j’essaye de trouver le juste équilibre.
C.V. : Avez-vous travaillé en collaboration avec des policiers pour écrire votre roman ? Vous ont-ils proposé des corrections pour coller davantage à la réalité ?
P.E. : Oui, je travaille régulièrement avec des policiers. De plus, en tant qu’ancien journaliste, j’ai l’habitude de fournir un gros travail d’investigation autour du sujet de mes romans. Il n’y a donc rien qui ne soit pas véridique ou plausible dans ce livre. C’est l’enquête de police la plus réaliste possible. Bien sûr, certains éléments demeurent fictionnels et il est nécessaire de résumer les procédures ou de les accélérer pour coller au mieux au format du roman.
C.V. : Vos personnages sont très caractérisés et vous parvenez rapidement à susciter l’empathie du lecteur. Mettez-vous un point d’honneur à créer des protagonistes denses et charismatiques ?
P.E. : C’est précisément mon but. Je pense que les lecteurs ne s’intéressent à l’intrigue et à l’enquête que parce qu’ils sont attachés aux personnages. Ce sont eux qui les raccrochent à leur lecture. C’est donc la partie la plus importante du rôle de l’écrivain : créer de bons protagonistes, que les lecteurs auront envie de retrouver, qu’on les haïsse ou qu’on y soit attaché. Je travaille énormément mes personnages. Par exemple, Börje et Eva, ou encore Vanessa, sont inspirés de personnes que j’ai réellement rencontrées au cours de ma carrière de journaliste. J’essaye de créer des personnages à l’image d’hommes et de femmes réels avec qui j’ai interagi.
C.V. L’un de vos personnages principaux , Jasmina, est journaliste. C’est un métier que vous connaissez bien car vous l’avez vous-même exercé. Cela vous tenait-il à cœur d’en parler dans votre roman ?
P.E. : Je l’ai écrit il y a 5 ans, donc j’essaye de me rappeler… J’aime écrire sur le monde du journalisme car il m’est très familier. Je le connais si bien que je n’ai pas à faire de recherches sur le sujet. Pour créer des personnages auxquels le lecteur puisse croire, l’auteur doit savoir de quoi il parle. J’aime écrire des personnages qui appartiennent à cet univers des médias car je m’y sens comme à la maison, et je peux les dépeindre tels qu’ils sont réellement. Il y a énormément de journalistes formidables et je souhaitais leur rendre hommage.
C.V. : Vous construisez une intrigue complexe, avec une multitude de personnages et vous ne facilitez jamais la tâche à votre lecteur. Mais en même temps, il y a une réelle fluidité dans votre plume et la lecture devient très vite extrêmement addictive. Comment faites-vous pour allier exigence et plaisir de lecture ?
P.E. : Oh, merci beaucoup ! Je pense avoir lu de nombreux livres, de bons livres, qui m’ont appris beaucoup de choses. J’ai travaillé dans la presse populaire (tabloid newspaper) pendant sept ans, donc j’ai appris à écrire pour un public très varié. Je ne veux pas être pédant ou difficile à lire. Lire est la plus belle chose que je connaisse et je veux que d’autres personnes puissent découvrir ce plaisir. Je ne veux repousser personne, donc j’essaye de maintenir une certaine simplicité d’écriture, sans pour autant écrire des choses simplistes. J’utilise également mes anciennes méthodes de journaliste pour réussir à construire des intrigues riches et équilibrées.
Propos recueillis par Lucia Piciullina le 3 avril 2024 à Paris. Les questions et réponses ont été traduites de l’anglais par Lucia Piciullina.
Un grand merci à Pascal Engman et à Nadège Fleury des éditions Nouveau Monde pour cet entretien.