Le 14 février dernier sortait le premier tome du manga Fauve : L’Exorciste du Louvre de Paula Andrade aux Éditions Vega Dupuis, réalisé en partenariat avec le Louvre et Louvre Lens. Un manga qui rend hommage à la force d’évocation de l’art de manière onirique et dont l’action se déroule dans le plus célèbre des musées français.
Il s’agit du second manga de la mangaka argentine, après Corvax Stigmata en 2017. A cette occasion, elle est partie en tournée promotionnelle en France à la rencontre de ses lecteurs. Entre son passage au Festival d’Angoulême et à la Japan Expo à Marseille, Culturellement Vôtre a profité d’une séance de dédicace de l’auteure à la librairie Momie Mangas à Lyon pour aller à sa rencontre et en apprendre plus sur son travail.
Un concept original
Au moment de notre arrivée, elle est en grande conversation avec deux jeunes femmes qui lui parlent avec enthousiasme et effusion. L’une d’elles lui a amené un dessin de son héroïne, Fauve, ce qui semble la surprendre autant que l’émouvoir. Quand on lui en parle, elle explique qu’elle n’a pas l’habitude de ce genre de choses. Le rythme promotionnel qu’elle suit en France est intense, mais lui permet de rencontrer enfin ses lecteurs français alors qu’elle travaille déjà depuis quelques mois sur le second tome de Fauve.
Une fois la séance de dédicace terminée, nous nous dirigeons vers un restaurant du quartier en compagnie du libraire et engageons la conversation autour de la création du manga. Bien que Fauve ait été réalisé en collaboration avec le Louvre, il apparaît que Paula Andrade avait déjà le concept de la série en tête avant même d’être approchée par l’éditeur, Vega Dupuis, qui est venu la voir en Argentine. Si l’histoire qu’elle avait alors en tête ne se passait pas dans le célèbre musée, à partir du moment où l’éditeur lui a expliqué qu’ils cherchaient un projet à réaliser avec celui-ci, elle a tout de suite vu comment l’adapter et leur a présenté son idée, qui a été accueillie avec enthousiasme.
Une collaboration inspirante avec le musée français
Nous parlons alors longuement de la collaboration avec le Louvre. Elle explique que le musée l’a laissée libre et a accédé à nombre de ses demandes pour l’aider dans son travail, notamment en lui donnant accès à de nombreux documents. L’une des contraintes était d’intégrer tableaux et sculptures présents au Louvre afin de mettre en avant ses collections, ce qui s’est avéré être bien entendu source d’inspiration pour l’auteure, qui s’est beaucoup basée sur ces œuvres pour les différentes trames narratives du premier volet. Elle a également intégré des références à Louvre Lens afin de coller aux actualités de ce second musée présent dans le Nord. Un autre bénéfice de cette collaboration a été l’accès au Louvre en dehors des heures d’ouverture au public pour des sessions de travail et recherche.
« La première fois que j’ai vu le Louvre vide, j’ai failli pleurer » , confie-t-elle, des étoiles encore plein les yeux. Bien sûr, s’empresse-t-elle de rajouter, comme dans le manga (dont l’histoire se déroule également la nuit en dehors des heures d’ouverture), le musée n’est jamais vraiment vide et une équipe est toujours présente sur place. D’ailleurs, si, au niveau de la représentation des lieux, la plupart des dessins sont justes, celle du bureau de sécurité du musée est purement imaginaire pour des raisons évidentes.
La BD en Argentine
Enfin, quand on l’interroge sur son parcours, elle évoque longuement la situation des auteurs de BD en Argentine. Elle insiste sur le fait que, bien qu’il y ait une forme de sacralisation de certaines références de bande dessinée et romans graphiques argentins, il est difficile de vendre là-bas en dehors des formats sériels mainstream (comics et mangas) et encore plus de s’imposer en tant qu’auteur et de vivre de cette activité car les albums coûtent trop cher pour une grande partie de la population.
Ainsi, beaucoup d’auteurs travaillent en lien avec l’étranger, et notamment sur des comics Marvel. En ce qui concerne ceux qui créent principalement des romans graphiques et BD d’auteur, travailler avec des éditeurs étrangers est quasiment incontournable. Dans tous les cas, nombreux sont ceux qui doivent cumuler leur activité avec un autre travail pour s’en sortir financièrement puisque, de plus, créer une œuvre prend du temps.
L’amour de l’art
Elle semble en tout cas ravie de son expérience avec la France et de travailler sur un matériau aussi riche que les collections du Louvre. Quand on lui dit que le manga est un bel hommage à la force d’évocation des œuvres d’art, mais aussi aux équipes des musées qui permettent d’en donner une image moins intimidante, elle le prend pour un compliment avant d’expliquer qu’elle a toujours eu ce rapport très instinctif et émotionnel à l’art car sa mère est passionnée de peinture et l’a sensibilisée à l’art (y compris classique) depuis son plus jeune âge.
Au moment de clore cet entretien, on l’interroge sur la suite de Fauve : L’Exorciste du Louvre et elle nous confie que la série devrait compter 3 tomes, même si, explique-t-elle, il est possible qu’il y en ait davantage en cas de succès. Elle a déjà la fin du troisième tome en tête, ainsi que la manière de laisser les choses suffisamment ouvertes pour que l’histoire puisse être prolongée au besoin. Vu la qualité du premier tome (qui fait partie de nos coups de cœur Livres & BD du 1er trimestre 2025), on ne peut que se réjouir de découvrir les nouvelles aventures de cette héroïne pas comme les autres qui parle aux œuvres d’art.
Merci à Emmanuelle Verniquet de GamesofCom et à la librairie Momie Mangas de Lyon pour cette jolie rencontre et à Paula Andrade pour la générosité de ces échanges.