Un grand caca implique de grandes responsabilités
Voilà, c’est exactement pour ça qu’on a créé Culturellement Vôtre. Pour pouvoir notamment parler d’une bande dessinée intitulée Super Caca T1 : Rentrée des classes. On voit déjà venir les quolibets sur Twitter et Facebook, « gnagnagna mais le caca ce n’est pas de la culture ». Bon, OK, ce n’est pas exactement le genre de sujet que l’on sortira dans les dîners en ville, histoire de briller devant belle-maman (encore que, pourquoi ne pas invoquer le « cercle de la merde » de Salo par Pasolini ?). Mais même cette dernière le sait : c’est souvent dans les toilettes qu’on fait les meilleures rencontres. Hein, on a vraiment écrit ça ?
Bon, bref. Super Caca T1 : Rentrée des classes, ce n’est pas juste l’un des titres les plus classes de tous les temps, c’est aussi une histoire. On y fait la rencontre de Luca, qui ambitionne de se faire une place au sein de la prestigieuse Imagischool. Pour y rentrer, il faut faire preuve d’une imagination sans faille, et même aller jusqu’à matérialiser son rêve le plus profond sous la forme d’une créature. Alors que Luca est en bien mauvaise posture, en passe d’être recalé pour la seconde année consécutive, il force le destin et provoque la chance. Son familier, son rêve vivant, prendra alors la forme d’un caca. Mais pas n’importe laquelle des crottes : Super Caca, le héro qui sent la fraise, et dont les pouvoirs vont s’avérer beaucoup plus utiles que ce qu’il n’y paraît…
Classé « geek » depuis des années grâce (ou à cause) de son travail de fond notamment sur la chaîne Nolife (ah, la série Nerdz), Davy Mourier est en fait un aventurier bien plus complet que certaines mauvaises langues ont pu l’écrire. Et cette fois-ci, le sieur est à la barre d’un projet qui, tout en lui faisant prendre un cap plus généraliste, continue de donner à l’auteur l’occasion d’exprimer ses thèmes de prédilection. Super Caca T1 : Rentrée des classes est tout autant l’occasion pour Davy Mourier de s’éclater dans un univers ultra référentiel (on y décèle Pokémon, Dragon Ball, Harry Potter), que de ne pas oublier de parler de ces êtres au potentiel caché.
Une BD drôle et pleine d’énergie
Car c’est de cela dont il s’agit, dans Super Caca T1 : Rentrée des classes. De la lutte d’un enfant que beaucoup jugent trop vite, mais au potentiel de persévérance immense. Luca est beaucoup plus petit que les autres, visiblement moins réfléchi, et son rêve est une petite crotte (mais qui sent la fraise bon sang, la fraise !). Autour de lui, les autres élèves paraissent bien mieux lotis, notamment Léa et son tricéractyle, une jeune fille qui, on le sent venir, sera l’objectif amoureux du tout jeune héros. Ce premier tome se concentre, comme le souligne très bien le sous-titre, sur les premiers pas d’un groupe d’enfants dans cette Imagischool que les petits lecteurs ne pourront que fantasmer. Du coup, la tonalité est pleine d’entrain, le rythme va de l’avant de suite, peut-être au risque de créer un premier contact un peu abrupte.
Ce qui ne veut pas dire que Super Caca T1 : Rentrée des classes est dénué de background. On sent un potentiel qui ne demande qu’à se déployer, que ce soit autour de la personnalité de Luca ou du pouvoir caché de la super crotte. En recherche d’un père de substitution, mais aussi beaucoup trop motivé pour que cela ne cache pas quelque chose, le jeune héro emporte l’adhésion du lectorat. D’autant que, pour compléter ce joli tableau, les dessins de Stan Islas donnent vie à un univers que l’on ne peut que souhaiter voir se développer par la suite. C’est blindé de couleurs affriolantes (beau travail de Valérie Sierro), expressif juste ce qu’il faut, on apprécie.
Super Caca T1 : Rentrée des classes est un premier tome bourré de bonnes idées, de dialogues absurdes, et de vanne qui ne tombent jamais dans la scatophilie crasse. Dès lors, le jeune public peut s’y retrouver avec un certain plaisir, en ayant droit à un récit initiatique qui rappellera bien des licences aux vieux de la vieille. Pour terminer, notons que l’édition de Delcourt Jeunesse met les petits plats dans les grands en proposant une sélection de cartes à découper. Et surtout, une couverture cartonnée… qui sent réellement la fraise ! Espérons que le succès de cette série drôle et pleine de panache puisse trouver son public, car le potentiel est indéniable.
Super Caca T1 : Rentrée des classes, une bande dessinée scénarisée par Davy Mourier, dessinée par Stan Islas et Valérie Sierro. Aux éditions Delcourt Jeunesse, 48 pages, 10.95 euros. Sortie le 28 septembre 2016.