Une fable d’anticipation autour de la paternité
Première sortie de l’année des Éditions Super 8, Il y a un robot dans le jardin permet de commencer ce premier trimestre 2017 en douceur, loin des publications généralement plus sombres de la maison, comme les excellents Captifs et Fight Club 2 dont nous vous parlions l’an dernier. Il s’agit également du tout premier roman de son auteure, Deborah Install, qui a remporté un vif succès avec cette jolie fable lors de sa parution en anglais, il y a deux ans.
Roman d’anticipation situé dans un monde finalement assez proche du nôtre, si ce n’est que la technologie a évolué à tel point que tout un chacun possède un androïde pour l’aider dans ses tâches quotidiennes, Il y a un robot dans le jardin est une histoire d’amitié, mais aussi une histoire de couple et une fable initiatique, où un homme fera face à ses peurs (d’échouer, de ne pas faire un bon père) grâce à un drôle de petit robot bien plus humain que les machines ultra-perfectionnées qui l’entourent.
Le héros, Ben, traverse ainsi une crise de couple avec sa femme, doublée d’une crise existentielle, lorsqu’il découvre un matin un petit robot dans leur jardin, qui ne parle presque pas et ne fait pas grand chose, si ce n’est regarder les chevaux dans le champ voisin. Un vieux modèle à l’allure basique, et qui semble un peu endommagé, un peu cassé… A tel point qu’Amy, l’épouse de Ben, aimerait bien l’emmener à la déchetterie, puisqu’elle ne lui voit aucune utilité. Ben, sans travail et sans ambition personnelle, toujours paralysé par la mort de ses parents 6 ans plus tard, refuse ; sa femme le quitte. Ces deux « chiens de la casse » vont alors partir pour un long périple, à la recherche du créateur de Tang, le seul qui puisse le réparer avant que le cylindre lui servant de coeur ne se vide complètement.
Une oeuvre au charme naïf
Comme on peut le deviner à la lecture de ce pitch de départ, Deborah Install joue du parallèle entre la situation de Tang le petit robot et celle de Ben. Sans cesse critiqué par une épouse autoritaire et frustrée, Ben n’est-il pas cette petite chose vieille et usée, sans compétences particulières ni utilité, que son épouse rêve de jeter aux ordures pour un nouveau modèle, plus performant ? Cette métaphore, perceptible sans jamais être trop appuyée, est pour beaucoup dans l’empathie que nous ressentons pour ce personnage sympathique mais un peu maladroit, un peu passif, pas vraiment héroïque. Un Monsieur Tout le Monde, avec ses fragilités et une part d’immaturité, qui grandira cependant au contact de cet ami pas comme les autres, dont le comportement ne cesse d’évoluer, de s’humaniser, pour ressembler clairement à celui d’un enfant.
A partir de ce moment-là, l’auteure développe vraiment la relation de Ben et Tang comme celle d’un père et son jeune enfant, même si ce dernier n’est pas vraiment « comme les autres ». Ce qui lui permet de s’interroger sur la paternité, le désir d’enfant, les responsabilités qui en découlent, et ce que cela soulève comme doutes et incertitudes. Le tout avec une fantaisie caractéristique, et une dimension naïve qui font tout le charme de cette oeuvre qui se lit d’une traite. Si Deborah Install ne cherche pas à décrire le monde dans lequel évoluent les personnages avec la même complexité que certains auteurs de science-fiction, elle s’amuse néanmoins à décrire les relations hommes-machines avec beaucoup d’humour, mais aussi une certaine sensibilité. Elle imagine par exemple un rejet de l’homme moderne pour les robots, dépassés, ainsi qu’une rivalité entre robots et androïdes, à l’origine de quelques passages très drôles. Ce qui est aussi l’occasion pour elle de critiquer, sans grande leçon de morale, l’obsession de notre société pour le progrès, et les dérives qui peuvent en découler.
Un petit robot aussi drôle et attachant que Wall-E
Surtout, le lecteur sera conquis par Tang, que l’on visualise très bien à travers les mots de Deborah Install. Elle l’a en effet imaginé comme une sorte de petit Wall-E parlant, avec un langage corporel très expressif, qu’elle détaille fort bien et qui rend le personnage craquant. Son évolution au fil des pages, les émotions qu’il ressent même s’il a parfois du mal à saisir les nuances des sentiments humains, son intelligence et sa ruse aussi, qui peuvent le rendre un brin manipulateur (comme tous les jeunes enfants), font de lui un petit robot fort attachant, dont on suit les aventures avec un plaisir évident, tout en s’identifiant aux craintes de Ben, qui fait tout pour prendre soin de lui et le protéger du mieux qu’il peut. On pardonne alors aisément à l’auteure ses personnages secondaires parfois un peu caricaturaux (ainsi qu’un méchant pas nécessairement très crédible), d’autant plus que celui d’Amy, fort irritant au départ, finit par abandonner son comportement de femme autoritaire et matérialiste assez cliché pour évoluer de manière intéressante.
Il y a un robot dans le jardin est donc un joli roman à lire en ce premier trimestre 2017, un livre feel-good comme on dit de manière parfois un peu condescendante, mais que l’on emploie ici dans le bon sens du terme. Car si Deborah Install donne à sa fable des allures de conte naïf, elle ne tombe jamais dans la guimauve et fait preuve d’une certaine pertinence dans sa manière d’aborder la paternité ou le désir d’enfant, tout en conservant d’un bout à l’autre la dimension ludique et quasi-merveilleuse de son histoire. Voilà un petit robot qui saura toucher l’âme d’enfant enfouie en chacun de nous.
Il y a un robot dans le jardin de Deborah Install, Éditions Super 8, sortie le 12 janvier 2017, 352 pages. 18€.