Caractéristiques
- Auteur : Clotilde Bruneau, Giovanni Lorusso, Luc Ferry
- Editeur : Glénat
- Collection : La sagesse des mythes
- Date de sortie en librairies : 8 mars 2017
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 56
- Prix : 14,50€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
Un héros paradoxal, pour une BD appliquée
Après un article dédié à Persée et la Gorgone Méduse, nous poursuivons la découverte de la collection La sagesse des mythes, dont la parution est assurée par les éditions Glénat (Espace Vital Tome 2, L’homme invisible Tome 1). Chapeautée par un Luc Ferry très impliqué, qui signe une analyse pour chaque album, cette anthologie, qui regroupe des écrits carrément anthologiques, a bien des forces à faire valoir. Parmi les nombreux héros de la Grèce antique, Héraclès (et pas Hercule, son équivalent romain) est certainement le plus populaire. Son cheminement, aussi merveilleux que douloureux, comprend bien des passages qui marquent toujours l’inconscient collectif. Héraclès Tome 1 : la jeunesse du héros témoigne de tout cela.
Héraclès Tome 1 débute sur le Mont Olympe. S’il veut pouvoir garantir la paix entre les hommes, Zeus doit envoyer un représentant sur Terre. Mais qui pourrait être à la hauteur ? Sur les bons conseils d’Hermès, le roi des dieux décide d’engendrer un fils avec une mortelle : un demi-dieu, voilà le candidat idéal pour s’acquitter de cette tâche ! L’heureuse élue sera Alcmène, reine de Thèbes et descendante de Persée. Zeus profitera de l’absence de son mari parti à la guerre pour s’unir à elle. Leur fils, Héraclès, deviendra le guerrier ultime, à même d’accomplir les plus grands exploits. Il aura la force et le courage d’un lion. Mais Zeus ignore que l’ombre de la jalousie d’Héra, son épouse, plane sur le destin de ce fils providentiel…
Comme son sous-titre l’indique sans ombrage, Héraclès Tome 1 s’occupe de traiter la construction du héros si reconnu. Conçue sous forme de trilogie, cette série prend le temps d’aborder les premiers pas du fils d’Alcmène et de Zeus, et c’est une bonne chose tant les premiers pas de ce demi-dieu sont important. On se rend compte de l’importance, chez les grecques, de la notion de « héros », non pas en tant que personne à vénérer, mais en tant que protecteur de la civilisation. Dès son plus jeune âge, il force le miracle. Encore dans le ventre de sa mère, sa seule existence permet à cette dernière de survivre, alors que son mari, le roi Amphitryon, n’était visiblement pas très heureux d’avoir été fait cocu par Zeus lui-même. Bébé, il tète Héra, ce qui lui accorde la vie éternelle.
Un bel éclairage sur un mythe qui gagne à être mieux connu
Cette première mini-aventure sera suivie d’une myriade d’autres, mais l’auteure, Clotilde Bruneau (Charlemagne), prend le temps d’aborder certaines cordes sensibles. Ainsi, l’enfance d’Héraclès n’est pas si rose, il doit apprendre notamment à canaliser sa force et sa colère, sous peine de créer le malheur autour de lui. C’est ici que la notion de héros se fait si profonde, car chez les grecques elle ne signifie pas la bonté à tous prix. Le demi-dieu l’apprendra d’ailleurs à ses dépends bien vite, dans quelques passages assez violents de cet Héraclès Tome 1, où la mort guette autour de lui. Bien entendu, il gagnera tout de même le respect de la population, en commençant par les habitants de Thébès, qu’il délivrera d’un lion furieux, suite à cinquante jours de chasse intensive. Chaque nuit, Thespios, souverain du coin, lui envoie l’une de ses cinquante filles dans sa chambre, si ressemblantes que le héros n’y voit que du feu. Chacune tombera enceinte, un exploit certes marginal dans la légende d’Héraclès mais qui a le don d’impressionner, encore et toujours.
Héraclès Tome 1 émerveille, et cette volonté de ne pas se débarrasser d’instants importants pour bien comprendre l’écho de cette histoire nous a convaincu. Il se trouve tout de même quelques passages parfois légèrement abruptes, en terme de temporalité. Quelques ellipses sont si brutales qu’elles nous sortent momentanément du récit. Un effort de concentration est nécessaire, donc, et c’est à ce prix que l’on savoure ce premier tome. Quant aux dessins, signés Annabel (Magus), ils s’autorisent quelques étonnantes poussées de violence (ah, les effets d’une lyre sur un crâne…), et même de sexe. On apprécie aussi le rendu des corps en mouvement, mais aussi la justesse des émotions. Une belle découverte que celle de cette artiste. Notons aussi une couverture bien classe, travail de Fred Vignaux (Time Twins, Le pendule de Foucault). Les dernières huit dernières pages sont consacrées à l’analyse de Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation Nationale, qui revient plus particulièrement sur la dualité au sein même du personnage d’Héraclès. À la fois chaos et ordre, on tient là l’une des figures les plus complexes imaginées.