Caractéristiques
- Auteur : John Arcudi, James Harren et Dave Stewart
- Editeur : Glénat
- Date de sortie en librairies : 13 avril 2016
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 160
- Prix : 15,95€
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- Note : 8/10 par 1 critique
Rathraq le barbare
Des histoires comme celle de la naissance de Rumble, on en voudrait plus souvent tant elles nous rappellent qu’il existe encore de la place pour les projets personnels d’artistes venus de projet d’envergure mais qui ne laissent pas vraiment de place pour la création. Trois talents talents, John Arcudi, James Harren et Dave Stewart qui ont tous trois fait leurs armes chez le génial Mike Mignola (Aliens Absolution) et son BPRD, décident de se lancer dans un trip plus personnel. Annoncé comme un cocktail, un melting-pot de genres et de styles, le premier tome nous arrive aujourd’hui grâce à Glénat. Attendu par les amateurs pointus, ce premier tome de Rumble est-il à la hauteur, et lance-t-il une véritable série ?
L’univers de Rumble, comme nous le verrons, est d’une telle richesse qu’il est compliqué, voire vain, de résumer l’histoire en ne rentrant pas trop dans les détails. Disons que ce comics nous fait croiser la route d’un étrange épouvantail, qui très vite va s’avérer avoir un background bien fourni. Nommé Rathraq, cette entité plurimillénaire débarque dans un bar limite taudis, alors que le jeune serveur Bobby vient de renvoyer un habitué, Cogan, chez lui. C’est à ce moment précis que l’épouvantail débarque et massacre le client, lui arrache un bras à l’aide d’une longue et tranchante épée. A cet instant précis, la vie de Bobby bascule. Il va devoir se faire une raison : de sombres divinités règnent dans l’ombre, et Rathraq est là pour leur botter le cul…
Ce premier tome de Rumble est un exemple de nouvelle licence parfaitement introduite non seulement aux dévoreurs de comics mais aussi à tous les amateurs de pop culture. Si l’ouverture navigue entre gros mystères, avec une première planche très énigmatique, et situations abruptes, il faut s’accrocher au wagon pour découvrir ce qui est l’une des histoires au potentiel le plus indéniable de cette première moitié de 2016. Ça charcle, ça tabasse, les mirettes en prennent pour leur argent et l’on remarque déjà une grande force dans des répliques bien pesées. Mais rien ne nous préparer à la mise en place véritable du récit de ce Rumble Tome 1.
Tout d’abord, il est nécessaire d’aborder un peu plus précisément la patte de John Arcudi, le scénariste de ce premier tome de Rumble. Pour le moins très actif, on retrouve cet auteur aussi bien sur des adaptations sur papier de films de genre (Alien, Terminator, Robocop) que sur une série comme The Mask (oui, ce qui donnera le film avec Jim Carrey). Mais c’est sans doute avec B.R.P.D qu’il réussi son plus beau coup parmi pléthore de travaux à (re)découvrir, sous les yeux d’un Mike Mignola conquis. Et l’on comprend pourquoi le créateur de Hellboy tient celui de Rumble en haute estime, tant ce scénario mène une opération de conquête du lectorat, ne lui laissant pas d’autre solution que d’être transporté dans un récit héroïco-horrifico-rigolo.
Un récit fluide, des cases à couper le souffle
On voit l’expression « page turner » fleurir un peu partout, parfois un peu facilement, mais si une œuvre a bien mérité ce titre de gloire c’est ce premier tome de Rumble. On est en plein plaisir jamais coupable, le récit est tellement fluide, se découvre avec une telle intelligence de traitement, que l’on va bien l’avouer ici même : on en est tombé amoureux. L’univers, d’une richesse que l’on sent pourtant balbutiante, va autant vers l’héroïc-fantasy à la Conan le Barbare que dans l’horreur plus moderne, plus « à la Preacher« , le tout avec un ton légèrement comique très maîtrisé. Là est l’une des réussite de John Arcudi : il ne porte jamais atteinte à son histoire malgré le travail d’équilibriste que demande une narration non-linéaire, et son sens de l’humour ne vient jamais à contretemps de Rumble Tome 1. On découvre non sans grand plaisir un bestiaire pas tant original que contenu dans un ensemble qui en tire la force maximum. Comme ce démon de feu qui, bien évidemment, devient un danger mortel pour un épouvantail… Idem pour le passé de Rathraq, qui justifie quelques incartades dans un monde plein de personnalité, que l’on ne demande qu’a approfondir par la suite, au sein de la série Rumble, ou dans des travaux parallèles. On n’en dévoilera rien pour ne pas spoiler, disons simplement que l’imagerie est sidérante, prouve que John Arcudi a très bien digéré toutes ses références.
Les personnages de Rumble Tome 1 profitent évidemment de ce constat sur l’univers, s’en retrouvent naturellement bonifiés. Rathraq est évidemment celui qui attire l’attention de cases qui, nous le verrons, nous en mettent plein la vue. Mais ce focus naturel l’est moins au fur et à mesure de la trame, tant Bobby prend de plus en plus d’importance, et devient contre toute attente celui qui sert de repère au lecteur. Looser un peu minable, le jeune barman n’est cependant pas le cliché sur pattes du post-ado qui se plaint à tout bout de champs. Il est l’archétype de celui qui voudrait, au contraire, rester un perdant, quelqu’un de « normal », et refuse un temps l’appel de l’aventure au profit d’un fantasme amoureux pour une jeune femme qui, malheureusement, ne démontre rien en sa direction. Un schéma pas spécialement original, cependant John Arcudi utilise cette figure classique pour mieux la retourner, la faire évoluer notamment dans un final captivant. Les personnages secondaires font tous l’objet d’un développement soigné, avec des traits de caractères assez différenciés pour que le lecteur puisse bien se les approprier. Ce Rumble Tome 1 est décidément une belle réussite côté écriture.
Et côté dessin c’est au moins à l’avenant. Rumble Tome 1 est rempli d’une énergie palpable, le travail de James Harren étant en tous points grandiose. Le design des personnages est tout particulièrement à souligner, tant certains transpirent la classe à des kilomètres. Rathraq devient instantanément une figure mémorable, avec son épée aussi massive que sa sombre silhouette. Le bestiaire fait aussi l’objet d’un soin tout particulier : il transcende son apparence pour atteindre une aura mystérieuse. Aussi repoussants qu’intelligents, ces monstres surpuissants, mais qui ont pour code d’honneur de ne pas attaquer les humains pour ne pas attirer l’attention, sont faits d’une chaire molle, putride, qui donne aussi à Rumble Tome 1 un aspect horrifique fort. Mais là où James Harren se surpasse encore plus, c’est sur les différents combats qui émaillent le récit. A base de cadres dynamiques, et d’onomatopées très tranchantes, ces joutes apportent là encore une dose de vitalité et nous poussent à réellement suivre ces séquences, et nous les subir comme c’est parfois le cas. L’ensemble est un vrai régal d’ambiance sombre, bien aidé par le coloriste Dave Stewart, encore un artiste doué à la signature de ce Rumble Tome 1… et lui aussi passé par B.R.P.D.
Au final, Rumble Tome 1 est sans aucun doute l’un des meilleurs comics que l’on ait lu en cette année 2016. C’est inventif, rythmé, le scénario se découvre, ne se dévoile pas trop vite, et bon sang que c’est beau ! On a hâte de découvrir la suite de cette licence qui, écrivons-le tout net, a tout d’une grande.
Mise à jour : retrouvez la critique d’un autre comics scénarisé par John Arcudi, Dead Inside.