[Critique] Sonar – Sylvain Runberg et Chee Yang Ong

image sonarTerreur bis en haute mer

Alors que l’offre comics, bande dessinée et manga a tendance à calculer ses risques, il faut tout de même souligner l’effort de certains éditeurs qui n’hésitent pas à lancer des collections dédiées à des œuvres bien spécifiques. Glénat est clairement de ceux-ci, avec l’offre Flesh & Bones qui nous livre des albums tout en noir et blanc et très marqués “de genre”, dans un ton bis assumé. Cette fois-ci, la salve comporte notamment Sonar, qu’il nous tardait de découvrir.

Sonar nous emmène au large de la Sicile, alors que la plongeuse Alice rejoint une équipe d’aventuriers des mers, rassemblée dans l’entreprise Prodive, alors en pleine recherche d’une épave historique : l’Isabella. Mais leurs plans sont revus et corrigés quand ils se rendent compte qu’ils ont découvert un tout autre poisson, beaucoup plus intéressant financièrement parlant. En effet, c’est plus ou moins dans ces eaux que le Sun Horse, un yacht de luxe dont la submersion présumée accidentelle remonte aux années 1960, est sensé avoir disparu dramatiquement. Évidemment, l’intérêt de Prodive n’est pas basé sur du vent : la superbe embarcation contenait une inestimable collection d’art, de quoi mettre l’entreprise à l’abri du besoin. Seulement, le yacht n’a pas coulé par l’opération du saint-esprit, et bien vite des événements étranges se produisent : maux de têtes chez certaines personnes, et des poussées d’agressivité. Sans oublier ces étranges silhouettes aperçues dans les bas fonds…

On s’attendait à une bande dessinée légère, pulp, mais tout de même conscientes des codes du genre horrifique dans lequel elle s’inscrit. Ça tombe bien, Sonar est tout cela à la fois. On revisite une certaine créature maritime mythique, sous la plume d’un amateur qui ne peut cacher son amour de la culture “de genre” tant on discerne, ici ou là, des poussées scénaristiques que l’on aurait pu imaginer parfaitement dans un bon film bis. Sylvain Runberg, l’auteur, s’est fait un joli nom avec des albums science-fiction de grande qualité (citons sa série Orbital), et prouve ici que sa maîtrise du rythme n’a pas de frontières liées à un genre. Car c’est sans doute la grande réussite de Sonar : l’œuvre se dévore à une vitesse assez phénoménale, non pas que le récit soit court (128 pages, un total satisfaisant) mais Runberg sait placer ses moments forts de sorte à ce que le lecteur soit constamment intéressé, mis sous pression, et ce même lors des passages lus posés.

Une BD horrifique qui assume son ton léger

Sonar est clairement une bande dessinée de détente, qui éveille autant d’amusement chez le lecteur qu’il a dû en provoquer chez l’auteur. Évidemment, il ne faut pas attendre des personnages ultra-fouillés, la plupart ne sont là que pour servir au jeu de massacre qui menace tout du long, seulement ce serait hors de propos que de le regretter. Par contre, on attendait beaucoup plus l’ouvrage sur sa faculté à créer une situation intéressante, car placer son intrigue en haute mer est toujours payant quand les idées sont là pour bien l’exploiter. Sonar cherche le ressenti lié au huis-clos : espace confiné, aucun moyen de s’empêcher. C’est efficace, et même si le ton de l’intrigue fait preuve de légèreté on ne peut s’empêcher de frissonner devant l’implacabilité de l’intrigue, qui se termine dans une volonté que l’on retrouve tout du long : celle du respect des codes. On en tire certes aucune véritable surprise mais le sérieux du traitement, paradoxal avec la tonalité du fond, est une réussite, apporte une saveur particulière que les amateur de séries B connaissent bien.

image glénat sonarSi cet album est aussi agréable à parcourir, c’est aussi grâce aux illustrations du malaisien Chee Yang Ong. Sonar est son premier travail qui atteint nos latitudes, mais l’artiste a travaillé sur Dawn of the Dead (oui, d’après le film de Romero), ou encore les adaptations en BD de Star Trek 2 : The Wrath of Khan et GI Joe : Cobra. Sa patte est surtout étonnante dans le rendu des expressions humaines, marquées sans être non plus exagérées. Le boulot sur les nuances, les dégradés de gris, est aussi très notable. Le tout s’inscrit dans un style réaliste, qui donne par ailleurs un effet assez savoureux tant il illustre un récit pour le moins fantastique. Sonar aura donc provoqué une belle découverte, celle d’un illustrateur talentueux qu’il nous tarde de revoir sur d’autres travaux.

Au final, Sonar est un ouvrage complètement inscrit dans la culture “de genre”, qui narre un récit classique mais captivant tout en gardant un ton léger avec des personnages sciemment caricaturaux. Ajoutons à cela que l’éditeur Glénat Comics a pris soin de livrer un album d’une qualité optimale, tant dans le choix de la couverture que dans la qualité du papier, et l’on pourra sans mal recommander Sonar aux amateurs d’oeuvres horrifiques.

Sonar, une bande dessinée scénarisée par Sylvain Runberg, illustrée par Chee Yang Ong. Aux éditions Glénat Comics, collection Flesh & Bones, 128 pages, 14.95 euros. Paru le 9 mars 2016.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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