Une suite surprenante, et séduisante, du classique de James Cameron
Alors que tout récemment la 20th Century Fox a annoncé la date de sortie d’Alien : Covenant (le 19 mai 2017, vivement !), il est de bon aloi de rappeler que cette licence a, depuis longtemps, dépassé le « simple » cadre du cinéma. Devenu un véritable phénomène transmédia, la licence créée par un groupement de très grands talents (Ridley Scott, Dan O’Bannon, Walter Hill, H.R. Giger, excusez du peu) trouve une continuation aussi bien dans les jeux vidéo que dans les comics, comme Alien : Absolution (déjà chez Wetta). Avec Aliens la série originale : 30ème anniversaire, on s’attend à ce que la licence connaisse un véritable élan la poussant vers un univers étendu, qu’elle développe certains aspects passés un peu sous silence dans les œuvres cinématographiques. Cette espérance est-elle comblée ?
Aliens la série originale : 30ème anniversaire se déroule après le deuxième film, Aliens le Retour, alors que les rescapés d’Acheron, Newt, Hicks et Ripley, ont vécu un retour sur Terre pour le moins difficile. Les années passent, le gouvernement et la multinationale Bionational repèrent une planète qui pourrait bien être celle qui a vu la naissance des xénomorphes. C’est alors que les hauts-gradés font appel à Hicks, revanchard comme personne, afin de repartir dans une mission dont le but reste obscur. Hanté par son passé, il parvient à retrouver Newt qui, terrorisée par des cauchemars depuis les évènements sur LV-4-26, était internée dans un établissement psychiatrique. Ensemble, ils s’embarquent dans une mission pour le moins périlleuse.
A la lecture de notre résumé, on pourrait croire qu’Aliens la série originale : 30ème anniversaire est une sorte de bis repetita d’Aliens le Retour. Grossière erreur. Car l’excellent auteur Mark Verheiden, que vous connaissez pour avoir été notamment producteur et scénariste de la série Battlestar Galactica, livre en fait un récit qui ne pourra que prendre par surprise celles et ceux qui pensent qu’il n’y a pas plusieurs façons de traiter le xénomorphe. Ainsi, le comics développe l’univers, on découvre une humanité terriblement corrompue par le besoin de s’armer toujours plus, mais aussi minée par les conflits d’intérêt. Aussi, Verheiden nous donne à découvrir des Hommes déséquilibrés, et en profite par exemple pour en placer une sur les extrémistes religieux (ou, plus précisément, sur les sectes) et, évidemment, le militarisme forcené.
Côté pur scénario, il faut être conscient qu’Aliens la série originale : 30ème anniversaire a été écrit avant la sortie d’Alien 3, ce qui explique quelques incohérences pour qui pense que la saga côté salles obscures forme un tout (ils vont déchanter très vite avec le futur film de Blomkamp, mais passons). Le récit s’intéresse à Newt et Hicks, Ripley est à peine évoquée au détour d’une case, ou d’une phrase. Un choix hyper courageux quand on connaît le rapport qu’ont les fans de la licence avec ce personnage. Originellement sorti en six petits tomes, le comics Aliens la série originale : 30ème anniversaire ne souffre pas trop de ce découpage et l’on suit l’histoire avec un certain rythme, après un début abrupt mais maîtrisé.
Une histoire qui sait prendre les fans à revers
Avec Aliens la série originale : 30ème anniversaire, il ne faut pas s’attendre à de l’action frénétique, mais plus à une sorte de focus sur les conséquences de la découverte des xénomorphes. Plus de la moitié du comics est ainsi consacrée à ce rapport étrangement onirique entre les humains et ces bestioles belligérantes, qui fait passer le fameux Alien au stade de menace véritablement cauchemardesque, au sens où elle s’invite et s’immisce dans l’inconscient de celles et ceux qui ont eu le malheur d’en croiser un. Puis, après avoir instauré une ambiance finalement des plus intimistes, Aliens la série originale : 30ème anniversaire va dans une direction qu’on attendait un peu plus… tout en ayant la bonne idée de surprendre encore ! En effet, et c’est là un véritable exploit, Mark Verheiden réussit à devancer Ridley Scott, et son Prometheus, de quelques dizaines d’années en abordant les origines du xénomorphe, mais aussi en répondant à certaines questions, notamment autour du « Space Jokey ». Mais chut, n’allons pas plus loin sous peine de spoiler l’une des très bonnes surprises d’Aliens la série originale : 30ème anniversaire.
Côté dessins d’Aliens la série originale : 30ème anniversaire, il est impossible de ne pas fondre en admiration devant le travail somptueux signé Mark A. Nelson. On adore cette petite patte rétro très convaincante, pas kitsch mais légèrement et délicieusement désuète. Gros travail sur les expressions faciales, sur le mouvement des corps, le tout sans abuser de postures iconiques qui n’auraient pas trop de sens dans ce comics. Impossible, aussi, de ne pas souligner que ces illustrations sont magnifiées par un travail éditorial excellent en tout point, signé par les éditions Wetta. Cette « édition Hardcore », en grand format, est un régal depuis sa prise en main par le lecteur jusqu’à la qualité du rendu des planches, lesquelles sont travaillées au duoshade et offrent un contraste idéal pour mettre en valeur ce noir et blanc subtil. Et, pour ne rien gâcher, signalons une galerie bonus très fournie, contenant notamment un petit récit bonus (Aliens : Chance) assez drôle et réussi par ailleurs, ou encore une postface écrite par Nelson en novembre 2015.
Aliens la série originale : 30ème anniversaire est donc un album à la fois surprenant et indispensable pour tous les fans du xénomorphe (des gens de bon goût, qu’on se le dise !). Même si le récit est placé en dehors de la continuité officielle, on trouve là bien des pistes qui seront reprises plus tard par Ridley Scott lui-même, dans son envie de développer son univers au potentiel gigantesque. Dès lors, on ne peut que conseiller Aliens la série originale : 30ème anniversaire aux mordus de science-fiction, du xénomorphe et de bel ouvrage d’y regarder de plus près : ils ne le regretteront pas.
Aliens la série originale : 30ème anniversaire, un comics écrit par Mark Verheiden, illustré par Mark A. Nelson. Aux éditions Wetta, 194 pages, 39.95 euros. Sortie le 27 octobre 2016.