Pour mieux appréhender des phénomènes observés d’aujourd’hui
Qui ne s’est jamais demandé : «pourquoi doit-on être dirigé par un chef, une tête pensante dont l’objectif est de nous mener à un but précis, et pas toujours dans notre intérêt ?» ? Large question, dont la réponse peut être trouvée dans nos fonctions les plus profondes. D’autres interrogations pointent le bout de leur nez, sans doute plus pertinentes afin de mieux comprendre ce phénomène humain : «d’où vient notre rapport à l’autorité ?», ou encore : «comment ce concept a perduré depuis au moins 5000 ans ?». Avec La fabrique des chefs, sous-titré d‘Akhenaton à Donald Trump et publié chez Vendémiaire (Pourquoi les Khmers rouges, Un syndicalisme impossible ?, La France ciblée), Christian-Georges Schwentzel tente de répondre, en mettant en avant les figures emblématiques qui ont façonné la notion de pouvoir.
La Fabrique des chefs : d’Akhenaton à Donald Trump débute non pas par une interrogation, mais par une affirmation : «Un chef, c’est fait pour cheffer». Ce bon mot, signé par Jacques Chirac, comporte bien plus qu’une saveur croustillante bienvenue. Elle donne à penser de bien des manières, faisant de la figure du dirigeant à échelle nationale, ou d’un empire, autre chose qu’un simple dirigeant : un leader parfois messianique, et ce malgré nos démocraties. Georges Schwentzel part de ce constat, puis remonte dans le temps. Loin, très loin, cinq mille ans avant Jésus Christ, plus précisément en Mésopotamie. Là où il est possible de penser que le premier système politique hiérarchisé a vu le jour, ici par le biais d’un Roi-prêtre, sorte d’échauffement avant la royauté divine.
Un essai pertinent et facile à lire
Dès lors, on se rend compte que toute civilisation a dû mettre en place une véritable mythologie, afin de justifier l’organisation pyramidale. La Fabrique des chefs : d’Akhenaton à Donald Trump fait preuve de plusieurs forces, mais la principale est sans doute celle-ci : l’auteur réussit, en invoquant différentes formes de gouvernances, à bien rendre compte de tous les rouages d’une mise en place d’un pouvoir tenu par «la tête». Autre atout de ce livre, Christian-Georges Schwentzel nous démontre à quel point notre présent rappelle le passé, parfois le plus lointain, en comparant avec pertinence certaines personnalités d’aujourd’hui avec celles d’hier (voire d’avant-hier). C’est efficace, très à-propos, et l’on peut aussi se rendre compte que si les chefs passent, les peuples restent… et plus particulièrement leurs recours. On pense notamment à ce besoin de grandeur, de protection de la part d’un Homme fort et providentiel (d’aucun dirait messianique, donc), envers et contre tout. Un réflexe qui provoque notamment la récente et surprenante (du moins en apparence) élection de Donald Trump.
La Fabrique des chefs : d’Akhenaton à Donald Trump est aussi passionnant qu’il est agréable à lire. Christian-Georges Schwentzel, Professeur d’histoire ancienne à l’Université de Lorraine, déploie un style efficace, qui évite cette impression austère que peuvent parfois laisser certains essais du genre. On lit ce livre à une vitesse assez remarquable, et on en sort avec une meilleure compréhension de ce qui fait notre monde. On prend comme témoin le dernier chapitre, qui se charge de tirer des conclusions à découvrir absolument. Un ouvrage pédagogique donc, pertinent, bourré de passages passionnants (ah, Sémiramis ou «la plus illustre de toutes les femmes»), qu’on recommande tout particulièrement notamment pour mieux capter certains phénomènes actuellement en cours chez les chefs… et chez les peuples.
La Fabrique des chefs : d’Akhenaton à Donald Trump, écrit par Christian-Georges Schwentzel. Aux éditions Vendémiaire, 280 pages, 22.50 euros. Sortie le 19 janvier 2017.