[Critique] Imajica – Clive Barker

Caractéristiques

  • Editeur : Bragelonne
  • Collection : L'Ombre de Bragelonne
  • Date de sortie en librairies : 18 janvier 2017
  • Format numérique disponible : Oui
  • Nombre de pages : 960
  • Prix : 30
  • Note : 7.5/10

Clive Barker décidément intraitable

Après Les Évangiles Écarlates, Secret Show, Galilée, Sacrements, Coldheart Canyon (ouf), nous continuons notre découverte de l’œuvre de Clive Barker. Car, si nous la connaissions surtout par le biais du cinéma, et notamment l’un des titres les plus reconnus du genre de l’horreur (Hellraiser), la carrière de cet auteur est sans aucun doute encore plus intéressante que l’on pouvait se l’imaginer. Brassant aussi bien la fantasy, très sombre évidemment, que l’épouvante la plus viscérale, Barker sait nous surprendre, mais aussi nous effrayer plus que de raison. Sorti chez Bragelonne (Les BracasLes pirates de l’Escroc-Griffe), Imajica est-il un roman capable de se placer parmi ses livres les plus réussis ? On ne va pas tergiverser : la réponse est positive, et voilà pourquoi.

Imajica débute avec Charlie Estabrook, qui a décidé de faire assassiner sa femme Judith. Dans les bas-fonds de Londres, il va rencontrer bien plus qu’un simple tueur à gages : un personnage au sexe indéfinissable et aux pouvoirs inouïs, membre de la race des Mystifs et capable de se métamorphoser selon les désirs de ses partenaires. En l’engageant, Charlie va déclencher un engrenage démentiel, et projeter Judith plus loin que la mort, vers un univers dont elle ne soupçonne pas même l’existence. Et ceci n’est que le début d’une fresque qui va multiplier les personnages et les situations…

Imajica est plus qu’un titre, c’est une vision du monde, que Clive Barker nous décrit avec toute la générosité qu’on lui connait. Dans cette éventualité qui nous accapare dès les premières lignes, notre bonne vieille planète Terre fait partie d’un grand tout. Son nom ? Imajica, bien sûr, et celui-ci est composé de différents univers, cinq pour être plus précis. Seulement, les humains ont été mis à l’écart de cette homogénéité, et tous les 200 ans notre espèce a le droit de revenir dans son giron. Mais rien n’est aisé, surtout que par le passé l’humanité a été punie pour ne pas avoir été à la hauteur de l’événement. On est donc en plein univers “barkeresque”, réglementé de sorte que l’horreur puisse surgir au sein d’un traitement qui ne suit pas forcément les codes de l’épouvante.

Un univers (très) dense, et des personnages charismatiques

Car Imajica n’est pas plus un récit de terreur, il ne l’est pas en fait, que de (très) dark fantasy. On suit plus particulièrement le cheminement de Doux, artiste un peu fou, voire complètement taré, qui fait appel à une entité afin de se débarrasser sa propre femme. C’est le top départ vers une véritable aventure onirique, vécue par les personnages au prix d’un étranglement suivi d’une incantation. Le lecteur vivra bien des péripéties, dont certaines sont particulièrement impressionnantes de par l’imagerie développée, passant de scènes en scènes avec une aisance assez sidérante. L’histoire, elle, n’est pas simple au premier abord, du fait d’une narration sciemment éclatée, visant à créer une architecture plutôt que de surfer sur une création bien établie.

C’est d’ailleurs ce qui pourra rebuter certains lecteurs : la lecture d’Imajica n’est pas chose aisée. Comprendre cet univers, et en retirer toutes les saveurs, cela se mérite. Notamment, il va falloir s’accrocher au début, car Clive Barker n’hésite pas à prendre plus que son temps à installer les personnages et leur psychologique profonde. Que les amateurs de scénettes sanguinolentes se rassurent, l’auteur rappelle assez souvent son immense talent dans la construction et le ressenti des différentes émotions souhaitées. Imajica est aussi l’occasion pour que l’écrivain place certains de ses thèmes de prédilection, ici le mal engendré par le patriarcat, tandis que le matriarcat serait un véritable changement salvateur. On n’est pas obligé de suivre à fond Barker sur ce point, ou en tout cas on peut s’éviter d’être aussi catégorique que lui (le problème ne vient pas du sexe d’un dominant, mais de la notion de domination elle-même, ’nuff said), cependant il faudrait une mauvaise foi terrible pour ne pas signaler que son style réussit à faire passer cette retenue. Autre thème cher à l’écrivain, l’homosexualité est au centre des rapports entre certains personnages, mais l’on n’en dévoilera pas plus.

Certes, Imajica est un livre verbeux. Très verbeux. Un bon gros pavé de 960 pages (en grand format) qui, il faut s’y préparer, n’hésite pas à changer de point de vue sans prendre le lecteur par la main afin. Aussi, il faut s’attendre à pas mal de digressions, qui pourront être ressenties par certains comme un peu forcées, même si elles sont finalement assez indispensables pour le souvenir que laisse Imajica. Un livre qui créé sa propre mythologie donc, ce qui n’est pas évident dans un genre qui semble assez enfermé dans ses codes (ce qui ne signifie que c’est un mal). On en sort repus, un peu sur les rotules, mais sidéré… comme d’habitude avec Clive Barker.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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