Caractéristiques
- Traducteur : Cécile Leclère
- Auteur : Brian McGreevy
- Editeur : Super 8
- Date de sortie en librairies : 24 août 2017
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 464
- Prix : 20€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
Un mélange des genres qui vous troublera
Si le titre Hemlock Grove ne nous est pas inconnu, c’est parce qu’il a remué les spectateurs de Netflix pendant trois ans, avec une adaptation en série, laquelle s’étirait sur trois saisons. Produit par Eli Roth (qui ferait mieux de se concentrer sur la qualité de ses films), et pas mal anxiogène paraît-il, le show fut longtemps bien plus en vue que le roman, et pourtant ce dernier s’accompagne d’une bonne réputation. Deux ans après la fin de la série, voilà que l’incontournable maison d’édition Super 8 (Captifs, Parmi les vivants) sort le bouquin, premier ouvrage écrit par Brian McGreevy.
Hemlock Grove, située en Pennsylvanie, n’est plus une petite ville paisible. Dans les bois, le corps mutilé d’une jeune fille vient d’être retrouvé. Une chasse à l’homme est lancée. Au sein de la communauté, cependant, une angoissante question se fait jour : ce meurtre est-il vraiment l’œuvre d’un homme ? Et si certains en savaient plus qu’ils ne voulaient bien le dire ? C’est sans doute le cas de Peter Rumancek, jeune gitan qui vient d’emménager en ville avec sa mère et qui a raconté aux élèves du lycée qu’il était un loup-garou. Ou de Roman Godfrey, héritier local, qui fait preuve auprès de ses camarades d’un complexe de supériorité pathologique, alors que sa petite sœur Shelley souffre d’une maladie monstrueuse. Les deux garçons, que tout oppose, vont se rapprocher à la suite de ce meurtre pour tenter d’en percer le mystère. Parallèlement, la famille de Roman s’efforce de cacher les étranges expériences scientifiques effectuées par le Dr Johann Pryce au sein de la société Godfrey…
Premier constat : Hemlock Grove instaure une ambiance qui, à elle seule, mérite qu’on découvre ce roman au plus vite. Si l’histoire vous apportera effectivement votre dose en attaques de bestioles étranges, c’est surtout l’analyse de ce petit coin paumé des États-Unis qui nous surprend. Sans excès de colère, mais avec tout de même l’envie d’en découdre, l’auteur s’attaque à une Amérique un peu trop construite autour du pouvoir, et plus particulièrement de l’argent. Rassurez-vous, on évite la sensation de se retrouver face à un discours de la France Insoumise, mais tout de même : la communauté est décrite comme mortifère, usant de réflexes assez ignobles (le racisme est présent, à certaines occasions). Aussi, les faux-semblants et secrets bien enfouis font penser à un lointain cousin de Twin Peaks, d’autant plus dans le traitement glauque de certains éléments.
Des qualités qui font oublier certains déséquilibres
Le style de Brian McGreevy est sûrement ce qui laisse le plus de souvenir. Hemlock Grove convainc un peu moins dans le roulement des genres. En effet, la « glauquitude » évoquée plus haut laisse, parfois, la place à des moments plus légers, notamment quand l’aspect scientifique est évoqué. Car s’il y a une bête dans les environs, elle n’est peut-être pas le fruit de la seule Mère Nature. On a droit à un aspect un peu docteur fou, qui provoque des émotions comiques (mais de manière plutôt noire), sans apporter grand chose au fond. On a du mal à alterner, et parfois à se remettre sur nos gardes quand la ville revient au centre de l’intrigue. Celle dernière, par ailleurs, distille des indices avec une belle notion du rythme. Sachez que l’auteur a choisi de nous accoler au point de vue du duo à l’œuvre, Roman et Peter, donc beaucoup d’éléments semblent nous échapper, tout au long du récit. C’est maîtrisé, même si parfois on perd un peu un fil qui, c’est à préciser, est paraît-il plus solide si l’on enchaîne avec la série (que nous n’avons pas vu, pour le moment).
Pour ce qui est du mystère monstrueux, Brian McGreevy est un peu plus hésitant. Les attaques, violentes, servent avant tout à développer notre rapport à la bizarrerie de l’endroit, et pas à instaurer une véritable menace. C’est un choix assumé, mais qui déséquilibre un peu notre rapport à la problématique, de par le léger désintérêt qui résulte sur cet élément pourtant assez primordial. On le sent moins à l’aise que dans la pure écriture des personnages, qu’ils forment le duo au premier plan, ou les protagonistes secondaires. Là, par contre, l’auteur laisse exploser sa vision du monde, et elle vous marquera un très long moment. On ne vous en dit pas beaucoup plus mais, par exemple, chaque apparition d’Olivia, la mère de Roman, vous laissera sur les rotules. Et c’est typiquement pour ce genre de moment que Hemlock Grove ne laissera personne indifférent. Soulignons, enfin, l’irréprochable traduction signée Cécile Leclère.