Caractéristiques
- Auteur : Cassandra O'Donnell
- Editeur : Flammarion Jeunesse
- Date de sortie en librairies : 14 mars 2018
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 352
- Prix : 15€
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- Note : 6/10 par 1 critique
De jeunes héros métamorphes au coeur d’une nouvelle saga
Ne vous fiez pas à ce nom aux consonances irlandaises : Cassandra O’Donnell est en réalité une auteure jeunesse française, à l’origine de deux sagas à succès ces dernières années, Malenfer (pour les 8-10 ans) et Rebecca Kean, une oeuvre bit-lit young adult. Des livres aux univers et lectorats tout ce qu’il y a de plus éloigné, si ce n’est qu’ils mettent en scène des jeunes gens aux prises avec des monstres et autres créatures fantastiques. Pour cette nouvelle série littéraire éditée chez Flammarion Jeunesse (Les yeux du dragon, Proxima du Centaure, Je suis ton soleil…) et intitulée La légende des quatre, l’écrivaine, qui réalise régulièrement des ateliers d’écriture dans les écoles, a choisi de considérablement adapter les yokai de la culture japonaise — elle en reprend surtout le nom, et le fait qu’il s’agit de créatures extraordinaires — pour en faire un peuple de métamorphes, mi-humains mi-animaux, divisé en quatre clans se partageant chacun une part de territoire, et cohabitant difficilement aux côtés des humains, qui leur vouent une crainte certaine.
Comme les livres (il y en aura quatre) s’adressent aux 12-14 ans, il sera bien entendu question d’intégration, de rivalité entre bandes et d’amours impossibles. La défiance des uns vis-à-vis des autres ou des filles par rapport aux garçons (par exemple) est ici justifiée par le fait que les différents clans ne se mélangent jamais, y compris à l’école, terrain neutre par excellence où ils assistent aux mêmes cours mais ont interdiction de s’adresser la parole sous peine de sanctions. Bien que tout ne soit pas détaillé dans ce premier tome, il nous est en effet expliqué que de terribles guerres ont déchiré les Yokaï par le passé, aboutissant à ce statu quo où chacun doit rester chez soi pour préserver la paix. Et malheur à celui qui oserait enfreindre la règle et s’aventurer sur le territoire d’un clan ennemi ! Cela serait considéré comme une déclaration de guerre, marquant l’arrêt de mort du fauteur de trouble.
Et, comme l’on peut s’en douter, c’est précisément ce qu’il va se passer dès l’ouverture du Clan des loups. Sauf que cette loi tacite est enfreinte par un enfant, et que tous nient avoir une quelconque implication dans la mort du Yokaï adulte retrouvé peu de temps après. Pour déjouer les ficelles de ce qui ressemble à un étrange complot pour monter les différents clans les uns contre les autres, quatre adolescents, chacun représentant son propre clan, vont décider de s’unir pour empêcher le pire…
Un premier tome accrocheur pour les 12-14 ans
Classique mais efficace. Voilà les premiers mots qui viennent à l’esprit à l’issue de la lecture du tome 1 de La légende des quatre. Pour mieux interpeller le jeune lecteur, Cassandra O’Donnell privilégie des chapitres courts et accrocheurs, écrits dans un style simple et fluide, mais qui n’est aucunement simpliste. Les psychologies des personnages sont assez marquées pour renforcer l’identification, mais l’auteure ne prend pas pour autant ses lecteurs pour des imbéciles : leurs comportements et réactions sonnent juste, tout en plongeant ces alter-egos fantasmés aux super-pouvoirs dans des situations épiques qui permettront aux adolescents de s’évader. Car l’un des chevaux de bataille de la Française est de donner le goût de la lecture à des enfants pour lesquels le rapport au livre ne va pas forcément de soi. Elle leur propose donc des histoires sur des thèmes qui les interpellent, avec des éléments fantastiques qu’ils affectionnent, en maintenant un rythme assez soutenu. Et, si l’on est loin de la complexité d’Harry Potter (ce n’est d’ailleurs pas le but), le résultat est agréablement surprenant, même avec un regard d’adulte.
En effet, Cassandra O’Donnell tisse une mythologie cohérente et, si l’on repère assez facilement les différents emprunts culturels, force est de reconnaître que cette nouvelle saga possède une identité qui lui est propre, et un ton assez attachant, contrairement à certains récits simplement calqués sur des recettes à succès. Ici, les Yokaïs, en partie inspirés des métamorphes de la culture amérindienne, font l’apprentissage de leurs pouvoirs. Leurs corps sont en pleine transformation, ce qui ne peut que parler aux pré-ados et adolescents auxquels la saga s’adresse. Le sujet est traité avec une certaine finesse, sans psychologisation pataude, et c’est d’ailleurs l’une des forces du Clan des loups : Cassandra O’Donnell ne surligne jamais le message que les lecteurs sont censés retirer de son oeuvre, mais elle soigne les relations entre les personnages, et maintient une narration assez mouvementée, pour une immersion immédiate. Autre bon point : on sent que l’auteure sait où elle va, et les révélations de ce premier volume sont dosées avec soin, afin de donner envie de lire la suite.
Entre aventures fantasy et récit métaphorique
Au-delà de son intrigue fantasy dynamique (les Yokaïs et leurs pouvoirs, le conflit les opposant, leurs rapports avec les humains), relevée d’un trait de noirceur, La légende des quatre : Le clan des loups se concentre sur les relations entre ses héros adolescents, à commencer par la love story en puissance unissant Maya (héritière du clan des loups) et Bregan (du clan des tigres), les deux fortes têtes de la bande. Ces deux personnages sont idéalisés, tout en possédant leur lot de défauts. Les jeunes filles pourront facilement s’identifier à Maya, qui n’est pas qu’une jolie fille amoureuse, mais surtout une chef de meute au caractère entier, sachant utiliser aussi bien son intelligence que la force physique lorsqu’il le faut. Impétueuse et volontiers provocatrice, elle est constamment au centre de l’action. Bregan, plus doux, devrait attiser la fibre romantique des jeunes lectrices, mais n’est pas présenté comme un faire-valoir pour autant. Cassandra O’Donnell joue sur des ficelles assez classiques pour suggérer l’irrésistible attirance entre les deux, sur le mode du “qui aime bien châtie bien”: l’irritation et l’agressivité de Maya dissimulent des sentiments assez évidents, qui feront surface lorsque le jeune héritier et elle se sauveront la vie à tour de rôle.
Les rapports de groupe et la “séparation” entre les clans sont quant à eux conçus pour parler aux collégiens, qui apprennent à s’affirmer en s’intégrant à différentes bandes, mais sont aussi confrontés à des questions de diversité qui peuvent exacerber le sentiment de différence. Transposé dans un univers fantasy, cela donne des loups, tigres, rapaces et serpents possédant des us et coutumes assez éloignés les uns des autres qui vont devoir apprendre à communiquer et s’entraider pour lutter contre un ennemi commun, qui reste en grande partie hors champ durant ce premier tome. Le fait étant que malgré leurs différences et griefs les uns envers les autres, tous restent des adolescents en recherche d’affirmation et d’affection, qui partagent plus que ce qu’ils veulent bien supposer.
La légende des quatre : Le clan des loups confirme ainsi le brio de Cassandra O’Donnell (qui a récemment adapté le 1er tome de sa série Malenfer en BD) pour créer des univers fantastiques attachants auxquels les jeunes lecteurs peuvent s’identifier, même sans être des mordus de littérature. Grâce à une narration fluide et immersive, des rebondissements savamment gérés, un brin de romance et beaucoup d’aventure, l’auteure française installe les bases d’une histoire qui ne s’annonce pas de tout repos, imprégnée de métamorphoses corporelles hautement symboliques.