[Critique Roman] Greta et Marguerite – Kalindi Ramphul

Caractéristiques

  • Titre : Greta et Marguerite
  • Auteur : Kalindi Ramphul
  • Editeur : Lattes
  • Collection : Romans Contemporains
  • Date de sortie en librairies : 30 avril 2025
  • Format numérique disponible : oui
  • Nombre de pages : 360
  • Prix : 20,90 €
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 8/10

À peine un an après Les Jours Mauves, un premier roman aussi personnel qu’introspectif sur la perte de son père, Kalindi Ramphul revient en librairie avec Greta et Marguerite, publié aux éditions JC Lattès. Si elle s’éloigne cette fois de l’autofiction pour plonger dans une intrigue pleinement romanesque, difficile de ne pas y percevoir encore quelques échos intimes. La vie s’invite toujours entre les lignes, même quand l’autrice choisit délibérément de la tenir à distance.

Turbulences sentimentales

Tout commence à bord d’un vol Bombay-Paris. Greta, hôtesse de l’air paradoxalement sujette à l’aérophobie, fait la connaissance de Romuald, ophtalmologue maladroit et superstitieux. Très vite, l’attraction s’impose, douce et maladroite. Seul hic, Romuald est déjà marié à Marguerite, architecte bretonne aux tenues soignées et au brushing irréprochable. Ensemble, ils ont eu Sally, une fillette pétillante qui décrète sans filtre que tout le monde est « moche ». À partir de cette rencontre improbable, Kalindi Ramphul déroule un triangle amoureux plein de charme, de maladresses et de fêlures.

Cependant, le cœur de l’histoire ne se résume pas à une simple romance. C’est aussi un voyage. Extérieur, d’abord, et dans les airs, puisque l’histoire commence littéralement à bord d’un avion. Mais aussi en Finlande, où certains personnages s’envoleront en quête de réponses, le temps d’une escapade qui prend des allures d’enquête. C’est aussi un voyage intérieur car ce que le roman explore, au fond, c’est la façon dont chacun compose avec ses émotions, son passé et ses échecs. La complexité des recompositions familiales, les ajustements imposés par l’arrivée d’une belle-mère, les tensions inexorables après une rupture…

Une plume digressive, humoristique et sensible

Kalindi Ramphul a une manière bien à elle de raconter des histoires, et elle ne cherche jamais à faire simple. Tout est propice à la digression, à l’exagération. L’écriture déborde, foisonne, traîne volontairement en longueur, s’épanouit dans des phrases sinueuses pleines de virgules, de précisions inattendues et de comparaisons aussi drôles qu’absurdes. Le tout avec un sens de la formule affûté et un goût certain pour l’anecdote croustillante.

Il en résulte un roman fantasque, d’une vitalité constante et d’une fantaisie contagieuse. On sourit beaucoup, grâce à une galerie de personnages tous un peu cabossés, mais terriblement humains. L’autrice sait tirer sur les ficelles de l’émotion sans sombrer dans le pathos, et si elle conserve toujours une certaine distance ironique, ses personnages n’en sont pas moins touchants. Il faut néanmoins accepter certaines marottes stylistiques : à force d’être réutilisées, quelques trouvailles linguistiques perdent en efficacité, et l’écriture, aussi originale soit-elle, peut devenir répétitive. Il n’empêche que Kalindi Ramphul affirme ici une voix singulière, résolument originale, qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui a le mérite d’être immédiatement reconnaissable.

Voix plurielles et vérité féminine

La construction narrative du roman repose sur une alternance de points de vue féminins, tous racontés à la première personne. Le récit s’ouvre sur Sally, avant de basculer dans les pensées de Greta, puis dans celles de Marguerite. Trois femmes, trois voix singulières qui se répondent, se contredisent parfois, mais s’éclairent toujours mutuellement. L’autrice parvient avec finesse à faire évoluer son style pour coller aux sensibilités de chacune, sans jamais trahir la cohérence de l’ensemble.

Grâce à cette polyphonie vocale, le roman dresse un portrait aussi piquant que tendre de la condition féminine. Greta et Marguerite sont les parfaits revers d’une même médaille : l’une libre et délurée, l’autre rigide et bardée de principes. A travers leurs portraits contrastés et vibrants, l’autrice touche à quelque chose d’universel, de profondément ancré dans l’expérience féminine, multiforme et viscéralement intime. Elle rappelle ainsi combien les douleurs, les désillusions et les colères peuvent traverser les classes sociales, les âges et les époques. Et si le roman tend à reléguer les hommes en arrière-plan – jusqu’à leur exclusion manifeste du titre – ce n’est pas tant un pamphlet misandre qu’un regard désabusé sur le masculin, souvent absent, inconstant ou fuyant. Une manière également de laisser toute la place à celles qui, trop souvent, n’en ont que la moitié.

Greta et Marguerite est donc un roman à l’image de ses héroïnes : fantasque, bavard et attachant. Kalindi Ramphul y confirme son goût pour les récits à tiroirs, les personnages hauts en couleur et les phrases qui s’étirent avec gourmandise. Un roman léger en apparence, mais qui sait aussi, à l’improviste, nous prendre par surprise et nous toucher. Un voyage qui vaut le détour.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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