[Critique] La Maison des silences – Donato Carrisi

Caractéristiques

  • Titre : La Maison des Silences
  • Auteur : Donato Carrisi
  • Editeur : Calmann-Levy
  • Collection : Noir
  • Date de sortie en librairies : 1er octobre 2025
  • Format numérique disponible : Oui
  • Nombre de pages : 320
  • Prix : 21,90 euros
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Romancier, journaliste, criminologue, réalisateur et scénariste, Donato Carrisi s’est imposé comme l’une des voix incontournables du polar italien contemporain. Révélé en 2009 avec Le Chuchoteur (Il suggeritore), vendu à plus de 200 000 exemplaires en France et traduit dans une vingtaine de pays, il a depuis construit une œuvre sombre et labyrinthique, récompensée par de nombreux prix littéraires. Sa saga des Maison, initiée en 2019, en est désormais à son quatrième opus. La Maison des silences, publié aux éditions Calmann Lévy Noir, poursuit les aventures de Pietro Gerber, psychologue florentin surnommé « l’endormeur d’enfants ».

Le retour de Pietro Gerber

Hypnotiseur d’enfants reconnu, Pietro Gerber est confronté à une affaire singulière lorsqu’un couple inquiet lui confie son fils, Matias. Chaque nuit, l’enfant se réveille en hurlant, persuadé qu’une femme en noir, silencieuse et inquiétante, vient le tourmenter. Derrière ces cauchemars, Gerber découvre peu à peu les traces d’un mystère plus ancien, où la destinée de cette Dame silencieuse semble suspendue aux révélations de l’enfant. À travers ses séances, l’« endormeur » se retrouve une nouvelle fois happé dans une enquête où le réel et l’inconscient s’entremêlent dangereusement.

Comme dans les précédents volets de la saga des Maison, Donato Carrisi bâtit son intrigue sur une idée simple mais puissante. Ici, le pouvoir ambigu de l’hypnose, utilisée pour brouiller les frontières entre rêve, réalité et fantastique. Le lecteur est plongé dans un décor soigné, entre les rues de Florence, les villages italiens environnants et une atmosphère lourde de mystère. Gerber, quant à lui, demeure un personnage complexe. Hanté par un traumatisme d’enfance et par l’ombre de son père, surnommé Monsieur B – hypnotiseur tout aussi renommé que redouté – il se débat avec un héritage douloureux qui nourrit sa rancœur et ses doutes.

Une enquête entre réel et surnaturel

Donato Carrisi joue habilement sur une tension permanente entre le concret de l’investigation et le trouble des rêves enfantins. Le récit alterne entre les consultations de Gerber, menées dans le cadre d’une enquête classique, et les visions nocturnes de Matias, bien trop précises pour être de simples cauchemars. L’auteur s’aventure ainsi sur un territoire ambigu où l’hypnose devient un outil fragile, oscillant entre science thérapeutique et passerelle vers l’inexplicable. La silhouette inquiétante de la Dame silencieuse hante ces pages comme une figure empruntée à la littérature fantastique ou horrifique, et le lecteur se demande sans cesse si l’histoire basculera dans le surnaturel ou conservera une explication rationnelle. Carrisi souligne pourtant, en note finale, s’être appuyé sur de véritables techniques d’hypnose en collaboration avec deux médecins. Mais ce quatrième tome assume davantage d’explorer les marges du paranormal, au risque de brouiller les repères.

Ce choix narratif, s’il nourrit le mystère, atteint parfois ses propres limites. Le récit à la troisième personne consacré à la Dame adopte une construction trop linéaire et chronologique pour être crédible en tant que rêve d’enfant. On devine derrière ce procédé une mécanique destinée avant tout à faire progresser l’intrigue. De même, si l’alternance entre enquête policière et visions oniriques entretient efficacement le suspense, elle repose parfois sur des ficelles visibles qui fragilisent la cohérence du récit. Le lecteur est invité à accepter ces artifices s’il souhaite se laisser porter par le divertissement, mais la suspension d’incrédulité est mise à rude épreuve. Résultat : deux intrigues intéressantes en elles-mêmes, mais dont la fusion reste inégale.

Un thriller haletant mais imparfait

Avec moins de 300 pages, La Maison des silences s’impose comme un véritable page-turner. L’écriture nerveuse et l’intrigue mystérieuse maintiennent une tension constante et un suspense addictif. Donato Carrisi joue avec l’incrédulité du lecteur comme le fait son protagoniste : tout en gardant une posture rationnelle, Pietro Gerber finit par accepter une logique dans l’illogique, et l’auteur nous entraîne dans ce glissement progressif vers l’irrationnel. Le roman, court mais dense, se lit d’une traite, tant l’envie de comprendre l’emporte sur les doutes suscités en chemin.

Cette efficacité n’est pas sans contrepartie. Fidèle à l’esprit de la saga des Maison, Donato Carrisi construit son récit autour d’un concept fort, décliné avec une mécanique claire, mais qui peut finir par donner une impression de redite à mesure que l’on enchaîne les tomes. L’intrigue, volontairement resserrée, relègue les personnages secondaires à l’arrière-plan, au point d’atténuer l’émotion que pourrait susciter, par exemple, la détresse de cette famille en quête de secours. Quant à la sous-intrigue liée au passé de Gerber, elle se résout de façon abrupte, donnant davantage l’impression d’un jalon intermédiaire que d’un véritable aboutissement. On en vient à se demander si l’auteur ne garde pas en réserve certaines cartes pour un cinquième opus…

Avec La Maison des silences, Donato Carrisi poursuit une saga aux concepts toujours intrigants, en y ajoutant une dimension presque fantastique qui séduira les amateurs de thrillers atypiques. Si le roman souffre de quelques facilités narratives, il n’en reste pas moins un récit efficace, sombre et captivant, qui se lit d’une traite.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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