[Critique] La Mastication du Vampire dans son tombeau – Zachopoulos et Martinis

Caractéristiques

  • Auteur : Z.I. Zachopoulos, Christos Martinis
  • Editeur : Wetta
  • Date de sortie en librairies : 3 mars 2016
  • Format numérique disponible : Non
  • Nombre de pages : 80 (édition spéciale : 100)
  • Prix : 15,95€
  • Acheter : Cliquez ici

image wetta la mastication du vampire dans son tombeauDracula ne meurt jamais

On continue notre découverte du travail de Wetta, une édition de comics spécialisée dans les ouvrages de genre (science-fiction, horreur, issus de licence ou non), avec cette fois-ci un travail plus obscur que le récemment chroniqué Aliens Absolution : La Mastication du Vampire dans son Tombeau. Après le xénomorphe, place au plus reconnu des monstres, celui qui, grâce à l’imaginaire collectif, s’est vu attribuer le statut de menace ultime, tapie dans la nuit juste là, derrière vous. Dracula, que l’on croyait définitivement trépassé mais qui, sous l’impulsion d’un duo doué, est finalement loin d’avoir prononcé ses derniers mots.

L’histoire de La Mastication du Vampire dans son Tombeau prend la suite directe du roman de Bram Stoker. Enfin, plus exactement il modifie la fin de ce livre afin d’imaginer un tout nouveau dénouement. Ici, Dracula n’est pas mort, mais se voit contraint de fuir la vieille Europe pour le nouveau monde. Direction New-York pour le plus abominables des Comtes, et pour ce faire il utilise un moyen de locomotion qu’il ne connaît que trop bien : le bateau. Dans la grosse pomme, Dracula a tout le loisir d’étancher sa soif de sang, mais il sait pourtant que le combat final approche inexorablement. En effet, alerté par des rumeurs plus qu’inquiétante concernant les atroces agissements d’un certain “saigneur”, le trio formé par Van Helsing, Jonathan Harker et Quincey P. Morris a suivi la trace de l’odieux vampire jusqu’au pays de l’Oncle Sam…

Le scénario de La Mastication du Vampire dans son Tombeau est intéressant à plus d’un titre, et pour commencer il faut souligner l’envie remarquable de K.I. Zachopoulos de s’inscrire dans la lignée de Stoker, et de chercher à révolutionner quoi que ce soit. En effet, pour mieux inventer une nouvelle partie de cette histoire, il fallait avant tout modifier le final du roman d’origine avec une déférence sans faille. C’est le cas, et avec le plus grand respect de l’écrivain : on retrouve les personnages dans une configuration idéale pour relancer la machine : Quincey ne meurt pas d’un coup de couteau mal placé, par contre Mina n’a pas survécu à un combat que l’on imagine avoir été bien dramatique. Celui-ci eu comme conséquence de faire reculer Dracula qui, les canines entre les jambes, part se réfugier dans une ville finalement faite pour le faire passer inaperçu, à bien y regarder. Zachopoulos réussit à nous faire croire à cette extension, cette nouvelle lutte finale, en faisant passer bien des choses en peu de dialogues. Du coup on rentre très vite dans le vif du sujet, sans passer par des séquences d’introduction interminables.

Un récit intense qui va à l’essentiel

La plume à l’écriture de La Mastication du Vampire dans son Tombeau a bien digéré le matériau d’origine, et ne propose pas spécialement de surenchère, mais plutôt un deuxième acte, une sorte de match retour joué par des protagonistes à bout de souffle. Que ce soit Van Helsing, dont le rôle dramatique nous surprend, Harker qui pleure la mort de Mina (une différence nette avec la fin du livre de Stoker), ou un Quincey finalement survivant (encore une démarcation) et toujours sous le choc de la perte de sa Lucy, le trio de chasseur est clairement motivé par une seule envie : celle d’en finir avec le sinistre Comte. Ce qui donne à leur embarquée américaine un jusqu’au-boutisme héroïque émouvant, on sait d’où ils viennent, et l’on sent où ils vont. Mais c’est surtout, et évidemment, Dracula qui nous a conquis. On reviendra plus tard sur son aspect physique qui est sans aucun doute la très, très grande réussite de cet ouvrage, pour s’intéresser un peu plus à ce qu’il peut ressentir ici. Pris en chasse certes, le Comte n’en reste pas moins un cauchemar sur pattes, mais loin d’être un monstre simplement infâme, laissant derrière lui d’innombrables cadavres desséchés. On perçoit chez le plus redouté des vampires, au détour de quelques cases, un fatalisme qui confine à la dépression, voire à l’envie de révolte quand il se rendra compte que l’humanité peut être au moins aussi cruelle que lui.

image dracula la mastication du vampire dans son tombeauSi le scénario de La Mastication du Vampire dans son Tombeau ne déçoit pas, que dire du dessin de Christos Martinis ? Plus précisément de la peinture numérique, on est tombé amoureux de l’ambiance lugubre qui se dégage de ces planches, de ces couleurs qui plongent le lecteur en plein cauchemar éveillé. Un style artistique plein de personnalité, qui donne un mouvement perceptible et un rendu glauque à souhait. On n’a aucunement envie de vous spoiler quoi que ce soit, disons que certaines cases, parmi un ensemble de haut niveau, atteint le stade du carrément inoubliable. La mise en scène est aussi grandement responsable de ce triomphe pictural, avec notamment un dessin, sur un pont, qui gagne un impact fou grâce à une montée en puissance bien maîtrisée, laissant exploser la nature immonde, ce physique repoussant d’un monstre dans tous ses états. Puisque l’on parle de lui, saluons le choix d’en faire plus un Nosferatu poussé à l’extrême qu’un Dracula, ce qui implique une sorte de spontanéité chez le personnage, qui ne devient jamais ce protagoniste en recherche de séduction. Cette description du vampire a un impact jusque dans le récit, qu’il convient de qualifier de rectiligne, sans temps mort.

La Mastication du Vampire dans son Tombeau est une bande dessinée courte mais très intense, habile dans son écriture et tout simplement remarquable dans son visuel. L’exercice n’était pas facile, Dracula est un monstre qui n’a pas toujours été gâté quand il s’aventure loin de la trame de Bram Stoker, mais le duo grecque s’en tire avec tous les honneurs. Notons que l’édition spéciale propose une interview de K.I. Zachopoulos, quelques illustrations additionnelles, et surtout une cover d’une beauté infinie. Et, pour terminer par une info, signalons qu’une version album (cartonné) monochrome sortira à la rentrée.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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