[Critique] L’anti-Robespierre – Pierre Casselle

image l'anti-robespierreJérôme Pétion contre la Terreur

Si l’on est loin de lui donner parole d’évangile, Quentin Tarantino a dit un jour : “à l’école j’aimais l’Histoire, parce que pour moi c’était comme un film“. Cette remarque est effectivement très valable, l’Histoire a, comme dans une œuvre cinématographique, ses différentes séquence, ses intrigues, ses problématiques, et même son casting. C’est ce dernier qui nous intéresse aujourd’hui, car la distribution de certains faits est un subtil mélange de personnages principaux, secondaires, de figurants ainsi que de silhouettes et, il faut bien l’écrire, parfois cet ordre est le fruit du choix tacite des historiens. Aujourd’hui, on s’intéresse à L’anti-Robespierre, un essai sous-titré Jérôme Pétion ou la Révolution pacifique, paru aux éditions Vendémiaire et qui nous permet de creuser le cheminement d’un protagoniste méconnu et pourtant passionnant.

L’anti-Robespierre s’intéresse, donc, à Jérôme Pétion de Villeneuve, un acteur important de la séquence révolutionnaire qu’a traversé la France à la fin du dix-huitième siècle. Le livre s’ouvre sur une introduction lourde de sens, et l’on se pose la question : comment ce personnage, et sa pensée profonde, a-t-il pu être à ce point passé sous silence ? Bien des réponses suivent cette interrogation, et elles ne font que développer cet étonnement. Sans doute paye-t-il, encore aujourd’hui, le fait de s’être comporté à contre-courant, de ne pas avoir cédé à la Terreur (n’est-ce pas, Jean-Luc Mélanchon), d’avoir même carrément pris position contre elle, d’avoir lutté contre elle ? Peut-être, toujours est-il que L’anti-Robespierre revient longuement sur le parcours chaotique d’un homme pourtant profondément attaché à la paix.

Un essai dense et de référence sur le sujet

Car L’anti-Robespierre, c’est avant tout l’histoire de Jérôme Pétion, et ce même si Pierre Casselle joue sciemment avec ses disparités d’avec celui qui fut un décideur actif de la Terreur. Bien évidement, nous marchons sur des œufs à ce sujet, tant le débat fait rage auprès des historiens, lesquels discutent toujours de la prépondérance de Robespierre au sein de ce segment historique. Cependant il est une évidence : Pétion était bel et bien son opposé. Avocat de profession, l’homme fut par la suite l’une des figures les plus intéressées par les avancées sociales : il se plaça très vite en faveur du suffrage universel, contre la peine de mort, et il fut aussi un défenseur du droit des femmes. Seulement, L’anti-Robespierre démontre que non seulement Pétion était en faveur du progrès social, mais qu’il était aussi en phase avec le concept de la liberté, et que la notion de peuple lui était aussi précieuse que le sang, qu’il ne voulait pas voir couler. L’auteur démontre petit à petit ce qui faisait la différence finalement profonde entre Robespierre et Pétion, et explique avec une grande passion la fin de vie en hors-la-loi de cet homme important.

L’anti-Robespierre est un essai dense, fouillé et ultra-complet. Si Jérôme Pétion était parfois résumé à l’affaire de Varenne, Pierre Casselle lui rend la dimension qui est la sienne : celle d’un homme qui aura milité toute sa vie, et jusqu’au suicide, pour une tolérance à tous les étages, mais qui malheureusement se sera confronté à plus fort que lui, plus organisé surtout. Fondamentalement, l’essai est l’occasion de bien replacer le contexte de la Révolution française, et surtout de ne pas oublier l’époque ignoble de la Terreur. Pétion ne la voulait pas, l’a combattu, et croyait en le pacifisme d’un idéal apaisé. Il en est mort, pris en chasse par la folie des Hommes, et comme souvent le destin d’un tel être sert aussi d’avertissement. Car vouloir les avancées sociales en détruisant autrui, ce n’est pas forcément une solution féconde. Ouvrage complet, épais mais heureusement agréable dans le style, L’anti-Robespierre a tout d’une étude indispensable, une référence indéniable sur le sujet qu’elle aborde.

L’anti-Robespierre : Jérôme Pétion ou la Révolution pacifique, écrit par Pierre Casselle. Aux éditions Vendémiaire, collection Révolutions, 648 pages, 25 euros. Sortie le 1er septembre 2016.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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