Une BD polonaise underground, et culte aux USA, atterrit en France
Il y a les phénomènes planétaires, retentissants, de ceux qui sont faits pour remplir les poches de beaux billets verts. Et il y a les phénomènes destinés à connaître des routes plus obscures, undergrounds, pas spécialement hyper rentables mais rendus cultes de par la passion qu’ils ont pu faire naître dans un groupe d’amateurs plus ou moins pointus. Vreckless Vrestlers est indéniablement de cette deuxième catégorie. Bande dessinée sortie plus qu’en catimini dans sa Pologne d’origine, voilà que l’objet livresque non identifié s’est retrouvé distribué aux États-Unis, où il fut pris sous l’aile de passionnés hardcores de comics, et de délires grotesques assumés. Aujourd’hui, voilà que la BD est distribué chez nous grâce aux bons soins de l’éditeur Wetta (Alien : Absolution, Toxique, La Mastication de Vampire dans son Tombeau, Aliens la série originale : 30ème anniversaire).
L’histoire de Vreckless Vrestlers donne dans le paradoxal. On est à la fois dans un scénario limité, construit pour être facilement assimilé, mais aussi dans de l’univers au backgroud potentiellement intéressant et pas si simpliste qu’on pouvait l’imaginer. Le manager de la « Vre Vre » Fédération, sorte de WWE intersidérale, parcourt l’espace afin de trouver des combattants de l’extrême. Le but ? Organiser le tournoi de catch le plus dingo, le plus sanglant, le plus violent jamais vu…
Comme on l’écrivait, Vreckless Vrestlers est avant tout un trip qui cherche à vite se faire comprendre, de par son sens de l’image avant tout. Muette du début à la fin, enfin si l’on excepte des onomatopées et les fiches des différents combattants, la bande dessinée se vit de la façon la plus simple et la plus trippante possible : les cases, l’action qui s’y déroule, basta ! Et, dans le genre, le contenu est plutôt du genre assaisonné : homme-crabe, monstre malodorant, valkyrie à barbe, homme-œil, supporter de foot, on ne vous dévoilera pas tout le casting mais il pose les bases d’une série de combats tous plus improbables les uns que les autres.
Affreux, sales et méchants
Vreckless Vrestless, c’est la bande dessinée affreuse, sale et méchante typique, d’ailleurs on avait un peu peur que, finalement, cela reste un peu du domaine de l’attendu. Mais c’était sans compter sur le réel talent de Tukasz Kowalczuk, l’artiste polonais aux manettes, qui nous balance là une sorte de Mortal Kombat bien Z. Alors que l’on découvre ces cases, les yeux un peu écarquillés par tant de coolitude déviante, on se rend compte que l’auteur prend en fait un malin plaisir à jouer avec ses personnages comme le ferait un enfant des années 80 avec ses figurines des Tortues Ninjas. Un sentiment qui, sans en dire trop, sera confirmé au sein même du récit.
Avec ses illustrations travaillées afin de leur donner un rendu « dessiné par un enfant de dix ans sur un coin de feuille double pendant un cours d’anglais super chiant », Vreckless Vrestlers ne concourt pas au titre du plus beau porte-bonheur. Seulement, s’il n’en a pas la tronche, c’est aussi parce que Tukasz Kowalczuk s’en cague gentiment, et trouve justement une justification réelle à ce rendu grossier mais pas dénué de style. On ressent un peu de ce sentiment que l’on avait, au collège, quand le pote un peu artiste de la classe balançait des dessins bien hardos dans une boulette à travers la classe, afin que tout le monde s’en amuse successivement : c’est certes hyper con-con, bordélique au possible, mais bon sang que c’est attachant.
Vreckless Vrestlers, une bande dessiné scénarisée et illustrée par Tukasz Kowalczuk. Aux éditions Wetta, 144 pages, 11.95 euros. Sortie le 27 mai 2016.