Caractéristiques
- Traducteur : Hugo Luquet
- Auteur : Dan Mazur & Alexander Danner
- Editeur : Hors Collection
- Date de sortie en librairies : 5 octobre 2017
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 320
- Prix : 35€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 8/10 par 1 critique
50 ans d’histoire mondiale de la BD
Un beau livre sur l’histoire mondiale de la bande-dessinée, écrit par des Américains et intitulé Comics ? Autant l’avouer, si l’ouvrage de Dan Mazur et Alexander Danner publié ce mois-ci chez Hors Collection (Star Wars : Les années LucasFilms Magazine, Le cinéma de Starfix…) nous faisait très envie, nous ressentions aussi une légère crainte de voir la bande-dessinée anglo-saxonne privilégiée au détriment du reste du monde. Cependant, il n’en est rien, et la volonté des auteurs de retracer de la façon la plus pertinente et large possible les différents courants allant de la fin des années 60 à nos jours est perceptible dès la préface, illustrée par une couverture du Journal de Tintin, et citant aussi bien comics, mangas, BD franco-belge que fumetti.
Alors bien sûr, lorsqu’un beau livre se propose de retracer l’histoire d’une discipline aussi riche que le 9e art, qui représente une multitude de genres, de styles, d’oeuvres-phares ou plus confidentielles, sous la forme d’une rétrospective, il est évident que certains auteurs seront oubliés ou survolés. Malgré cela, Mazur et Danner réussissent ici à éviter habilement le côté « Wikipedia » de nombreux ouvrages grand public, davantage soucieux de vulgariser de larges domaines sans nécessairement rentrer dans le vif du sujet.
Bien plus qu’une chronologie illustrée
Comics retrace certes l’évolution de la bande-dessinée de façon chronologique, mais toujours en le présentant et l’analysant en fonction du contexte socio-culturel de l’époque, en faisant également ressortir l’impact de telle oeuvre francophone sur tel auteur anglo-saxon et inversement. Surtout, les auteurs ne s’intéressent pas qu’aux grands succès d’édition, mais aussi aux avant-gardistes, à l’underground, ou encore à des mangakas de renom au Japon dont l’oeuvre n’a encore jamais été publiée en Occident. Peu importe les artistes cités, on sent un même soucis de précision, avec des commentaires dépassant le simple aspect factuel pour analyser avec finesse le style de chacun, parfois en disséquant des planches proposées en illustration.
Chaque chapitre s’attache plus particulièrement à un pays, un courant ou un auteur à une époque donnée, qui sera exploré sur une dizaine de pages environ, illustrations comprises. Les textes sont riches, comme nous l’avons souligné, tout en restant synthétiques et accessibles, et il s’agit là de la grande qualité du livre, de pouvoir être lu par des amateurs de BD peu importe leur niveau de culture en la matière, sans jamais sembler rébarbatif pour ceux qui auraient déjà de solides connaissances de base.
De Marvel à Garo, en passant par les indépendants et l’underground
Même le chapitre consacré au manga populaire, par exemple, est l’occasion pour Mazur et Danner de revenir sur certains auteurs peu connus en Occident, tels que Yumiko Oshima – dont les magnifiques planches donnent furieusement envie de demander aux éditeurs des éditions françaises – aux côtés d’œuvres plus connues comme La Rose de Versailles (1972), popularisée chez nous grâce au dessin animé Lady Oscar diffusé sur France 3.
Les univers DC et Marvel, qui se sont orientés vers des formes plus feuilletonnantes à partir des années 70, sont bien entendu abordés, et l’impact du récit de la mort de Jean Grey dans X-Men est souligné, mais la présence de ces deux mastodontes de l’édition américaine reste à la portion congrue, et ne prend pas le pas sur le reste. En termes de comics, on remarquera d’ailleurs que Crumb, Spiegelman, Neil Gaiman, Alan Moore ou le phénomène de l’auto-édition des années 90 (dont a bénéficié l’excellent Strangers in Paradise de Terry Moore) sont plus largement explorés que les seuls super-héros en collants.
Un ouvrage de référence
Cette volonté de mettre en avant la bande-dessinée « d’auteur » ou « artistique » et son impact est palpable, même si les auteurs soulignent dès la préface que les étiquettes « artistique » et « commercial » sont davantage employées de manière générale, puisqu’un succès commercial n’empêche pas pour autant les ambitions artistiques d’un auteur. On sera par ailleurs agréablement surpris du traitement approfondi de la BD franco-belge et italienne, qui sait dépasser les évidences au sujet de Goscinny, Mobius, Druillet, Cosey, Bilal ou Yoann Sfar, tout en s’attachant à des œuvres plus confidentielles.
Voilà donc un bien bel ouvrage sur l’histoire des 50 dernières années du 9e art que ce Comics, écrit par des spécialistes du genre et richement illustré de planches variées choisies avec le plus grand soin. Dan Mazur et Alexander Danner vont au-delà de la simple chronologie illustrée et de la compilation facile pour nous donner une véritable leçon d’histoire de la bande-dessinée, mise en contexte et analysée avec soin et précision dans un style accessible à travers des chapitres courts mais denses.
L’absence de conclusion véritable à cette exploration passionnante est bien le seul reproche que l’on pourrait trouver à ce beau livre, proposé dans une grande édition à la couverture souple et au papier mat à la qualité d’impression irréprochable. Un ouvrage de référence à ajouter à sa liste du Père Noël.