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[Critique] Battle Royale Ultimate Edition T1 – Takami, Taguchi

Caractéristiques

  • Auteur : Koushun Takami, Masayuki Taguchi
  • Editeur : Soleil Manga
  • Date de sortie en librairies : 22 août 2018
  • Format numérique disponible : Non
  • Nombre de pages : 416
  • Prix : 15€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 8/10

L’œuvre centrale du survival à la japonaise

Si vous n’êtes pas étrangers à la pop culture, le titre Battle Royale ne vous est pas inconnu. C’est même une sorte de ritournelle étrange qui l’accompagne, tant on l’entend à droite, à gauche. Devenu un mode de jeu, dans certaines productions vidéoludiques les plus populaires de notre époque (Fortnite, PUBG, et même Call of Duty Black Ops 4), ce qui est désormais devenu une expression, afin de qualifier une épreuve dont seul un participant peut prétendre à la victoire, est avant tout une œuvre. Celle de Koushun Takami signant, en 1999, un roman qui provoqua de telles réactions qu’il fut rapidement suivi d’une adaptation au cinéma, réalisée par le grand et regretté Kinji Fukusaku. Autre témoignage de ce succès populaire, un manga a, lui aussi, rapidement pointé le bout de son nez, et c’est celui-ci que nous abordons dans notre critique.

La situation du manga Battle Royale diffère assez peu du roman, tout en étant beaucoup plus fouillée que le pourtant excellent film de Fukusaku. La république d’Extrême Orient, nation totalitaire d’Asie, expérimente un jeu de massacre appelé « le programme ». Des classes de 3e sont choisies arbitrairement pour y participer. Les élèves d’une même classe doivent s’entretuer jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un seul survivant. Telle en est la cruelle règle. Les 42 élèves de la classe de 3eb du collège Shiroiwa se retrouvent engagés dans ce véritable « jeu de la mort », sans même savoir pourquoi…

Le premier tome Battle Royale Ultimate Edition reprend les deux premiers volumes de la précédente édition, à l’image du récent traitement accordé à Gantz. Seule véritable différence dans le contenu : on capte rapidement que Soleil Manga (Gambling SchoolCage of Eden) nous offre de nouveaux scans et un nouveau lettrage. Le rendu est, ainsi, plus propre qu’auparavant, et le confort de lecture s’en trouve amélioré. On pense surtout à ces passages très dialogués, voire écrits, qui désormais ne posent plus de problème de lisibilité. Enfin, un marque-page est inclus, ce qui se révèle toujours apprécié. Après cette précision, on se doit de signaler qu’il s’agit exactement du même récit : pas de censure à l’horizon, comme toujours avec cet éditeur. Si nous redécouvrons cette œuvre à l’occasion, on ne peut que penser aux chanceux qui vont avoir le plaisir de se confronter, pour la première fois, à ce manga aussi survitaminé que corrosif.

Aussi passionnant que corrosif

Battle Royale côté manga, ce n’est ni le roman, ni le film. D’ailleurs, il est intéressant de s’apercevoir que ces trois mediums proposent une expérience assez différente pour qu’on puisse conseiller la découverte de chacun d’entre eux. Ici, on a droit à un trip un peu moins politique que dans le livre, même si vous vous rendrez assez vite compte que l’atmosphère se veut aussi très critique de l’état non seulement du Japon, mais aussi du monde qui l’entoure. Et ce n’est pas étonnant, puisque Koushun Takami, l’auteur de l’ouvrage, est aussi le scénariste du manga (et il a participé au script du long métrage). Une implication directe, qui lui permet d’aborder l’histoire sous un angle assez nouveau. La retenue, que l’on ressentait dans le roman, est ici balayée avec vigueur : c’est très gore, et très sexe, même si ces premiers tomes s’illustrent surtout par le premier critère.

Les élèves de Battle Royale ont tous leurs tares, et leurs qualités. Leur grand malheur est que tout ceci s’exprime dans une société qui les comprend de moins en moins, et qui cherche à reprendre le contrôle. Non, ne fuyez pas, nous ne sommes pas dans l’une de ces œuvres bassement moralisatrice, comme le très simpliste L’heure de la sortie (découvert à L’Étrange Festival 2018) qui résument les soucis d’éducation par le biais du seul social, de l’écologie, et autres moyens de fuir le débat. Ici, les adolescents ont aussi leur part de responsabilité individuelle, bien mise en avant par les différentes scénettes. La construction du récit permet cela : chaque chapitre épouse un point de vue, lequel est motivé par la possibilité de plonger au plus profond des personnages. Trahison, manipulation, bonté, innocence, tout ces cas de figure s’articulent autour du concept même du jeu de massacre : pour qu’un vainqueur puisse survivre, il faut que tous ses camarades se soient entretués. Glauque, et terriblement passionnant.

Koushun Takashi parvient, avec ce début du manga Battle Royale, à installer une ambiance extrêmement tendue, sans pour autant oublier de creuser l’univers. Certaines pages se détachent du récit, pour revenir sur les antagonismes au niveau macro : la République de l’Est, en fait le Japon, est bien resitué, et l’on ne sent pas une quelconque gratuité dans le concept de ces classes choisies pour un massacre à grande échelle. C’est, d’ailleurs, la grande qualité de cette histoire : elle exploite les failles de notre quotidien afin de livrer une problématique malheureusement redoutable. Les personnages sont plausibles, on connait tous ce genre d’adolescents, rendus ingérables par des largesses coupables de ceux qui sont censés les accompagner dans la découverte de leurs limites. Bien évidemment, l’action rend le tout largement improbable, mais l’écho créé, en notre for intérieur, est bel et bien réel. Le tout bien soutenu par les dessins de Masayuki Tagushi, (Black Joke, Lives) volontairement très adultes, comme pour souligner la personnalité des protagonistes. Ceux-ci ont quinze ans, mais sont parfois vus comme plus âgés, ce qui fabrique un véritable trouble chez le lecteur. La mise en scène est aussi de belle qualité, impose un rythme haletant, tout en restant lisible d’un bout à l’autre. Dans le genre série immanquable, Battle Royale se pose là.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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